CERTAINES FORTUNES se bâtissent dans la lutte. Le combat de Baidu contre Google sur le marché chinois aura indéniablement payé. Six mois après la fermeture de l'édition chinoise du moteur de recherche californien, Robin Li, charismatique fondateur de la compagnie chinoise cotée au Nasdaq, se hisse au rang de deuxième homme le plus riche de Chine.
Sa fortune, aujourd'hui estimée à 7,2 milliards de dollars par le magazine Forbes, a doublé en à peine un an. Une courbe exponentielle qui suit les résultats de sa compagnie, hausse de 76 % des revenus au troisième trimestre, et de sa capitalisation boursière. Cotée au Nasdaq, Baidu vaut 37,5 milliards de dollars contre 21 milliards pour Yahoo!.
Pas de doute : depuis le départ de Google, Baidu se porte bien. Le numéro un chinois a conforté sa place avec plus de 70 % de parts de marché. Il semble loin le temps où la compagnie californienne jouait les business angels en investissant - 2,6 % - dans le capital d'une jeune pousse chinoise prometteuse. C'était en 2004 et en 2006, la création de Google.cn mettait fin au partenariat.
Plus fort que Google
C'est précisément à cette période que Robin Li entre dans la légende. Le 5 août 2005, Baidu est introduit sur le Nasdaq et le titre bondit de 354 % lors de la première séance. Du jamais-vu depuis l'éclatement de la bulle Internet. Depuis, Baidu est resté un nom largement ignoré du grand public en France et même aux États-Unis. Mais en Chine, les yuppies ont fait de son dirigeant un héros des temps modernes.
Quatrième enfant et seul fils d'une fratrie de cinq, originaire de la province du Shanxi dans le centre du pays, il intègre la très prestigieuse université de Pékin à la fin des années 1980. L'ingénieur informaticien complète ensuite son cursus aux États-Unis, à l'université de Buffalo dans l'État de New York et commence à travailler du côté de la Silicon Valley notamment. En 1999, il décide de retourner en Chine et fonde avec un ami biochimiste, Éric Xu, et 1,2 million de dollars levé auprès d'investisseurs américains, le moteur de recherche Baidu, littéralement « cent degrés », en référence à la métaphore d'un poème chinois de la dynastie Song évoquant la recherche d'un amour perdu dans la foule. Après des débuts hésitants, le moteur chinois devient leader sur le marché national en quatre ans.
Aujourd'hui, rien ne semble arrêter cette ascension irrésistible. Pas même Google donc. La firme californienne a bien tenté de contourner l'obstacle Baidu en misant dans le pays sur l'Internet mobile et son interface pour smartphones, Android. Mais les ambitions de Baidu pourraient encore contrecarrer ces plans. En septembre dernier, lors de sa grand-messe annuelle à Pékin, la Baidu Technology Innovation Conference, Robin Li a lancé son système baptisé Box Computing. Cette « boîte », déclinable sur PC et téléphones portables, propose une plate-forme d'applications, de la télévision par Internet aux jeux, en passant par les e-books. Destinée au colossal marché chinois qui compte déjà 420 millions d'internautes, elle peut aussi être programmée en différentes langues. Une façon de rappeler les ambitions internationales du très local Baidu. Malgré sa position dominante sur le marché domestique, Robin Li n'ignore pas la concurrence montante de ses propres compatriotes. Persuadé de l'importance d'une implantation à l'étranger pour sa crédibilité à domicile, il a déjà lancé en 2007 une édition japonaise de son moteur de recherche et la Toile nipponne sera une des priorités à l'international du milliardaire chinois.
L'Asie en général intéresse le jeune dirigeant, qui espère bien attirer l'attention d'investisseurs de la région lors d'une nouvelle entrée en Bourse prévue en Chine. Aucun calendrier n'a encore été annoncé, mais une chose est sûre : le deuxième homme le plus riche de l'empire du Milieu n'est pas encore allé au bout de ses ambitions.
Julie DesnéLe commerce en ligne chinois s'ouvre aux grandes marques
DISTRIBUTION L'e-commerce chinois a longtemps fait peur. Plus qu'ailleurs, les marques avaient peur de dégrader leur image sur une toile chinoise confuse. Mais la superpuissance du géant chinois de l'e-commerce Taobao, qui détient 75 % des parts de marché de la vente en ligne et a écrasé son homologue américain eBay en à peine deux ans, a fini d'impressionner les nouveaux entrants. La seule perspective d'accéder au marché virtuel le plus important du monde, avec 420 millions d'internautes - dont un tiers sont des acheteurs aujourd'hui, a fini de vaincre les réticences.
Armani est un des premiers noms du luxe à sauter le pas. L'italien a lancé hier son site de ventes en ligne pour Emporio Armani. En réalité, la Chine est devenue incontournable pour les acteurs du luxe. Le cabinet de conseil Boston Consulting Group estime que l'empire du Milieu deviendra le premier marché de l'industrie dans moins de cinq ans. Le groupe Armani tire déjà 10 % de ses ventes mondiales de la Chine et espère encore doper ses ventes avec son site. De son côté, le site italien Yoox, qui a conçu la plate-forme en ligne d'Armani et travaille pour Dolce & Gabbana, Valentino, Roberto Cavalli ou Ermenegildo Zegna, a aussi des visées chinoises. Il prévoit de lancer d'autres sites monomarques en 2011 et une version chinoise de son propre site en 2012.
Wal-Mart va ouvrir son magasin en ligne
Avec une progression de 117 % des ventes en ligne en 2009, à 30 milliards d'euros, le marché chinois continue d'aiguiser les appétits. Depuis 2006, Sephora étend sa pénétration géographique du marché grâce à ses ventes par Internet. L'an dernier, le japonais Uniqlo se lançait en partenariat avec Taobao, avec l'objectif de porter ses ventes en ligne à 10 % de ses revenus en Chine. Plus récemment, Apple a ouvert son magasin en ligne le mois dernier, comme volet de sa stratégie de reconquête du marché chinois. Gap a lancé sa plate-forme de ventes ce mois-ci, en même temps que son premier magasin à Shanghaï, dans l'espoir de rattraper le retard pris sur ses rivaux Zara et H& M. Et enfin, le géant de la distribution américain Wal-Mart est le dernier en date à avoir annoncé son intention d'ouvrir un site d'e-commerce. Il ne restera pas le dernier bien longtemps.
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