vendredi 3 décembre 2010

SPÉCIALE MAGAZINE - Corée du Nord : la dernière guerre froide





Courrier international, no. 1048 - En couverture, jeudi, 2 décembre 2010, p. 37


Pyongyang fait chanter tout le monde
Gazeta / Moscou

Voilà bientôt vingt ans que l'éclatement de l'URSS a privé le régime nord-coréen d'un soutien matériel sans lequel, pensait-on, il était condamné à s'effondrer rapidement. En 1994, lorsque la mort de l'indéboulonnable leader Kim Il-sung eut pour conséquence d'amener au pouvoir son fils Kim Jong-il, considéré comme un play-boy incapable de diriger le pays, tout le monde était certain que la Corée du Nord allait imploser. Mais elle est toujours là. L'incroyable longévité de cette "forteresse du socialisme" a plusieurs explications. Tout d'abord, Pyongyang n'a jamais tenté la moindre expérience [d'évolution politique]. La répression, qui ne s'est jamais relâchée, n'a laissé germer aucun soupçon de pensée alternative. Les autorités réussissent à garder la société coupée du monde à un point inconcevable pour l'époque actuelle. Autre élément de poids, très tôt la Corée du Nord a su voir loin et a misé sur un programme nucléaire. Résultat, lorsque l'administration américaine, à la fin du siècle dernier, a été tentée d'éliminer par la force les régimes indésirables, il était trop tard pour attaquer Pyongyang.

La solidité du régime vient également du soutien, décisif, que lui apporte la Chine. Déjà, quand l'URSS existait, la Chine était le tuteur de Pyongyang, mais, depuis les années 1990, elle est devenue sa principale protectrice. Cela n'a rien à voir avec une proximité idéologique. Les pragmatiques Chinois sont bien loin du dogmatisme agressif des Nord-Coréens. En fait, Pékin part du principe que le statu quo vaut mieux que tout. Une Corée unie et proaméricaine, une "grande" Corée tentée par le nationalisme et ambitieuse, rien de tout cela ne séduit Pékin.

Cela dit, la Chine n'est pas la seule à ne pas souhaiter la réunification de la Corée. Dans la situation actuelle, Pyongyang n'a pas la moindre visée expansionniste et consacre toutes ses forces à sa survie. Une brusque réunification ruinerait la Corée du Sud. Le Japon, bien qu'effrayé par l'inconscience des Nord-Coréens, préfère ne pas avoir affaire à un pays uni, fût-ce sous l'égide de Séoul, vu la quantité de griefs que les Coréens ont accumulés depuis un siècle à son égard [comme ancienne puissance coloniale et occupant]. Curieusement, c'est la Russie qui aurait le plus à gagner à une réunification. Une réunification créerait un pays influent, de taille respectable, et cela lui offrirait des voies de communication et de transport d'énergie.

Pour les Etats-Unis, la question nord-coréenne n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air. Evidemment, cet Etat imprévisible ne peut qu'exaspérer Washington. Un jour il procède à des essais nucléaires ou à des tirs de missiles, puis il multiplie les constructions de centrifugeuses. Mais, à plus long terme, on s'aperçoit qu'un Etat voyou à cet endroit du monde leur est très utile. En effet, tout porte à croire que le principal objectif stratégique des Etats-Unis pour la décennie à venir sera de renforcer leurs positions dans la zone Asie-Pacifique. La probabilité d'une rivalité stratégique avec Pékin semble augmenter. Lancer un défi ouvert à Pékin en commençant à "encercler" la Chine serait une provocation trop dangereuse, d'autant que l'interdépendance économique qui lie les deux pays ne permet pas d'agir frontalement. En revanche, l'existence dans la région d'un régime agressif qui est réellement redouté par ses voisins, alliés des Etats-Unis, représente un formidable prétexte pour renforcer alliances et présence militaro-politique.

De ce point de vue, cela fait longtemps que Pékin aurait dû chercher à modérer ses "clients" nord-coréens et à les pousser vers la voie d'une évolution pacifique, mais il n'est pas sûr qu'il soit en mesure de le faire. L'idée occidentale que le pays serait prêt à des compromis si la Chine réduisait ou cessait son aide économique n'est pas forcément fondée. Les dirigeants nord-coréens savent que leurs partenaires chinois ne veulent surtout pas que la situation s'envenime, car cela pourrait faire basculer le statu quo dans un sens défavorable à Pékin. Cela signifie qu'un chantage à la dégradation de la situation est possible à la fois vis-à-vis des Etats-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, mais aussi de la Chine. Si Pékin cherchait à faire pression, cela pourrait provoquer une crise d'agressivité de Pyongyang envers Séoul ou Tokyo, ce qui engendrerait un accroissement de l'implication américaine, rejaillissant sur la Chine dans un effet boomerang.

Tout cela aboutit à un paradoxe : ce régime anachronique, poursuite fantasmagorique d'une époque révolue et d'une idéologie qui a échoué, doit sa survie à l'imbroglio des relations entre les puissances asiatiques, qui annonce une concurrence féroce à venir. Pendant ce temps, Pékin demeure l'otage de son petit partenaire, qui n'a rien à perdre.


Un coup de semonce
Son Chemin / Kyonghyang Sinmun / Séoul

Pourquoi la Corée du Nord a-t-elle bombardé l'île sud-coréenne de Yeonpyeong dix jours après avoir permis à un scientifique américain de visiter son usine d'enrichissement d'uranium ? Les autorités sud-coréennes, elles, se refusent absolument à voir un lien entre les deux événements. Voici comment elles expliquent la situation. Peu auparavant, Leon Segal, du Comité de recherche en sciences sociales de New York, était reparti de Pyongyang avec un message officiel invitant Washington au dialogue, sur la base de la déclaration commune des deux pays faite en 2000.

Ce message a été bien relayé par la presse américaine, qui a diffusé les interviews et les écrits des membres de ces délégations. "C'est une absurdité, dans ce contexte, de tirer des obus tuant des civils ! De quoi refroidir l'élan des Etats-Unis, qui s'apprêtaient peut-être à tendre une main à Pyongyang !" commente un membre du gouvernement sud-coréen. Un chercheur d'un centre de recherche sud-coréen voit une explication dans la séquence des événements à dix jours d'intervalle : "L'enrichissement d'uranium était destiné aux Américains et les bombardements aux Sud-Coréens, selon une stratégie bien ficelée. Le Nord pense que les Sud-Coréens ne sont pas aussi impressionnés que les Américains par les révélations sur l'enrichissement d'uranium qu'il pratique." Autrement dit, le régime aurait jugé que ces récentes informations ne produiraient pas un effet suffisant sur les Sudistes [dont ils veulent obtenir davantage d'aide économique] et il a voulu frapper un coup supplémentaire [en visant la politique conservatrice du président sud-coréen, Lee Myung-bak]. "D'autres attaques de ce genre auront lieu jusqu'en 2012, date à laquelle des élections présidentielle et législatives sont programmées au Sud", prédit le même chercheur.

Chong Chang-hyon, professeur à l'université Kukmin, souligne que "la Corée du Nord a récemment exprimé à travers la presse locale son souhait de mener à bien, en parallèle, l'amélioration du niveau de vie du peuple et celle des relations avec les Etats-Unis et avec la Corée du Sud. Or, sur le deuxième point, les choses ne sont pas à la hauteur de sa coopération économique avec la Chine, qui, elle, suit le programme prévu, avec par exemple la construction d'une centrale hydraulique ou la réalisation d'une zone économique spécifique. Les récentes révélations sur le nucléaire nord-coréen et la canonnade sont destinées à pousser les Etats-Unis et la Corée du Sud vers la table des négociations. Et les Nord-Coréens sont pressés, car ils doivent atteindre leur objectif : devenir en 2012 [centenaire de la naissance de Kim Il-sung, fondateur du régime] une nation puissante et prospère."

De son côté, Séoul n'exclut pas qu'un incident se soit produit au sein du régime nord-coréen, en plein travail sur la succession de Kim Jong-il. "Ce qui est certain, c'est que les Nord-Coréens ont réussi au moins dans un de leurs calculs, à savoir renforcer la solidarité interne en vue de la succession. Mais il en ira différemment pour le reste, notamment dans le domaine des relations extérieures", affirme un membre du gouvernement sud-coréen.


Succession dynastique et marché noir
Ling Xiao et Zhou Jing / Nanfang Zhoumo

Bien qu'il n'ait pas encore reçu de circulaire officielle lui demandant d'ajouter quelques mots sur Kim Jong-un dans ses explications, le guide nord-coréen Kim Sam-sun (pseudonyme) a perçu un changement radical ces derniers jours dans son pays.

Le 9 octobre, veille du 65e anniversaire de la fondation du Parti des travailleurs [cérémonie au cours de laquelle Kim Jong-un, fils cadet de Kim Jong-il, a fait sa première apparition publique], tous les membres de la famille de Kim Sam-sun ont reçu 450 grammes de riz, 110 millilitres d'huile de soja, 500 grammes de sucre, une bouteille d'alcool et une bouteille de purée de piment chacun. Depuis la récession économique de 1995, cela faisait plus de dix ans que la Corée du Nord n'avait connu une telle distribution de "cadeaux pour occasion spéciale". Jadis, tous les 15 avril et 16 février, dates des anniversaires respectifs de Kim Il-sung et de Kim Jong-il, l'Etat offrait ce genre de don à chaque habitant.

Kim Sam-sun a bien compris que c'était directement lié à l'importante nouvelle annoncée vingt jours plus tôt. Le 28 septembre, Kim Jong-un a été élu vice-président de la commission centrale militaire du Parti, ce qui le place juste derrière son père Kim Jong-il dans la hiérarchie. Cela fait suite à sa nomination comme général de l'armée populaire de Corée (APC) peu auparavant. Avant d'être propulsé à ces hautes responsabilités, ce jeune homme de 28 ans n'était qu'un étudiant de retour au pays après des études en Suisse, un diplômé de l'université Kim Il-sung de Pyongyang, un fervent admirateur de l'ancien basketteur Michael Jordan... Désormais, toute la population de Corée du Nord sait qu'il sera le successeur du général Kim Jong-il, dirigeant suprême du pays.

Ces vingt derniers jours, Kim Sam-sun a accueilli trois groupes de touristes étrangers. Interrogé sans cesse sur les rumeurs qui courent au sujet de Kim Jong-il, il a été bien embarrassé pour y répondre car, en Corée du Nord, parler du leader suprême et de sa famille reste un sujet tabou. Le 19 octobre, alors que la chaîne de télévision nationale diffusait comme à son habitude des reportages sur le glorieux parcours révolutionnaire de Kim Il-sung et de Kim Jong-il, les chaînes de télévision étrangères des grands hôtels traitaient, elles, des luttes internes au sein du régime. Kim Sam-sun a eu la possibilité de regarder ces chaînes étrangères dans les chambres de ses clients. En fait, les "levées d'interdiction" de ce genre sont de plus en plus fréquentes ces derniers temps en Corée du Nord.

Le spectacle arirang [qui retrace l'histoire du pays ; arirang désigne des chants traditionnels coréens] et ses cent mille participants sont entrés au Guinness des records. Une scène vantant "l'amitié sino-coréenne" a été ajoutée pour la première fois à la performance de masse [en 2010, pour la célébration du 65e anniversaire de la fondation du Parti du travail]. On a pu voir des milliers de personnes entonner le chant Pas de Chine nouvelle sans le Parti communiste devant de gigantesques drapeaux des deux pays, puis déployer une banderole portant le slogan "L'amitié sino-coréenne se transmet de génération en génération !" Arrivé à ce point du programme, Kim Sam-sun est tout content de pouvoir dire à ses clients chinois : "Voyez comme vous êtes des hôtes respectés !"

Le mot réforme encore tabou

Vers la fin des années 1980, l'Union soviétique en pleine dislocation a cessé son généreux soutien financier à la Corée du Nord. De 1995 à 1998, le pays a sombré dans une famine qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts. Kim Jong-il, qui avait jusque-là donné la prééminence au militaire, a enfin lancé en 2002 un "plan d'amélioration de l'économie" qui introduisait de façon limitée des éléments de l'économie de marché. Mais, après le remplacement de nombreuses personnalités du camp réformiste, le programme a été repoussé. Développer l'arme nucléaire, s'opposer férocement à la société capitaliste et au gouvernement fantoche sud-coréen, telles ont été les missions premières du gouvernement Kim Jong-il et les outils essentiels de la cohésion sociale. Kim Sam-sun remarque que toutes les séries télévisées et documentaires chinois repris par la chaîne nationale datent d'avant le lancement de la politique de réformes et d'ouverture [introduite en 1979 en Chine]. Alors qu'il fait part de cette découverte aux touristes chinois, il s'arrête net : il s'est souvenu que les mots "réforme" et "ouverture" sont toujours des termes "sensibles" en Corée du Nord aujourd'hui.

L'économie capitaliste, ça servira

Le jeune général Kim Jong-un va se trouver confronté à toute une série de problèmes. L'appareil d'Etat est gigantesque et en manque de crédibilité ; les relations internationales doivent être améliorées de toute urgence ; l'économie est en pleine crise après l'échec de la réforme monétaire [réévaluation infructueuse] ; des demandes de réforme se font jour discrètement pour que les près de 24 millions de Nord-Coréens aient enfin des conditions de vie décentes.

Cependant, pour le dirigeant de la troisième génération, le choix de maintenir le statu quo ou d'entreprendre des réformes dictées par la crise non seulement concerne l'objectif défini par son père - faire entrer son pays dans la catégorie des nations prospères et puissantes en 2012 -, mais aura aussi un impact sur l'avenir du pays.

Le touriste qui voyage en Corée du Nord risque fort d'être impressionné par l'image de dignité et d'ordre que veut donner ce pays, s'il se concentre sur les indications de son guide. Mais, s'il s'écarte des sentiers battus, il découvrira très facilement une autre réalité. Si l'on suit les rues à la décoration éblouissante qui partent de l'hôtel, on passe d'abord devant de belles résidences, des grands magasins, des restaurants haut de gamme, mais, au bout d'une demi-heure de marche, on parvient à la frontière entre lumière et obscurité. De l'autre côté de cette ligne de séparation, pas de lampadaires, peu de passants, des habitations faiblement éclairées. La Corée du Nord est confrontée à une grave pénurie d'énergie. A la limite de cet univers, sept ou huit lycéens sont rassemblés sous la lumière d'un réverbère en train de faire leurs devoirs sur des cahiers de mauvaise qualité. L'un d'eux m'explique dans un anglais boiteux qu'il voudrait faire des études d'économie, la spécialité la plus prisée actuellement dans l'enseignement supérieur nord-coréen. S'il réussit l'examen, il étudiera à la fois l'économie planifiée socialiste et l'économie de marché capitaliste. Quand je lui demande à quoi le fait d'étudier l'économie de marché capitaliste peut bien lui servir, il me répond en souriant : "Plus tard, ça me servira."

Dans les recoins mal éclairés des rues de Pyongyang, on peut rencontrer ici et là des femmes accroupies, tenant des paniers qui contiennent le plus souvent des légumes saumurés (kimchi) ou des lamelles de poisson séché.

Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, signe de la reprise furtive des marchés de nuit clandestins depuis l'échec de la réforme monétaire l'an dernier. Ce genre de marché "capitaliste" a pris naissance vers le milieu des années 1990, alors que toute la Corée du Nord était touchée par une grande disette. La population affamée s'est mise à vendre sur des marchés spontanés tous les produits qui n'étaient pas de première nécessité. Face au risque d'effondrement complet du pays, l'Etat n'a pu que fermer les yeux sur l'existence de ces marchés de nuit. Bien qu'en 2002 la Corée du Nord ait entrepris de faire cesser ces marchés, selon le quotidien sud-coréen Chosun Ilbo, échanger des denrées en ces lieux est devenu une nécessité pour les Nord-Coréens afin de répondre à leurs besoins de base et de compenser la pénurie de céréales.

Des chaussettes de couleur

En dehors des produits de première nécessité, on trouve également sur ces marchés de plus en plus de CD et DVD américains ou sud-coréens. Malgré toutes les mesures prises par le gouvernement, notamment la fabrication de lecteurs de DVD capables de lire uniquement les DVD nationaux et la transformation des modèles importés, celui-ci n'est pas parvenu à endiguer l'expansion des ateliers clandestins. Selon la presse sud-coréenne, les séries TV sud-coréennes pour ados rencontreraient auprès du public nord-coréen un succès presque aussi grand que les séries locales.

A 7 h 30 le 19 octobre, vingt jours exactement après le lancement de l'ère Kim Jong-un, il y a foule sur les trottoirs de Pyongyang, car seuls les hauts fonctionnaires, les notables, les artistes et les sportifs de rang national ont le droit d'avoir une voiture.

Les citadins qui déambulent dans les rues d'un pas nonchalant sont pour la plupart vêtus d'habits kaki ou bleu marine, mais l'on voit aussi des lycéennes portant des mi-bas de toutes les couleurs (rouges, roses, marron, gris...) qui égaient un peu la grisaille de Pyongyang au petit matin. La Corée du Nord est en train de progresser, mais selon sa propre logique.


WIKILEAKS
La Chine lâcherait Pyongyang ?

Parmi les fuites de WikiLeaks figure une discussion entre les Etats-Unis et la Corée du Sud sur ce que serait l'attitude de la Chine en cas d'implosion du régime de Pyongyang. Selon The Guardian, en février 2010, le vice-ministre des Affaires étrangères sud-coréen, Chun Yung-woo, aurait indiqué à la diplomatie américaine que deux diplomates chinois accepteraient de discuter de l'éventualité de la réunification de la péninsule sous l'égide de Séoul. La jeune génération de dirigeants chinois considérerait que la Corée du Nord n'est plus un allié utile ni fiable et que la Chine n'aurait pas intérêt à s'engager militairement en cas de conflit armé sur la péninsule, a ajouté le vice-ministre. Le diplomate chinois He Yafei aurait ainsi affirmé : "La Corée du Nord désire s'engager dans des discussions directes avec les Etats-Unis et se comporte comme un enfant gâté." "Nous ne les aimons pas, mais nous sommes voisins", aurait-il dit dans une autre conversation. En septembre 2009, l'ambassadeur de Chine au Kazakhstan, Cheng Guoping, aurait déclaré à son homologue américain que la Chine était "très préoccupée des tests de missiles nucléaires nord-coréens".


Ces fous de l'Etat fantoche
Wolgan Joongang

Les fous de guerre du gouvernement fantoche de la Corée du Sud se sont encore livrés le 23 novembre 2010 dernier à une provocation militaire grave : ils ont procédé à des tirs d'artillerie sur une île située dans nos eaux territoriales en mer Jaune.

Notre force révolutionnaire a lancé une riposte aussi immédiate que ferme à ces agresseurs qui ont osé faire une simulation d'invasion baptisée "défense nationale". C'était une occasion pour notre armée d'affirmer sa position de fer selon laquelle il ne peut y avoir de pardon pour quiconque touche aux eaux sacrées de notre patrie.

Cependant, les Etats-Unis nous ont envoyé un message où ils avancent un argument farfelu : ces échanges de tirs se seraient produits dans une zone sous leur contrôle militaire et, par conséquent, nous aurions "violé le cessez-le-feu" [signé en 1953] !

Les faits démontrent que les vrais violeurs sont les fantoches du Sud et que les Américains eux-mêmes ont fait couver un feu sur ces territoires en y traçant une ligne de limite Nord [NLL] illégale et arbitraire. Et, au lieu de tirer les leçons de ce dernier épisode, ils sont en train de monter un scénario mensonger, comme lors du naufrage de la frégate sud-coréenne Cheonan [qui a fait 46 morts le 26 mars dernier en mer Jaune], et de concocter stupidement d'autres complots. Si les fous de guerre du gouvernement fantoche de la Corée du Sud ne comprennent pas et s'ils signent une autre provocation insensée, notre armée n'hésitera pas à leur asséner une riposte deux ou trois fois plus importante. Quant aux Américains, ils doivent renoncer à leur sale manie invétérée de déformer les faits et de chercher noise aux autres.


Dictateur de père en fils
Chong Song-jang / Wolgan Joongang

Kim Jong-un, qui est né en 1983, est le troisième fils de Kim Jong-il. Le 27 septembre dernier, il a été promu général de l'Armée populaire de Corée et, le 28 octobre, le Congrès du Parti du travail a fait de lui le numéro deux de la Commission militaire centrale du parti. Après sa désignation, le 8 janvier 2009 comme successeur de Kim Jong-il, Jong-un a ainsi vu son statut de dauphin officialisé.

Au Sud, on sait toujours peu de choses à son sujet ; certes, le régime de Pyongyang s'est gardé de divulguer quoi que ce soit, mais il faut ajouter qu'au Sud on n'a pas fait d'efforts pour s'informer, certains spécialistes allant même jusqu'à déclarer récemment encore "inconcevable que, vu son jeune âge et son manque d'influence, Jong-un succède à son père". Or le jeune homme est vu partout au premier plan aux côtés de son père Kim Jong-il, avec qui il codirige désormais le pays. Il est urgent de comprendre qui il est pour mettre en place une politique nord-coréenne appropriée.

A l'extérieur du pays, celui qui le connaît le mieux, c'est probablement le Japonais Fujimoto Kenji, qui a servi Kim Jong-il comme cuisinier de 1988 à 1996 et de 1998 à 2001. Pour avoir assisté à plusieurs reprises à son anniversaire, il confirme que le fils cadet de l'homme fort de Pyongyang est né le 8 janvier 1983 à Changsong, dans la province du Pyongan-Nord. Jong-un n'a pas été scolarisé dans son pays. Il a d'abord reçu des cours particuliers assurés par des enseignants choisis par Jang Song-taek [mari de la soeur de Kim Jong-il, Kyoung-hi]. Ensuite, comme son frère aîné, Jong-chul, et son demi-frère, également plus âgé, Jong-nam, il est parti étudier en Suisse et a séjourné à Berne de 1996 à 2001. Après une année de cours de langues, il a intégré une classe ordinaire. L'école Liebefeld Steinhölzli, qui l'avait accueilli de 1998 à 2000 sans connaître sa véritable identité, a donné le 15 juin 2009 une conférence de presse où l'on a appris qu'"il s'entendait bien avec les autres élèves, qu'il était travailleur et ambitieux et qu'il était passionné de basket-ball".

Après son retour au pays, il étudie l'art militaire à l'Université militaire Kim Il-sung de 2002 à 2006. Au printemps 2009, dans une circulaire intitulée "Document d'instructions sur la grandeur du vénérable camarade général Kim Jong-un" distribuée aux soldats nord-coréens, il est dit : "Le 24 décembre 2006, à l'occasion de la remise de son diplôme, notre vénérable camarade le général Kim Jong-un a exprimé le souhait de perpétuer brillamment les grands exploits de la révolution militaire de notre patrie." C'est à ce moment qu'il est confirmé comme héritier du trône. Le document évoque par ailleurs une carte stratégique que l'homme aurait conçue utilisant pour la première fois dans le pays les données des satellites et du système GPS, et dont la créativité et l'ingéniosité auraient impressionné Kim Jong-il. Ce détail prouve que l'étudiant disposait de moyens techniques et humains exceptionnels du fait de son statut. Ses talents de tireur - il aurait eu sa première arme à l'âge de 3 ans - s'y trouvent également encensés.

Son père avait suivi le parcours classique des élites du pays et, après ses études supérieures, avait excellé dans le domaine de la propagande cinématographique. Jong-un, lui, est parti tôt à l'étranger, où il a appris les langues étrangères et s'est doté d'une sensibilité internationale, avant de revenir étudier dans son pays et d'acquérir les aptitudes requises pour hériter de la politique militariste de son père. Ce dernier s'était d'abord fait une place au sein du Parti, qu'il avait rejoint à l'âge de 19 ans, tandis que Jong-un est devenu successeur de manière plus officieuse, sans passer par les postes-clés du Parti.

Plusieurs indices laissent penser que Jong-un a été pressenti comme dauphin dès la fin de 2006. Le jeune homme qui, du vivant de sa mère, décédée en 2004, avait l'habitude d'accompagner son père dans les inspections de l'armée, reprend cette activité en 2007, avant d'être désigné prince héritier de façon quelque peu précipitée le 8 janvier 2009, jour de son anniversaire, alors que son père se remettait d'une attaque cérébrale survenue durant l'été 2008.

Dans l'année qui a suivi, il s'est fait aider par son oncle Jang Song-taek, mais Jong-un s'est constitué sa propre équipe, composée d'éléments issus de l'élite âgés de 40 à 60 ans, et ce grâce à son leadership et à sa personnalité aussi charismatique que celle de son père. Tout comme, en 1975, les bureaux avaient commencé à accrocher le portrait de Kim Jong-il à côté de celui de Kim Il-sung, l'armée nord-coréenne se nomme désormais l'"armée de Kim Jong-il et de Kim Jong-un". Ce dernier a mis la main sur l'appareil militaire plus rapidement que son père ne l'avait fait.

Dans ses apparitions officielles, le jeune homme imite les gestes paternels, et les proches se montrent aussi respectueux envers lui qu'envers le père. En peu de temps, le prince a acquis le même statut que le roi et règne désormais sur l'élite du régime. Pourtant, en Corée du Sud, on doute encore de sa réelle influence. Un spécialiste a récemment déclaré qu'il y avait moins de 10 % de chances pour que la succession ait lieu sans accroc, mais c'est sous-estimer l'avancée du travail de succession. Le régime nord-coréen, dont certains prédisaient la chute pour le milieu des années 1990, se vante aujourd'hui de posséder des armes nucléaires. Au lieu d'attendre l'effondrement du pays en prenant nos désirs pour la réalité, nous devons mettre en place une stratégie intelligente pour éviter que le fils ne suive le chemin isolationniste du père et pour l'amener à ouvrir le pays et à rejoindre la communauté internationale.


Pourquoi Washington ne fera pas plier Pékin
Helene Cooper / The New York Times

En politique étrangère, un principe fondamental veut que les pays agissent rarement de façon délibérée contre ce qu'ils considèrent comme leurs intérêts nationaux. C'est un principe qu'il faudrait rappeler aux Etats-Unis en ce qui concerne la Chine.

De fait, une part essentielle des rapports de Washington avec Pékin repose sur un impossible casse-tête : comment faire en sorte que la Chine prenne des mesures que ses dirigeants ne jugent pas bonnes pour leur pays ? De l'économie au changement climatique en passant par la question monétaire et l'Iran, avant d'atteindre un sommet la semaine dernière avec la Corée du Nord, les Etats-Unis s'emploient à titiller, à secouer et à dorloter les Chinois sur tous les sujets, sans résultat ou presque.

Pékin s'oppose à la réévaluation de sa devise parce que le pays a besoin d'un yuan bon marché pour soutenir une économie fondée sur les exportations. La Chine refuse des sanctions sévères pour calmer les ambitions nucléaires iraniennes parce qu'elle a besoin de pouvoir accéder aux gisements de pétrole et de gaz de l'Iran pour alimenter sa croissance. Pékin ne veut pas limiter ses émissions de CO2 parce que sa capacité à hisser des millions de Chinois dans les classes moyennes dans les années à venir dépend directement d'une consommation énergétique accrue. Enfin, la Chine se refuse à mettre au pas son turbulent voisin nord-coréen, comme le gouvernement Obama l'en a suppliée la semaine dernière, parce qu'elle ne veut pas déstabiliser le régime de Pyongyang au risque de le voir s'effondrer, ouvrant alors la voie à une réunification entre les deux Corées. Pour Andrew L. Oros, spécialiste de l'Asie au Washington College, "la Chine redoute avant tout la perspective d'une Corée réunifiée, avec la présence sur place de troupes américaines."

"Pour résumer : les Etats-Unis veulent que la Chine fasse ce qu'ils veulent", synthétise Rodger Baker, expert du centre d'analyse des risques géopolitiques Stratfor. "Nous voulons que le monde demeure tel que les Etats-Unis veulent le voir. Ce qui veut dire, dans certains cas, que nous tentons de soumettre la Chine à notre bon vouloir. En ce qui concerne la Corée du Nord, Pékin estime que les Etats-Unis tentent de lui imposer leur politique et de l'empêcher de suivre la sienne en lui retirant un des instruments qu'il juge nécessaire à ses intérêts." L'instrument en question n'est autre qu'une Corée divisée, avec une Corée du Nord redevable à la Chine et totalement dépendante d'elle, qui sert de tampon contre la présence américaine dans son arrière-cour.

Chacun oeuvre pour ses intérêts

Et le casse-tête ne se résume pas aux événements de la semaine dernière dans la péninsule coréenne : le Nord a non seulement bombardé une installation militaire sud-coréenne, mais il a également dévoilé l'existence d'une installation nucléaire flambant neuve qui pourrait un jour permettre à Pyongyang d'enrichir de l'uranium pour en faire du combustible fissile et augmenter son arsenal, pour l'heure composé de 8 à 12 ogives. Une semaine chargée qui a conduit le gouvernement Obama à se démener pour convaincre la Chine de remettre son voisin au pas. Mais Pékin ne mord pas à l'hameçon et ne le fera pas, ni quant à la question nord-coréenne ni quant à d'autres enjeux, tant que les Etats-Unis n'auront pas changé de stratégie et surtout de vision.

"Nous sommes toujours aux prises avec les séquelles de l'unilatéralisme", assure l'expert David Rothkopf. Des séquelles qui, selon lui, poussent les Américains à croire "qu'ils sont la dernière grande puissance et que l'objectif de leur politique étrangère consiste à mettre le monde d'accord avec cet état de fait. Mais ce n'est pas ce que nous réserve l'avenir." Au contraire, estime David Rothkopf, de nombreux pays comme la Chine dépendront de moins en moins de Washington et oeuvreront de plus en plus pour leurs intérêts nationaux.

Certains membres du gouvernement Obama, conscients de cette évolution, ont déjà commencé à revoir leur stratégie vis-à-vis de la Chine. Selon l'un d'eux, le récent voyage de Barack Obama en Inde, au cours duquel le président américain a apporté son soutien à New Delhi, qui brigue un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, doit être analysé dans le contexte des relations sino-américaines. "Cela fait partie d'une stratégie dans laquelle la Chine risque de voir Washington former des alliances dans son voisinage, ce qui n'est sans doute pas de son goût", précise le responsable gouvernemental sous couvert d'anonymat. De même, la décision d'Obama d'accélérer le déploiement de sa flotte en mer Jaune pour des manoeuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud avait notamment pour but d'envoyer un message à Pékin. Conscientes que la Chine n'apprécie guère les manifestations de puissance de l'armée américaine dans son arrière-cour, les autorités américaines comptent peser sur Pékin et l'amener à penser qu'une action modérant les ambitions nord-coréennes serait finalement moins dangereuse qu'une multiplication des navires américains au large de ses côtes.

Adapter les exigences américaines

Cependant, au cours des trois dernières semaines, Washington a dû prendre acte à maintes reprises de la détermination de la Chine à résister à ses exigences. Lors du sommet des chefs d'Etat du G20, les 11 et 12 novembre à Séoul, Barack Obama a tenté de pousser la communauté internationale à attaquer la Chine pour sa monnaie faible, avant de voir Pékin retourner la situation en sa faveur. Non seulement l'Amérique n'a pas mené d'offensive mondiale contre la Chine, mais c'est la Chine qui a mené une offensive mondiale contre les Etats-Unis, à cause d'une décision récente de la banque centrale américaine, qui, selon certains observateurs internationaux, s'est traduite par une dévaluation artificielle du dollar.

Peu après cet échec retentissant, l'impasse nord-coréenne apporte la preuve que Washington peine à soumettre Pékin à sa volonté, et c'est une nouvelle réalité : les relations sino-américaines doivent être ajustées au millimètre pour adapter les exigences américaines à ce que l'on peut raisonnablement attendre de Pékin.

"Nous sommes sortis du contexte bipolaire de la guerre froide pour passer par une brève période de fantasme unilatéral où nous nous voyions en unique superpuissance mondiale. Aujourd'hui, nous voilà dans un nouveau système où les grandes puissances sont multiples, et qui nécessite une diplomatie à l'ancienne, celle de l'équilibre des puissances", conclut David Rothkopf.


Pour l'instant, on temporise
Yu Yingli / Xin Jingbao

Le bombardement de l'île sud-coréenne de Yeonpyeong a mis une nouvelle fois en ébullition la péninsule sud-coréenne, où la tension commençait à retomber après l'incident de la corvette sud-coréenne Cheonan [coulée, le 26 mars, par une torpille nord-coréenne ; sans que la Chine admette de critiquer Pyongyang]. Spéculations mises à part, le problème de la sécurité en Asie du Nord-Est apparaît le plus marquant. La zone maritime où s'est produit l'échange de tirs est une région qui n'a jamais été paisible. L'espace maritime sous contrôle nord-coréen est délimité par ce qu'on appelle la "ligne de démarcation nord", mais la Corée du Nord conteste son tracé [décidé par les Nations unies après la guerre de Corée (1950-1953)], auquel elle oppose sa "ligne de sûreté méridionale". Depuis la signature de l'armistice [en 1953], cet espace maritime a été le lieu de nombreux combats d'artillerie. Lors du dernier incident, tout a commencé par des manoeuvres militaires défensives sud-coréennes dans cette zone, qui ont entraîné un bombardement de l'île de Yeonpyeong par la Corée du Nord, puis la riposte de la Corée du Sud. On peut dire qu'il s'agit d'un accrochage fortuit. Mais s'il n'y a pas révision des politiques stratégiques des deux parties, cet incident, qui n'était pas le premier du genre, ne sera pas non plus le dernier...

Dans cet échange d'artillerie, il faut étudier les réactions des différents pays. La position des Etats-Unis est bien résumée par l'éditorial du Washington Post du 24 novembre, où l'on peut lire : "en tentant de réfréner la Corée du Nord, la diplomatie américaine vise Pékin et non Pyongyang". Après le bombardement de l'île sud-coréenne, le projet longtemps repoussé de manoeuvres militaires en mer Jaune [ou mer de l'Ouest] avec l'engagement d'un porte-avions a été remis à l'ordre du jour aux Etats-Unis et rapidement approuvé. Cet incident permet aux Etats-Unis de faire évoluer sans encombre leur porte-avions dans cette zone maritime très sensible pour la Chine et rend la Corée du Sud encore plus dépendante de son alliance militaire avec les Etats-Unis, dont le poids dans la région d'Asie du Nord-Est se trouve renforcé.

Une importance cruciale

Par contrecoup, la Corée du Sud apparaît comme le principal perdant dans cette affaire. Sous le gouvernement de Lee Myung-bak, qui rejette la "politique du rayon de soleil" [cette politique de l'ancien président Kim Dae-jung visait la réconciliation et la coopération avec la Corée du Nord], les relations entre les deux Corées n'ont cessé de se dégrader. Les incidents graves se sont multipliés : touriste abattue dans les monts Kumgang, corvette Cheonan coulée, tirs d'obus, échanges de tirs d'origine prétendument accidentelle dans la zone coréenne démilitarisée. Cela s'est traduit par de lourdes pertes à la fois humaines et matérielles, sans compter qu'exiger de la Chine qu'elle fasse pression sur la Corée du Nord finit par détériorer imperceptiblement les relations de la Chine avec la Corée du Sud. Au bout du compte, cela restreint les possibilités de résolution des problèmes sur la péninsule coréenne ; il ne reste plus qu'une seule voie à suivre : celle des Américains ; et il ne reste plus qu'une solution à adopter : celle de la patience stratégique. Force est de constater qu'il s'agit d'un échec de la politique nord-coréenne de la Corée du Sud.

