jeudi 13 janvier 2011

Au Japon, le roman téléphonique fait fureur - Astrid de Larminat

Le Figaro, no. 20667 - Le Figaro Littéraire, jeudi, 13 janvier 2011, p. 1

Au Japon, le roman téléphonique fait fureur

Au Japon et en Chine, un nouveau genre littéraire est né : le roman téléphonique. Tout a commencé vers l'an 2000 quand de jeunes Japonaises, habituées à raconter leur vie par mails ou SMS, se sont mises à fabriquer des histoires avec ce qu'elles écrivaient à leurs amies - des histoires fragmentées en brefs chapitres, constituées de dialogues et de phrases lapidaires. Rapidement, un site Internet s'est créé pour permettre à ces auteurs novices de mettre en ligne leur production, ainsi accessible gratuitement.

En 2003, l'un de ces romans téléphoniques eut tellement de succès qu'il a été publié en livre : Deep Love s'est vendu à 2,6 millions d'exemplaires. Dès lors, les éditeurs japonais se sont intéressés de plus près à ces mini-romans et le montant des droits d'auteur a flambé. Cependant, dans ce pays de grande tradition littéraire, ces histoires de midinettes étaient considérées avec mépris, un peu comme la bande dessinée à ses débuts en Europe. Tout a changé en 2007, lorsque les Japonais se sont rendu compte que cinq des dix best-sellers de l'année étaient des romans écrits initialement pour être lus sur téléphone portable.

Les spécialistes de ce phénomène, qui ressortit peut-être à ce qu'on appelle la littérature de genre, se posent dorénavant des questions pointues : un roman destiné à être lu sur téléphone peut-il être écrit sur un clavier d'ordinateur? Il semblerait que non : cela pose des problèmes de rythme. En Chine, la lecture sur téléphone portable prend aussi de l'ampleur. Certains espèrent que cela suscite un regain d'intérêt pour la poésie classique et les autres formes de littérature courtes. En France, lira-t-on bientôt Les Pensées de Pascal ou les aphorismes de Char sur smartphone ?

ASTRID DE LARMINAT

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