Pas à pas, la Chine se met en ordre de bataille pour combattre les risques d'inflation sévère qui menacent son économie et sa paix sociale. Selon les informations publiées vendredi 3 décembre par l'agence officielle Chine nouvelle, le bureau politique du Parti communiste a décidé d'abandonner la politique monétaire " relativement accommodante " que menait jusqu'à présent Pékin au profit d'une politique " prudente " décrite comme " ciblée, flexible et efficace ".
" C'est un signal très clair que des hausses de taux d'intérêt sont imminentes ", a déclaré à l'AFP Brian Jackson, analyste à la Royal Bank of Scotland. En effet, un taux de 2,5 % pour les dépôts est inadapté quand l'inflation de 4,4 % en octobre promet de dépasser 5 % à brève échéance. Tous les analystes s'attendaient à une telle décision. L'inflation réelle a atteint, en novembre, 62 % en un an pour dix-huit légumes, et le mécontentement populaire s'exprime par une multiplication des échauffourées.
La chasse aux spéculateurs et la mise en place d'un contrôle des prix le 17 novembre sur les produits de première nécessité étaient des mesures destinées à calmer l'opinion publique. Elles se sont révélées incapables de contenir une poussée inflationniste due aux énormes liquidités injectées depuis deux ans afin de permettre à l'économie de résister à la récession mondiale.
La banque centrale a déjà donné plusieurs tours de vis. La hausse des taux du mois d'octobre avait été précédée de cinq relèvements du niveau des réserves obligatoires des banques. Cela n'a pas suffi et l'on voit mal comment le gouvernement pourrait éviter une réévaluation plus rapide du cours du yuan, qui s'est apprécié de seulement 2,9 % depuis le mois de juin. Au grand dam des Américains et des Européens, qui se jugent lourdement pénalisés dans les échanges commerciaux par la sous-évaluation de la monnaie chinoise.
L'inévitable hausse du yuan
Yi Tang, directeur général d'Edmond de Rothschild Asset Management à Hongkong, prédisait, dès le 7 septembre, que le yuan s'apprécierait chaque année " vraisemblablement de 7 % à long terme ". Une accélération de sa hausse aurait pour avantage de réduire le coût des importations et donc la poussée inflationniste.
Toutefois, cette perspective de réévaluation du yuan - inévitable si Pékin souhaite que sa monnaie devienne une alternative au dollar dans les échanges internationaux - a pour effet pervers d'attirer les capitaux, donc de gonfler la masse monétaire et la demande, ce qui risque de relancer l'inflation. Le ministère chinois des finances a reconnu, le 29 novembre, que la vente à Hongkong de 5 milliards de yuans de sa dette avait attiré dix fois plus de demandes que le montant offert.L'argent facile est désormais considéré comme dangereux en Chine.
Alain Faujas
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