mercredi 15 décembre 2010

DOSSIER - La face cachée de Marine Le Pen - Romain Rosso









L'Express, no. 3102 - france EN COUVERTURE, mercredi, 15 décembre 2010, p. 34-36,38,40

Jamais L'Express n'a fermé les yeux sur les problèmes liés à l'immigration. Jamais L'Express n'a nié que la puissance croissante de l'islam était un défi pour l'Occident. Déséquilibres géopolitiques, menaces terroristes, périls de l'intégrisme, difficultés pour la religion musulmane de s'adapter aux exigences de la République : de multiples Unes de notre journal sont là pour le prouver. Mais à côté de cette lucidité, L'Express n'a cessé, fidèle à son histoire, de rappeler la primauté de l'humanisme : aucune solution aux défis posés par l'immigration et par l'islam ne peut renier les valeurs fondamentales de la France.

Marine Le Pen, avec ses sondages flatteurs et sa modération de façade, présente un risque nouveau pour la République. Non seulement sa radicalité, sucrée, peut séduire nombre d'électeurs, surtout parmi les déçus du sarkozysme, mais elle rouvre sous les pieds de la droite une trappe refermée depuis 1988 : l'alliance. Après deux décennies de cordon sanitaire, voici qu'on entend, du côté de l'UMP, le refrain inquiétant d'une entente à l'italienne. "Je ne la crois pas possible", a dit le président ; on aurait préféré qu'il déclarât : "Elle serait intolérable." Si la droite prend Marine pour une sirène, elle la découvrira Circé, qui transforme en pourceaux les imprudents.

Parce qu'elle n'a pas les outrances de Jean-Marie, Marine serait acceptable. Quelle erreur ! C'est le programme qui compte, non l'emballage ; le fond, non le style. Le lepénisme avec airbag n'est pas acceptable. Il n'est pas besoin de calembours douteux sur les fours crématoires ni de négation des chambres à gaz pour piétiner les valeurs républicaines. Marine Le Pen l'a prouvé la semaine dernière et montre chaque jour un peu plus qu'elle est bien la fille de son père, affirmant dans le droit du sang une identité politique qui appelle intransigeance et vigilance. L'Express affichera l'une et l'autre.

Christophe Barbier

Marine Le Pen sur les traces de son père. La vice-présidente du Front national est bien placée pour savoir que toute référence à la Seconde Guerre mondiale constitue une bombe à fragmentation immédiate. Elle l'a pourtant déclenchée en comparant les prières de musulmans sur la voie publique à une "occupation de territoire". Son premier "dérapage" ?

A première vue, l'utilisation d'un tel langage est surprenante de la part de celle qui s'emploie depuis sept ans à "dédiaboliser" le FN, c'est-à-dire à normaliser ses relations avec la société civile et politique et à crédibiliser ses propositions, notamment économiques. C'est oublier que, pour un parti d'extrême droite, le pouvoir se conquiert à... l'extrême droite. "Le fait qu'elle ait tenu ces propos dans le Rhône n'est peut-être pas un hasard", justifie un proche. En clair, sur le territoire de son rival dans la course à la succession, Bruno Gollnisch, elle envoie un signal aux durs du Front.

Car Marine Le Pen n'offre pas que le visage d'une femme moderne de 42 ans, ambitieuse et décomplexée. C'est une militante aguerrie. Par la vie, d'abord ; pas facile, il est vrai, d'être née Le Pen. Son armure s'est forgée dès l'enfance. Par la politique, ensuite. "J'ai bénéficié d'une formation continue, au côté d'un père qui ne fait aucune distinction entre sa vie personnelle et sa carrière politique", souligne-t-elle.

Sa présence à la télévision est redoutable, ce qui la rend plus "dangereuse" aux yeux de ses adversaires. "Elle sait mettre des rondeurs là où son père n'en mettait pas", témoigne l'écologiste Corinne Lepage. "J'ai plutôt apprécié sa volonté de ne pas copiner hors antenne. Elle ne joue pas la fausse connivence", atteste le socialiste André Vallini. Au plan médiatique, la diabolisation a vécu. Marine Le Pen a été la vedette de toutes les émissions littéraires ou politiques de la rentrée, telles que Mon beau miroir, sur Paris Première, qui confronte les politiques à un panel de Français derrière un miroir sans tain. "Je suis un produit d'appel", se réjouit-elle.

