Entretien avec Zhao Tingyang, philosophe, chercheur à l'académie chinoise des sciences sociales.
Quel sens politique donnez-vous à ces deux jours d'échanges culturels, à l'heure où les tensions montent entre les États-Unis et la Chine ?
Zhao Tingyang. La culture est devenue l'un des principaux enjeux politiques de notre époque. Bien sûr, on pourra objecter que cela a toujours été le cas, mais cette question, je crois, est devenue centrale. Comme l'a pointé Samuel Huntington, elle pourrait aboutir à une guerre des civilisations. Les multinationales globalisées ont aujourd'hui pris le pas sur tout le reste. Dans ce contexte, la culture est décisive car elle décide de nos vies, de nos comportements, de nos choix. Derrière les choix économiques se cache toujours une dimension culturelle. C'est donc une question éminemment politique.
Les échanges culturels seraient donc un antidote à la prophétie d'Huntington ?
Zhao Tingyang. Oui. Cette vision conflictuelle des rapports entre civilisations constitue en tout cas une des plus sérieuses menaces qui pèsent sur le genre humain. Il nous faut trouver des solutions rationnelles pour éviter tout conflit.
Comment le philosophe que vous êtes analyse-t-il la croissance et la transformation radicale que connaît votre pays ?
Zhao Tingyang. Pour moi, la philosophie consiste à explorer les nouvelles possibilités que les idées offrent au monde. Il faut que nous parvenions à une nouvelle étape des Lumières, au sens européen du terme. Dans cette optique, j'essaie d'améliorer le concept de rationalité, de ramener l'individualisme méthodologique à une méthodologie relationnelle. Cela signifie que nous devons ajouter une nouvelle dimension à notre rationalité. Je pense que la planète est le bien commun de tous ses habitants, et que chacun devrait avoir sa part. La technologie, comme les idées, doit nous permettre de rationaliser nos multiples dépendances, notamment en utilisant des énergies propres. Mais cette tâche ne peut pas uniquement être confiée à la Chine, c'est aussi la responsabilité du monde occidental, qui a causé tant de dégâts à la planète au cours de son histoire.
Le risque d'une confrontation militaire avec la Chine suscite de nombreux débats à la télévision française, avez-vous des discussions similaires dans votre pays ?
Zhao Tingyang. J'ai bien peur que ce ne soit pas un sujet de discussion courant. Les Chinois ne veulent la guerre avec personne. Pour être franc, je crois qu'il s'agit simplement d'une peur occidentale. Les États-Unis sont très typiques à cet égard. Même quand ils n'ont pas d'ennemi, ils réussissent toujours à en fabriquer un, même s'il faut pour cela le faire venir de l'espace. (Rires.) Je crois que la clé de la pensée politique occidentale demeure la guerre au sens large du terme, tandis que la Chine recherche davantage l'harmonie à travers des échanges mutuels et raisonnables.
© 2010 l'Humanité. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire