Au-delà du sommet de Cancun, la priorité : se servir de la crise écologique pour un nouveau départ et un monde meilleur.
Bien sûr, l'impasse de la diplomatie climatique a de quoi inquiéter. Copenhague, malgré l'espoir soulevé, fut décevant. Cancun, aux ambitions revues à la baisse, témoigne du fossé persistant entre ce que nous savons et ce qu'ensemble nous peinons à faire. Pourtant, céder au pessimisme serait une erreur de perspective historique et un bien mauvais guide pour l'action
Jeune ministre de l'Environnement, j'étais au Sommet de la Terre à Rio en 1992. Je peux donc mesurer l'ampleur de la prise de conscience planétaire en vingt ans, le chemin parcouru, dans les têtes et dans les faits. Même les Etats les plus rétifs aux accords internationaux contraignants engagent aujourd'hui, à l'intérieur de leurs frontières, des politiques plus volontaristes. La campagne de dénégation du changement climatique financée par des lobbies hostiles aux régulations publiques a échoué : les gouvernements ont renouvelé leur confiance au Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). C'est un progrès que le débat concerne les façons, et non les raisons, d'agir.
Reste à convaincre que la crise écologique n'est pas une fatalité qui s'abat sur une humanité impuissante. C'est pourquoi il faut se garder des discours catastrophistes qui désarment les volontés. Car les crises sont aussi des chances de métamorphose. Des opportunités historiques pour se déprendre des vieux schémas et hâter l'avènement d'un nouveau modèle de développement social-écologique.
L'urgence est donc de prouver concrètement qu'il est possible de partager équitablement les bienfaits d'une conversion écologique globale. Cette politique par la preuve, c'est ce que mettent en place les régions et les collectivités territoriales qui se mobilisent pour agir (localement) et transformer (globalement). D'après l'ONU, 50 % à 80 % des actions publiques contre le changement climatique sont déjà de leur fait. En dépit de ces gouvernements qui, sous prétexte de crise financière et de calculs électoraux à court terme, prétendent que la mobilisation écologique serait moins de saison.
Beaucoup de régions et de villes prouvent aujourd'hui qu'on peut inverser la tendance et concilier les intérêts bien compris du Nord comme du Sud. Elles sont là, les nouvelles coalitions intelligentes et, avec les mobilisations militantes qui s'affirment de par le monde, les dynamiques qui finiront par déboucher sur de nouvelles règles du jeu internationales.
Dans ma région, nous avons fait le choix de répondre à une crise globale par une politique globale qui mobilise tous les secteurs et tous les acteurs. Une agriculture plus biologique sans OGM ni pesticides ; des laboratoires à la pointe de la recherche et des industries écologiques compétitives ; des trains qui s'orientent vers l'énergie solaire et des écocarburants non concurrents des productions alimentaires ; un lycée "Kyoto" zéro énergies fossiles ; des logements sociaux où la très haute performance énergétique fait baisser les factures ; des formations aux métiers verts pour les adultes et pour les jeunes ; des circuits courts dans l'agroalimentaire et bien d'autres choses : c'est possible puisque nous le faisons.
Miser sur le véhicule électrique à bas prix, y compris en prenant une participation au capital d'Heuliez, développer le photovoltaïque malgré les reculades d'un gouvernement qui déstabilise la filière, promouvoir les biomatériaux et la chimie verte, les énergies éolienne et marine, les maisons en bois accessibles aux budgets populaires : c'est possible puisque nous le faisons. Le dynamisme scientifique et économique est toujours au rendez-vous quand une politique publique déterminée lui ouvre de nouveaux chemins, s'emploie à agir conjointement sur l'offre et la demande.
Oui, je crois aux politiques publiques volontaristes qui anticipent, accélèrent et accompagnent la nécessaire conversion écologique de nos économies et de nos sociétés. Oui, loin des charités arrogantes, des égoïsmes persistants et des solutions toutes faites, de nouvelles coopérations entre le Nord et le Sud montrent la voie.
Quand le Poitou-Charentes et la région sénégalaise de Fatick coopèrent pour diffuser cette énergie solaire dont regorge l'Afrique dans les villages, dans l'écotourisme et dans les filières agricoles, cela permet de viser cet objectif ambitieux : devenir la première région du Sud neutre en émissions de gaz carbonique, raison pour laquelle le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) a choisi Fatick comme région pilote de son programme "Approche territoriale du changement climatique".
Voilà comment, du Nord au Sud, nous préfigurons ici et maintenant ce nouvel ordre international juste qui doit lier solidement les dimensions écologiques, économiques et sociales du développement humain et planétaire. Dans ce moment de transition où l'histoire humaine hésite encore sur la voie à emprunter, nous sommes de plus en plus nombreux à passer à l'acte et à mettre en oeuvre, dans nos territoires et en unissant nos forces, une nouvelle politique de civilisation.
© 2010 Marianne. Tous droits réservés.
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