Il est un bastion qu'elle n'a pas conquis : le Vivement dimanche de Michel Drucker. Elle trouve scandaleux de ne pas y être invitée. Interrogé par L'Express avant la polémique, l'animateur avait évoqué des raisons personnelles - son père, Abraham, fut interné en 1942 au camp de Compiègne, puis à celui de Drancy. "J'ai le souci de réaliser une bonne émission, ajoutait-il. Il n'est déjà pas facile de mêler politiques et artistes. Avec elle, ces derniers ne voudront pas venir. Vivement Dimanche n'est pas un tête-à-tête."

Il y a l'image télévisuelle, et il y a la face cachée. Sur les plateaux, Marine Le Pen développe son programme économique pour sortir de l'euro ; dans les fédérations, elle martèle les fondamentaux du parti, prônant la préférence nationale et la peine de mort pour certains crimes. Elle aborde le thème de l'immigration dès les premières minutes de ses discours, en dénonçant ses conséquences sociales. Elle remplace les diatribes de son père par des attaques contre les dangers de l'islamisation, au nom des valeurs de la République et du respect de la laïcité. Elle compare l'"idéologie mondialiste" au nazisme et au communisme. "Elle risque de faire dériver vers le nationalisme des gens sincèrement inquiets du multiculturalisme", estime l'essayiste Caroline Fourest, qui va lui consacrer son prochain livre, après avoir écrit sur Christine Boutin et Tariq Ramadan.

Son "capital sympathie", comme disent les sondeurs, est un puissant atout. Marine Le Pen rit souvent, mais ce n'est pas une chaleureuse. Une amie lui a ainsi recommandé de regarder les gens dans les yeux au moment de leur serrer la main. Jean-Marie Le Pen lui a conseillé de s'intéresser à la vie des militants : "Il faut que tu saches que tu es un élément de leur vie affective." Contrairement à ce que pourrait laisser croire son image médiatique, la benjamine du chef a tendance à créer du clivage en interne, alors que son père est finalement plus apte au compromis. "Elle peut se montrer cassante, voire méprisante avec le personnel", témoigne un ancien du Front, devenu quasiment un ennemi.

Marine Le Pen avait jusqu'à présent réussi un parcours sans faute, privant d'arguments toutes les associations antifascistes. Cette époque est révolue. A leurs yeux, comme à ceux de tous les adversaires du Front, elle vient de prendre la place du père.


Argent : ce qu'elle déclare

Nous avons demandé à Marine Le Pen de nous communiquer ses revenus et son patrimoine. Voilà ce qu'elle nous a répondu :

Ses revenus

- 6 083 euros net, comme députée européenne.

- 490 euros net, comme conseillère régionale (c'est ce qui lui reste de son indemnité, après écrêtement, conformément à la loi sur le cumul des mandats). Elle reverse cette somme au FN.

- Pas de rétribution pour son mandat municipal à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

- Pas de pension alimentaire (trois enfants à charge).

Son patrimoine

- Maison familiale à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), avec ses soeurs et leurs enfants.

- Maison en Haute-Garonne, achetée récemment, à crédit sur vingt-cinq ans, avec son compagnon.

- Parts dans la SCI propriétaire de l'hôtel particulier de Montretout et dans celle qui possède le "Paquebot", l'ancien siège du FN.

- Peugeot 807, achetée à crédit sur quatre ans.

Elle et les cathos

"Avec moi, le FN ne sera pas un parti confessionnel." Le message adressé par Marine Le Pen aux catholiques traditionalistes qui soutiennent Bruno Gollnisch et qui la clouent au pilori, parce qu'elle ne remet pas en question la loi Veil sur l'avortement, est clair. Elle ne supporte pas ceux qui veulent exclure les divorcés de l'Eglise. Divorcée, elle l'est à deux reprises. "Je fais un effort pour préserver ma relation à la foi et à la religion malgré les attaques", confie-t-elle. En privé, elle dénonce le "sectarisme" de l'extrême droite catholique. Dans son livre A contre flots (Grancher, 2006), elle raconte avoir été pieuse, enfant. Elle ne pratique plus, et déplore les "sermons politiques" de "trop nombreux" prêtres. Elle cite l'exemple du curé de son neveu : il aurait demandé à ce que Jean-Marie Le Pen n'assistât pas à la communion de l'enfant. A l'opposé, elle condamne les "croisades antipape". Mais elle considère que la religion relève de la vie privée. "Je suis attachée à la laïcité", dit-elle. Le FN n'en défend pas moins les valeurs chrétiennes de la France.


Ses amis extrêmes
Romain Rosso

Dans sa quête du pouvoir, Marine Le Pen veut se débarrasser des oripeaux de l'extrême droite française, mais pas au point d'en éliminer tout représentant dans son entourage. Ainsi, Frédéric Chatillon, ancienne figure du GUD, connu pour ses interventions musclées et ses amitiés syriennes, conçoit les documents de campagne de la candidate grâce à sa société, Riwal, spécialisée dans la communication. "C'est un professionnel sérieux et j'assume mes amitiés", déclare Marine Le Pen.

Par ailleurs, Laurent Latruwe, ancien de l'oeuvre française, un groupuscule antisémite, collabore, sous pseudonyme, au site Nations presse info, qui la soutient. Christian Bouchet y contribue également. Cet antisioniste a fait partie de tous les avatars du courant nationaliste-révolutionnaire. C'est aujourd'hui un cadre du FN en Loire-Atlantique.


Le jour où elle s'est décidée

Jean-Marie Le Pen devrait se méfier de ses dérapages. En tenant ses propos sur l'occupation allemande "pas si inhumaine", en janvier 2005, à l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol, il n'imaginait pas qu'il allait changer la face du Front national.

Car la colère noire qu'il déclenche chez Marine n'est pas feinte. La vice-présidente voit s'effondrer son entreprise de "dédiabolisation". A quoi sert-il de défendre un parti qui ne cherche pas à être défendu ? se demande-t-elle. La fille et son père ont une sévère explication. "Elle a démissionné et elle est partie", révèle un très proche. Officiellement, elle prend des "vacances" à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), avec ses enfants. Le Pen est désarçonné, allant jusqu'à croire qu'elle agit sous l'influence d'une personnalité juive, rencontrée peu avant ! Marine, elle, hésite à tout lâcher. "Si je quitte le bureau politique pour faire autre chose, tu me suis ?" demande-t-elle à l'un de ses conseillers.

"Je n'envisageais pas d'abandonner la politique, mais je voulais contraindre Le Pen à admettre que c'est moi qui avais raison", nuance-t-elle aujourd'hui. Après une énième engueulade au téléphone avec son père, elle lance : "Puisque c'est comme ça, je serai candidate contre Gollnisch !" Quand elle rentre à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), neuf jours après sa bouderie, son destin est tracé. Elle n'en déviera pas.


Elle et la fête

Marine Le Pen et l'acteur Jean-Pierre Castaldi dans les bras l'un de l'autre. La scène se passe à l'Aventure, club privé et restaurant très courus, près de la place de l'Etoile, à Paris, où l'on croise des personnalités du show-business, du monde des affaires, de la politique, des médias, et même le grand patron de la police nationale ! Un de ces lieux où les barrières tombent le temps d'une soirée. La photo ci-dessus a été prise, en septembre 2009, lors de la réouverture de l'Aventure, après un incendie. "On réunissait de grandes tablées où l'on chantait Alexandrie Alexandra, de Claude François", se souvient une des amies de la candidate. Les filles Le Pen, sont des habituées. Yann, la nuit, Marine, le jour, qui y déjeune régulièrement, dans un coin tranquille. Selon une proche, sa fréquentation nocturne est rare.

Il y a quelques années, sa petite bande du Paquebot - l'ancien siège du FN - avait été surnommée, avec mépris, les "night-clubbeurs" par les caciques du parti. A l'époque, il est vrai que ces partisans étaient visibles et bruyants lors des conventions du FN. Aujourd'hui, Marine Le Pen n'a plus le loisir de faire la fête.


De très discrets conseillers
Romain Rosso

L'Express a pu rencontrer les experts qui planchent sur le programme économique et social de la candidate à la présidence du FN. Ils ont tenu à garder l'anonymat.

Ils forment un vivier d'experts mystères, un réseau de taupes dans la finance ou dans l'administration. Fiscaliste, haut fonctionnaire, chef d'entreprise, intellectuel, juriste, ils sont une dizaine à plancher sur le programme économique et social de la candidate, qui doit la rendre "crédible" comme présidentiable.