Face à une situation aussi trouble, quelle position doit adopter la Chine ? Les deux Corées sont des pays qui ont une importance cruciale pour les intérêts de la Chine. Tant que ni l'un ni l'autre n'auront de solutions claires, la Chine doit se montrer prudente dans ses prises de position. D'autant que, lorsque les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud pressent la Chine d'intervenir, ils n'ont pas en tête seulement la Corée du Nord, mais ils visent en réalité à se prémunir d'une Chine qui monte en puissance. Telle est la tonalité qui guide le "retour" en Asie des Etats-Unis : c'est aussi un moyen de contenir la Chine.

Les échanges de tirs entre la Corée du Nord et la Corée du Sud ont abouti non seulement à une nouvelle dégradation des relations entre les deux pays, mais ont surtout mis en exergue les problèmes de sécurité dans la région d'Asie du Nord-est. Face à la pression des Etats-Unis et de la Corée du Sud, la Corée du Nord souligne l'importance de posséder l'arme nucléaire pour se protéger, alors que ses adversaires cherchent à prendre un avantage décisif sur elle. Les relations sino-américaines sont également une nouvelle fois mises à l'épreuve à cette occasion.


Aux Chinois d'assumer leurs responsabilités
Nihon Keizai Shimbun

La Corée du Nord a bombardé l'île sud-coréenne de Yeonpyeong, située en mer Jaune. Cet acte est inadmissible, et la Chine, qui exerce une grande influence sur Pyongyang, doit lui demander de cesser immédiatement ces opérations insensées. De nombreuses maisons ont brûlé sur l'île, plusieurs soldats ont trouvé la mort et des civils ont été grièvement blessés. Pyongyang a affirmé avoir riposté aux exercices de l'armée sud-coréenne par des "mesures militaires fermes", mais son comportement menaçant nécessite une surveillance vigilante. Des échanges de tirs avaient déjà eu lieu à la frontière maritime qui sépare le nord et le sud de la péninsule, Pyongyang ne reconnaissant pas la ligne de démarcation militaire établie par les forces des Nations unies [à la fin de la guerre].

Au mois de mars, une corvette sud-coréenne, le Cheonan, a coulé dans les eaux de la mer Jaune, et 46 marins ont trouvé la mort dans ce naufrage. Une commission d'enquête internationale [composée de Sud-Coréens, d'Américains, de Britanniques, d'Australiens et de Suédois] a conclu qu'elle avait été torpillée par la Corée du Nord, malgré les dénégations de Pyongyang. Cette fois, les tirs d'obus ont été officiellement annoncés par Pyongyang : ces provocations ont indéniablement été ordonnées par l'état-major nord-coréen.

La Corée du Nord vient de permettre à un scientifique américain de visiter une vaste usine d'enrichissement de l'uranium, faisant ainsi étalage, sur la scène intérieure et extérieure, d'un programme nucléaire reposant non seulement sur le plutonium, mais aussi sur l'uranium, un secteur plus difficilement observable de l'extérieur. Apprenant la nouvelle, l'émissaire américain spécialiste de la Corée du Nord, Stephen Bosworth, a été missionné d'urgence et s'est rendu successivement en Corée du Sud, au Japon et en Chine pour discuter de la réaction à adopter. Il est important de noter que c'est sur ces entrefaites que les obus ont été lancés. En attirant ainsi l'attention de la communauté internationale, la Corée du Nord cherche à forcer les Etats-Unis à reprendre les négociations bilatérales, et aussi les pourparlers à six [Chine, Corée du Nord, Corée du Sud, Etats-Unis, Russie et Japon] afin d'obtenir des aides financières. Pyongyang veut profiter de l'affaiblissement du gouvernement Obama ainsi que de celui du Premier ministre japonais, Naoto Kan. Inquiète de l'état de santé de son dirigeant, Kim Jong-il, la Corée du Nord prépare la succession de son troisième fils, Kim Jong-un. Il se pourrait que sa poursuite du programme nucléaire et ses attaques contre la Corée du Sud soient motivées par sa volonté de consolider le régime. Il s'agit là d'un aventurisme irresponsable. Le Japon, les Etats-Unis et la Corée du Sud doivent coopérer étroitement afin d'encercler le régime nord-coréen et de mettre un terme à ces agressions. L'incident doit être évoqué sans attendre devant le Conseil de sécurité des Nations unies et la communauté internationale doit renforcer sa pression, y compris par des sanctions financières.

La Chine a une grande responsabilité dans cette affaire. Pékin n'a pas souhaité critiquer la Corée du Nord après le naufrage de la corvette sud-coréenne et a continué à soutenir le régime de Kim Jong-il, non seulement en lui fournissant une aide financière, mais également en lui apportant son appui pour la succession en cours au sommet de l'Etat. Cette fois encore, Pékin s'est abstenu de toute critique envers son allié et s'est contenté de faire allusion à une reprise des pourparlers à six. En se montrant indulgente avec la Corée du Nord et à force de caresser ses dirigeants dans le sens du poil, la Chine entraîne Pyongyang dans ces tentatives téméraires. La Chine avalise l'escalade de la violence. Il serait temps qu'elle prenne conscience de ses responsabilités.

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