Nicolas Sarkozy et Hu Jintao entrent dans le vif du sujet à Nice
Le Figaro, no. 20611 - Le Figaro, samedi, 6 novembre 2010, p. 6
Poursuivant leurs entretiens sur la Côte d'Azur, hier, les présidents français et chinois ont constaté une « vraie convergence de vue » sur la réforme du système monétaire.
Barluet, Alain
DIPLOMATIE Sur la Promenade des Anglais, quelques dizaines d'étudiants chinois (ils sont 30 000 au total dans les universités françaises) brandissent des drapeaux rouges en face du Negresco. Lorsque vers 17 heures, Hu Jintao sort enfin de l'hôtel où il est arrivé, venant de Paris, en début d'après-midi, les cris et les appels redoublent. Le numéro un chinois, entouré par une imposante escouade de sécurité, semble hésiter puis rejoint les barrières où se masse la petite foule pour se livrer à un minibain de foule, exercice plutôt inhabituel pour un dirigeant de l'empire du Milieu.
Nicolas Sarkozy, arrivé quelques instants plus tôt, rejoint son hôte, pour ces effusions très contrôlées. Les deux hommes se rendent ensuite à pied à la Villa Massena, toute proche, une belle maison privée transformée en musée sur l'avenue la plus célèbre de la Côte d'Azur. Le quartier, la ville entière sont sous haute protection policière. Un porteur de drapeau tibétain a tenté de s'approcher, mais il a été rapidement appréhendé. Une petite manifestation rassemblant une cinquantaine de militants des droits de l'homme et du mouvement Tibet libre a bien eu lieu hier mais elle s'est déroulée loin du centre. Un autre rassemblement est prévu aujourd'hui à Carros, dans la banlieue industrielle de Nice, où Hu Jintao doit visiter une usine de Schneider Electric avant de s'envoler pour Lisbonne, deuxième et dernière étape de sa tournée européenne.
C'est à la Villa Massena que s'est déroulée hier la deuxième série d'entretiens de cette visite d'État, consacrés aux questions internationales et au « coeur » des préoccupations diplomatiques françaises pour les mois à venir, la présidence du G20. L'appui de principe des Chinois étant acquis, l'idée était hier de rentrer dans le vif du sujet, notamment la question sensible de la réforme du système monétaire, que Pékin n'entend d'aucune façon se laisser imposer. « Il y a entre nous une véritable convergence de vue à la fois sur les objectifs à atteindre et sur la méthode pour progresser », indiquait-on hier dans l'entourage de Nicolas Sarkozy.
Comme celui-ci l'avait suggéré en août dernier, un séminaire sur cette question devrait se dérouler, sous présidence française, dans une ville chinoise, geste appréciable à l'égard de Pékin. Sur l'appréciation du yuan, réclamé avec plus ou moins de virulence par la plupart des partenaires commerciaux de la Chine, « l'atmosphère n'est pas de désigner des coupables, mais de trouver les chemins de la croissance au moment où celle-ci montre des signes de reprises », indiquait-on dans la délégation française.
Fleurs de courgette au menu
Le président chinois a personnellement souhaité faire étape à Nice, un engouement partagé par beaucoup de ses compatriotes. La Côte d'Azur est en effet la deuxième destination des touristes chinois, qui se rendent de plus en plus nombreux en France, encore loin derrière Paris. Hier matin, avant de rallier Nice, Hu Jintao a pris le temps d'une visite de courtoisie à Jacques Chirac et s'est entretenu pendant une heure à Matignon avec François Fillon.
Côté français, on a volontiers souscrit au projet de se réunir avec le dirigeant chinois dans un cadre plus décontracté, loin du tohu-bohu de la capitale. Nicolas Sarkozy a ainsi voulu poursuivre les entretiens dans un restaurant du Vieux Nice, La Petite Maison, qu'il connaît bien, notamment pour y avoir convié naguère les présidents sud-africain Jacob Zuma et russe Dmitri Medvedev.
Les deux dirigeants sont arrivés sur place vers 19 heures pour un « dîner de travail » composé principalement de petits farcis, de fleurs de courgette et de minipans bagnats suivis, comme plat de résistance, de pâtes aux truffes et de loup, un poisson de la région. Menu idéal pour consacrer une lune de miel, consolidée, par la signature, en deux vagues, de contrats estimés à quelque 20 milliards de dollars.
La Chine apporte son soutien à la présidence française du G20
Barluet, Alain
POUR Nicolas Sarkozy, la longue marche vers la présidence du G20 passait nécessairement par l'appui de la Chine à son agenda de réformes. Cet objectif a été atteint. Hier à Nice, les discussions entre les deux dirigeants étaient centrées sur le rendez-vous de Séoul, la semaine prochaine, et surtout sur le programme de l'année qui va suivre. Comme la veille à Paris, Hu Jintao a apporté un appui sans faille aux projets de son homologue français. Jeudi soir, une déclaration commune diffusée par l'Élysée après le premier entretien entre les deux présidents avait donné le ton en soulignant que « la partie chinoise soutient activement la prochaine présidence française du G20 ». Ce dernier, soulignait aussi le texte, doit être « le forum principal » de la coopération économique internationale et refonder la croissance et le système financier mondiaux « sur des bases plus saines et plus solides ».
Peu après, au moment du toast qu'il a prononcé lors du dîner d'État à l'Élysée, le président chinois a profité de la seule prise de parole de sa visite pour accéder sans ambiguïté au souhait français. La Chine soutient la France « dans ses efforts pour assurer le succès de sa présidence du G20 et entend maintenir d'étroites communications et coordinations avec elle pour bien préparer cette échéance », a dit M. Hu en appelant à un « renforcement de la coordination » entre les deux pays.
Nicolas Sarkozy a souligné, pour sa part, sa volonté d'« associer étroitement » la Chine aux trois volets de sa feuille de route, réforme du système monétaire international, question de la volatilité des prix des matières premières, réforme de la gouvernance mondiale.
Soutien chinois à la France, donc. Mais l'inverse n'est pas moins vrai. Car en diplomatie, tout appui se monnaie d'une façon ou d'une autre, un jeu auquel la Chine est parfaitement aguerrie. D'abord, Pékin a rappelé une ligne rouge sur les droits de l'homme, mise en garde d'ailleurs quelque peu superflue concernant la France qui, sur ce sujet sensible, s'en tient depuis deux décennies à une ligne de discrétion et de coopération (notamment en matière judiciaire pour faire progresser l'état de droit).
Main de fer dans un gant de velours, la vice-ministre des Affaires étrangères, Fu Yin, n'en a pas moins mis les choses au point, jeudi, à propos du dissident Liu Xiaobo, lauréat du prix Nobel de la paix 2010. « Ce n'est pas un sujet à aborder entre la Chine et la France », a-t-elle dit, ajoutant que « Liu a violé la loi et a été condamné ». Une façon d'affirmer que la question des droits de l'homme n'est guère susceptible d'être inscrite au chapitre de la réforme de la gouvernance mondiale, si telle était la tentation du G20.
Surtout, dans sa logique de coopération « gagnante-gagnante », une expression prisée par les autorités chinoises, Pékin attend de la présidence française un rôle modérateur sur les sujets sensibles comme la réforme du système monétaire. Une question sur laquelle la Chine souhaite moins que tout se retrouver en confrontation directe avec les États-Unis, où le Congrès a déjà brandi la menace de rétorsion commerciale si le yuan n'était pas résolument réévalué. À Paris, en revanche, on a déjà nuancé les propos, exclu les chambardements radicaux, et surtout banni la notion de « confrontation » pour mettre en avant celle de « confiance ». Rien qui ne sonne plus agréablement aux oreilles chinoises.