Depuis plusieurs années pour certains, plus récemment pour d'autres, ces spé-cialistes alimentent la vice-présidente en "notes de cadrage" et en analyses thématiques. Ils lui ouvrent leurs carnets d'adresses, en invitant des économistes ou des responsables d'entreprise à des déjeuners ou des dîners discrets. Ils livrent parfois des documents internes qui lui permettent de préparer des "coups" médiatiques. Leurs réunions sont régulières, l'ordre du jour est précis, les dossiers sont préparés. Parfois, des intervenants spécialisés sont invités. Avocate de formation, Marine Le Pen admet volontiers avoir énormément travaillé à leurs côtés pour se forger une culture économique. Dans son numéro daté du 7 décembre, Le Monde a consacré son éditorial à la critique de ses propositions sur la sortie de l'euro. Elle y voit la récompense de ses efforts.

L'Express a pu rencontrer certaines de ces éminences grises au domicile de la candidate, sous la réserve que leur anonymat soit préservé, ce qui rend difficile l'estimation de leur compétence. Leurs profils sont aussi complémentaires qu'atypiques, même si, prudents, ils ne se sont pas entièrement dévoilés.

Eric - appelons-le ainsi - est un énarque qui travaille au ministère de l'Economie et des Finances. Issu d'une famille "qui ne voyait pas Le Pen comme le diable", ce trentenaire a rejoint l'équipe en 2009, après un passage de Marine Le Pen à la télévision. Il est séduit par le volontarisme politique, que Nicolas Sarkozy, à ses yeux, a perdu après son élection. Pour Marine Le Pen, Eric décrypte les rouages de l'Etat et l'informe du "climat de déprime" qui règne chez les fonctionnaires, notamment de Bercy.

Gilles est un intello entrepreneur. Psycho-sociologue de formation, il s'intéresse aux études sur les alternatives économiques très présentes dans le discours de Marine Le Pen - cite Silvio Gesell, un théoricien allemand de la monnaie, et prône la "relocalisation des activités humaines" pour que "les gens retrouvent prise sur les structures qui pèsent sur eux". Patron d'un groupe de PME innovantes spécialisées dans l'intelligence artificielle, ce quadra apporte aussi son expérience de la gestion d'entreprise et de ses contraintes.

Gérard, 47 ans, lui, s'occupe des investissements dans une institution financière publique. Les mécanismes boursiers sont son quotidien. Il donne au FN des clefs pour analyser la crise, qu'il dit avoir vu venir. En 2007, il a participé au chiffrage du programme de Jean-Marie Le Pen. Dans ce cercle hétéroclite figure un personnage singulier, universitaire touche-à-tout, féru de sciences, d'histoire et de stratégie, qui se fait fort de décoder les "intérêts cachés" des discours politiques, des grandes puissances et des réseaux. Un ténor du barreau n'a pas pu venir.

"Ce n'est pas qu'une équipe de travail, souligne l'un d'eux. Nous nous mettons en capacité d'exercer pleinement les responsabilités en cas d'accession au pouvoir." Leur volonté, disent-ils : redonner au politique le primat sur l'économique. Marine Le Pen vient de présenter "12 étapes essentielles pour sortir de l'euro". Pour la présidentielle, elle veut se servir de la fiscalité comme d'une arme au service de sa politique protectionniste.



Quand elle "approchait" les juifs
Romain Rosso

Auprès d'une communauté qui n'oublie pas les propos de son père, Marine Le Pen a tenté à plusieurs reprises de corriger l'image du FN. Sans succès.

Marine Le Pen en a assez qu'on lui demande de commenter les déclarations de son père sur la Seconde Guerre mondiale et l'extermination des juifs. La fille du chef a déjà répété "8 293 fois" qu'elle n'a pas "la même vision que lui" de cette période de l'Histoire - même si elle vient de prouver le contraire en comparant les musulmans en prière dans la rue à des "occupants". Dans son esprit, ses prises de distance publiques suffisent, et elle ne condamnera pas celui qu'elle appelle elle-même "Le Pen". La vice-présidente a pourtant conscience que cela contribuerait à "dédiaboliser" le FN, un de ses objectifs politiques. D'ailleurs, elle n'a de cesse de corriger l'image antisémite du FN. Comme le montrent ses tentatives d'approche de la communauté juive, ces dernières années.

