La Corée du Sud a procédé, lundi 20 décembre, à des manoeuvres militaires à tirs réels, en mer Jaune, malgré les menaces de " riposte sans merci " promises par Pyongyang. Lors de ces " exercices défensifs ", selon Séoul et les Etats-Unis, des tirs ont été réalisés depuis l'île de Yeonpyeong, bombardée, le 23 novembre, par la Corée du Nord et située sur des eaux revendiquées par les deux Etats. Les autorités sud-coréennes ont placé en alerte leur force aérienne, dans l'éventualité d'une action de Pyongyang. Dimanche, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, réunis en urgence à la demande de la Russie, n'étaient pas parvenus à une déclaration commune sur la situation dans la péninsule coréenne, après huit heures de délibération. La Chine et la Russie avaient notamment demandé à Séoul de renoncer à ces manoeuvres.
Les exercices d'artillerie auxquels s'est livrée la Corée du Sud, lundi 20 décembre, en mer Jaune, ont fait monter la tension dans la péninsule sans toutefois avoir provoqué la " riposte sans merci " promise par la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Ces tirs depuis les batteries de l'île de Yongpyong, victime, le 23 novembre, d'un bombardement du Nord (quatre morts dont deux civils), ont duré moins d'une heure. La RPDC estime que cette zone maritime fait partie de ses eaux territoriales et que ces tirs, bien que dirigés vers le sud et non vers ses côtes, constituent une " agression ". Pour Séoul, il s'agissait d'exercices défensifs. Position partagée par les Etats-Unis : " Ces exercices relèvent du droit à l'autodéfense ", a déclaré Susan Rice, ambassadrice américaine auprès des Nations unies. La population civile de l'île avait été évacuée ou avait gagné des abris.
Le gouvernement sud-coréen ne voulait pas sembler faire preuve de faiblesse vis-à-vis du Nord. Il est soutenu par une partie de l'opinion, animée de " sentiments bellicistes inhabituels " selon Andreï Lankov, expert des questions coréennes à l'université Kookmin à Séoul. La population du Sud, qui a longtemps qui fait preuve de patience à l'égard des agissements de Pyongyang, est désormais aussi " remontée " contre le Nord qu'inquiète des conséquences d'une épreuve de force : Séoul est à 60 kilomètres de la ligne de démarcation entre les deux Corées. Un engagement militaire, même maîtrisé, pourrait, en outre, entamer la confiance des investisseurs dans la stabilité économique de la Corée du Sud. Après avoir annoncé ces exercices, Séoul pouvait difficilement faire marche arrière, mais il en a apparemment réduit l'ampleur.
Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, réuni d'urgence, dimanche, à la demande de la Russie, n'étaient pas parvenus à une déclaration commune après huit heures de délibérations. La Chine et la Russie, qui avaient demandé à Séoul de renoncer à ces manoeuvres, s'opposent à ce que la RPDC soit blâmée pour le bombardement du 23 novembre alors que les autres membres permanents souhaitent une condamnation.
Le gouverneur du Nouveau-Mexique, Bill Richardson, ancien ambassadeur américain auprès des Nations unies, en visite " privée " à Pyongyang, retire de ses entretiens que la RPDC ne serait pas opposée à l'établissement d'une commission militaire intercoréenne (à laquelle participeraient les Etats-Unis) chargée d'éviter des incidents dans la zone contestée. Selon la chaîne de télévision CNN, Pyongyang a, d'autre part, accepté le retour sur son sol des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour examiner ses activités nucléaires. En avril 2009, la RPDC avait retiré tous les équipements de surveillance de son site de Yongbyon et avait demandé aux inspecteurs de quitter le pays.
Au cours du dernier sommet entre les deux Corées (octobre 2007), il avait été convenu de faire de cette partie de la mer Jaune une " zone de paix ". Ce projet, comme les autres initiatives de coopération envisagées, est resté lettre morte après que le président sud-coréen Lee Myung-bak a rejeté la politique conciliante de ses prédécesseurs. Selon M. Richardson, la RPDC serait prête à rétablir une ligne téléphonique entre les commandements des deux armées. Les canaux de communication intercoréens ont été coupés à la suite du raidissement du Sud.
Les Etats-Unis apportent un soutien entier à la Corée du Sud. Une vingtaine de militaires américains participaient aux manoeuvres à Yongpyong et les deux pays ont procédé, début décembre, à une démonstration de force de grande ampleur en mer Jaune (au sud de la zone contestée). D'un point de vue juridique, la position de Pyongyang, qui ne reconnaît pas la ligne de démarcation passant entre le chapelet d'îles Ongjin (dont fait partie Yongpyong), situé à une dizaine de kilomètres de ses côtes, n'est pas sans fondement, même pour Washington.
Dans des documents américains déclassifiés de février 1975, Henry Kissinger, alors secrétaire d'Etat, soulignait " le caractère clairement contraire au droit international " de cette ligne de démarcation, rappelle l'agence Bloomberg. Prolongeant la zone démilitarisée qui sépare les deux pays, cette ligne fut tracée au lendemain de l'armistice de 1953 par le commandement américain des forces des Nations unies sans consultation préalable avec le Nord. Baptisée "ligne de démarcation nord ", elle marquait la limite au-delà de laquelle les bateaux de pêche sud-coréens ne devaient pas s'aventurer.
Philippe Pons
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