Nicolas Sarkozy affirme avoir parlé des droits de l'homme avec Hu Jintao
Le Monde - Lundi, 8 novembre 2010, p. 2 Vendredi, des incidents ont émaillé la visite du président chinois. A Paris, des militants de Reporters sans frontières, postés sur le parcours de la voiture officielle, ont ouvert des parapluies blancs portant des slogans réclamant la libération du dissident. Six ont été interpellés et retenus pendant quelques heures. Une cinquantaine de militants d'Amnesty International ont également manifesté à Nice où se trouvait le leader chinois. Salade de monnaies au menu niçois l'Humanité - Monde, samedi, 6 novembre 2010 À Nice, les présidents chinois Hu Jintao et Nicolas Sarkozy ont eu une série d'entretiens pour préparer le G20 de Séoul sur fond de relance de la guerre des devises internationales. Au deuxième jour de sa visite en France, le président chinois, Hu Jintao, a mis hier le cap sur Nice pour de nouveaux entretiens avec son hôte consacrés cette fois au G20 qui se tient la semaine prochaine à Séoul. Persuadé, comme il l'a répété jeudi soir lors du dîner offert à l'Élysée, que « le monde a besoin de la Chine », Nicolas Sarkozy est déterminé à arracher le soutien de Pékin pour l'agenda de « sa » présidence du G20 durant laquelle il veut que soient posés les premiers jalons d'une réforme du système monétaire. l'hégémonie du dollar Une démarche propre à intéresser Pékin qui pose ouvertement la question de l'hégémonie du dollar qui devient de plus en plus cruciale après l'annonce mercredi de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale états-unienne, d'injecter 600 milliards de dollars (426 milliards d'euros) dans l'économie. Cette mesure exacerbe les tensions liées aux changes et compromet tout accord à Séoul. À cet égard, la réponse de la Fed à l'appel à « l'arrêt de la guerre des monnaies et à une plus grande coopération » lancé par les ministres des Finances du G20 réunis le 24 octobre à Gyeongju, en Corée du Sud, est particulièrement éloquente. Plusieurs pays émergents d'Amérique latine et d'Asie ont menacé d'adopter de nouvelles mesures pour endiguer l'afflux de capitaux sur leurs marchés. La réaction chinoise n'a pas été des moindres. La Chine, qui compte un pactole équivalent à 1 900 milliards d'euros de réserves de change, dont la grosse majorité se compte en dollars, voit ses économies fondre comme neige au soleil avec la relance de la planche à billets qui n'est ni plus ni moins de la part de Washington une relance de l'escalade sur les devises. « Tant que le monde ne s'efforcera pas de limiter les émissions de devises internationales telles que le dollar, il est inévitable qu'une nouvelle crise ait lieu, a lâché un dirigeant de la banque centrale chinoise, Xia Bin. La politique de relance américaine provoquera une nouvelle crise économique mondiale si elle est imitée par d'autres pays. » Le gouvernement chinois craint que ces capitaux spéculatifs alimentent l'inflation, qui a atteint en septembre son plus haut niveau en deux ans. Jeudi soir à l'Élysée, le numéro un chinois a fait un premier geste en direction de son hôte : « La Chine soutient la France dans ses efforts pour assurer le succès de la présidence du G20 de l'année prochaine », a affirmé Hu Jintao, qui recherche aussi des alliances dans son bras de fer avec les États-Unis. Pékin s'est opposé hier à la proposition du ministre américain des Finances, Timothy Geithner, qui souhaite que les pays du G20 s'engagent à limiter à 4 % du produit intérieur brut leur excédent ou déficit de la balance des comptes courants.
Au deuxième jour de la visite en France du président Hu Jintao, le président de la République a affirmé avoir parlé " de tous les sujets " avec son homologue chinois avec lequel, a-t-il assuré, " il n'y a pas de tabous, notamment sur la question des droits de l'homme ". La veille, face à la presse, la vice-ministre chinoise des affaires étrangères, Fu Ying, avait évacué la question du sort du dissident chinois emprisonné, Prix Nobel de la paix 2010 , Liu Xiaobo, en déclarant qu'il ne s'agissait pas " d'un sujet à aborder entre la France et la Chine ".
Dominique Bari
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