En 2004, Marine Le Pen mène la liste du FN aux régionales en Ile-de-France. Elle rencontre discrètement l'avocat Gilles William Goldnadel, classé à droite, dans son cabinet parisien. "Il voulait me voir", affirme-t-elle. "C'est elle qui m'a sollicité, et je n'ai jamais refusé un rendez-vous", soutient l'avocat. "Elle souhaitait que le Front national entretienne de meilleures relations avec la communauté organisée, raconte Goldnadel à L'Express. Je lui ai dit que le langage employé par le FN avait nui à sa respectabilité, principalement son ambivalence par rapport à la Shoah. Et que si elle souhai- tait sortir son parti de l'ornière, elle devrait faire un aggiornamento." Marine Le Pen confirme : "Il voulait que je condamne mon père." "Je n'ai rien à me reprocher, dit-elle avoir répondu. Je n'ai aucune responsabilité dans le malheur des juifs et ne me sens aucune filiation avec l'antisémitisme d'un certain nombre de nationalistes."

Au conseil régional d'Ile-de-France, le groupe, qu'elle préside de 2004 à 2008, réclame qu'un élu FN puisse se joindre à la délégation de lycéens qui se rend chaque année à Auschwitz, comme les représentants des autres partis. La majorité vote contre. Du coup, le Front réclame que la subvention allouée au Mémorial de la Shoah, à Paris, soit diminuée de 12 % - ce chiffre correspond au score du FN aux régionales...

En février 2006, elle encourage des amis conseillers régionaux, Jean-Richard Sulzer (qui est juif) et Marie-Christine Arnautu, à participer, malgré le refus des organisateurs, à la marche en mémoire d'Ilan Halimi, tué par le "gang des barbares". Ils sont protégés par des membres de la Ligue de défense juive (LDJ), l'extrême droite juive, avec laquelle Marine Le Pen noue des contacts. A l'adresse de la communauté, elle déclare : "Vous vous trompez d'ennemis ! Ce n'est pas le Front national que vous devez craindre, mais l'antisémitisme lié à l'immigration."

Au Parlement européen, elle s'est inscrite à la délégation pour les relations avec Israël, qui projette un voyage au Proche-Orient. Michael Carlisle, patron de la LDJ, appelle alors la députée pour savoir si elle compte visiter le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem. "Oui, pourquoi pas ?" aurait-elle répondu, selon un proche. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) s'indigne qu'elle puisse se rendre en Israël. "Pour lever les ambiguïtés et stopper les attaques systématiques", elle demande, en janvier 2006, un rendez-vous au président du Crif, Roger Cukierman. Ce dernier refuse de la rencontrer "tant que le FN n'aura pas condamné formellement les propos antisémites de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Gollnisch". En octobre 2006, le gouvernement israélien oppose un "refus ferme" de la recevoir. "J'ai pensé qu'Israël avait trop d'amis pour rejeter un député européen", ironise-t-elle aujourd'hui. Le voyage n'aura pas lieu.


Sur le front de l'opinion
Eric Mandonnet

Selon le dernier baromètre BVA-Orange-France Inter-L'Express, près d'un tiers de l'électorat de droite souhaite que Marine Le Pen ait davantage d'influence.

L'année 2010 aura permis à Marine Le Pen de s'installer dans les sondages. En février, 12 % des personnes interrogées par BVA pour le baromètre Orange-France Inter-L'Express souhaitent qu'elle ait davantage d'influence dans la vie politique française. En juillet, ils sont 19 %, comme dans la dernière vague réalisée les 10 et 11 décembre, avant que la polémique déclenchée par ses propos sur les musulmans n'envahisse le débat. Parmi les sympathisants de droite, sa cote d'influence s'établit à 29 % - soit 2 points de moins que, par exemple, Dominique de Villepin. Elle a clairement franchi un palier auprès de cet électorat, au sein duquel sa cote était de 18 % en octobre 2009, puis de 32 % en juillet 2010.

La voilà donc au coeur des préoccupations de la majorité présidentielle, alors que Nicolas Sarkozy s'était fait fort, en 2007, de "siphonner", selon son expression, les voix de l'extrême droite. "Il y a trop de non-dits dans notre pays, et Marine Le Pen surfe beaucoup sur ces non-dits", remarquait le nouveau secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, le 11 décembre, en réclamant que ne soit pas abandonné le débat sur l'identité nationale. En janvier 2010, c'est Eric Besson, alors ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, qui avait affronté la possible future présidente du Front national sur France 2. "Elle a été fair-play, elle m'a dit ensuite que je l'avais déstabilisée et m'a demandé une revanche. Je l'ai remerciée, son attitude n'était pas si fréquente", assure-t-il. Convaincu qu'elle n'est en rien "une bulle médiatique", il en tire surtout une conclusion politique : face à elle, il faut accepter "la castagne".

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