mardi 18 janvier 2011

Bernard Fornas : «La Chine est devenue un continent pour le luxe»

Le Temps - Economie, mardi, 18 janvier 2011

Malgré le dynamisme de l'Empire du Milieu, Bernard Fornas, président de Cartier, estime qu'il faut faire preuve de prudence dans ce pays

Le Temps: Votre maison mère, Richemont, a publié lundi une hausse de 23% de ses ventes au troisième trimestre. Où Cartier se situe-t-elle?

Bernard Fornas: Appartenant à un groupe coté, nous ne dévoilons pas les chiffres par marque. Mais, comme Cartier constitue le vaisseau amiral du groupe, vous pouvez aisément imaginer l'évolution de nos ventes. Notre maison a su dégager une croissance soutenue pour l'ensemble de ses activités: de la joaillerie à l'horlogerie en passant par les accessoires. Mais plus important peut-être, nous déployons une folle créativité. La myriade de nouveaux produits que nous présentons ici toute la semaine au Salon international de la haute horlogerie (SIHH) le démontre.

- La crise fait-elle désormais partie du passé?

- Notre domaine d'activité reste cyclique, mais, fondamentalement, Cartier a bien traversé la récente récession. J'ai préparé notre marque à affronter le pire quand tout allait bien. C'est notamment vrai pour ce qui touche à notre outil industriel, très flexible et réactif, qui nous donne un avantage concurrentiel. Au final, nous avons non seulement gagné des parts de marché durant la crise, mais nous y sommes également parvenus lors de la reprise, car notre société a rebondi plus vite que les autres.

- Les remous furent pourtant violents...

- Certes, mais j'ai pour habitude de dire que nous sommes un avion à cinq réacteurs. Avec une excellente répartition géographique, que ce soit en Europe, aux Amériques, au Moyen-Orient, en Asie et au Japon. Donc, lorsqu'un problème survient, certaines régions compensent les autres. De plus, nous sommes encore parvenus à accélérer la vitesse de développement de nos produits et leur arrivée sur les marchés. Tout est une question d'anticipation et d'organisation.

- Et la Chine?

- Le dynamisme de ce pays est impressionnant, il tourne à pleine vapeur, et nous en bénéficions totalement. Non seulement nos ventes évoluent à des niveaux très élevés mais elles sont aussi alimentées par les Chinois voyageant à l'étranger. Est-on au début de la vague? Je n'en sais rien. Est-ce que les arbres montent jusqu'au ciel? Même réponse. Cela dit, il y a peut-être de très belles années devant nous sur ce marché même s'il est tout aussi plausible qu'un éternuement se produise un jour. Le maître mot réside dans la prudence.

- C'est-à-dire?

- Nous continuons de développer nos affaires et à investir dans ce pays. Mais nous avons mis en place des stratégies complémentaires sur les autres régions du monde. Nous ne négligeons en aucun cas nos différents marchés. Il ne faut pas qu'un phénomène de surdépendance intervienne avec l'Empire du Milieu.

- Est-ce à dire que vous levez le pied en Chine?

- Absolument pas. Ce sont des stratégies simultanées qui ont toujours existé chez Cartier. Dans l'Empire du Milieu, nous avons pour l'heure 34 boutiques dans 22 villes. Dans les deux ans à venir, nous prévoyons d'avoir une cinquantaine de boutiques dans plus de 25 cités. Cela dit, la Chine est devenue un vrai nouveau continent pour les marques de luxe.

- Quels sont vos futurs relais de croissance?

- En Inde, par exemple, nous n'avons pour l'heure qu'une seule boutique, notamment parce que les taxes y sont trop élevées. A l'avenir, ce pays pourrait devenir un marché significatif. Même constat pour le Brésil. Un vaste déploiement dans ces deux marchés est toutefois encore un peu prématuré. Cela se produira dans un avenir pas très lointain.

- Et comment voyez-vous 2011?

- Si la conjoncture marche bien et qu'il n'y a pas de catastrophe, nous allons progresser mieux que les autres. Si elle se contracte, comme en 2008, nous baisserons moins que les autres. Notre credo: prendre sans cesse des parts de marché, en respectant notre image, notre ADN et un niveau d'excellence dans tous les domaines. Pour le reste, cela n'est pas de notre ressort. Nous subissons ainsi l'évolution conjoncturelle, celle des monnaies, du franc, de l'or, etc. Il faut être prêt à faire face à plusieurs scenarii pour ne pas avoir à réagir à chaud.

Propos recueillis par Bastien Buss

© 2011 Le Temps SA. Tous droits réservés.

0 commentaires: