jeudi 13 janvier 2011

DOSSIER - La guerre des 35 heures - Josée Pochat


Valeurs Actuelles, no. 3868 - Jeudi, 13 janvier 2011, p. 16

Majorité. Il a suffi au nouveau secrétaire général de l'UMP de rallumer la guerre des 35 heures pour voir la droite se diviser en deux... Copé meneur de jeu, Sarkozy arbitre ?

Nicolas Sarkozy, lors de ses voeux au gouvernement, le 5 janvier, a appelé à l'unité de sa majorité... Coïncidence malheureuse, le jour même, Jean-François Copé saisissait l'opportunité de la proposition de Manuel Valls, trois jours auparavant, de « déverrouiller les 35 heures » pour relancer le débat dans la majorité. Encadré de ses deux secrétaires généraux adjoints Hervé Novelli et Marc-Philippe Daubresse, Copé, fidèle à lui-même, n'a pas fait dans la demi-mesure, en recevant les journalistes au siège de l'UMP. Il a qualifié les 35 heures de « problème pour tout le monde, pour l'État en termes de finances publiques, pour les entreprises en termes de compétitivité, pour les salariés en termes de pouvoir d'achat et pour la France en terme de moral ».

Aujourd'hui, avec la crise, on n'a plus le choix, a-t-il argumenté. « On a ouvert une brèche importante avec les retraites, il faut en ouvrir une deuxième avec le temps de travail. » Et Hervé Novelli de rappeler le coût des allégements de charge en partie dus aux 35 heures : 22 milliards, auxquels s'ajoutent les 4,5 milliards de manque à gagner pour le budget de l'État avec les heures supplémentaires, elles aussi allégées et défiscalisées (voir nos articles pages 19 et 20).

Le camp de Copé a trouvé son slogan : la France est le seul pays où l'État a commencé par financer le «travailler moins» (les 35 heures) puis le «travailler plus» (les heures supplémentaires). Une aberration, à laquelle il est urgent de mettre fin. Copé a déjà confié une mission de réflexion sur le sujet à Hervé Novelli et Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat. Deux «ultras» qui rêveraient d'un vrai virage libéral, avec, comme Novelli a déjà commencé à le dire, la réduction progressive des allégements fiscaux et la suppression pure et simple des heures supplémentaires. En contrepartie, les entreprises bénéficieraient d'une plus grande flexibilité dans la fixation de la durée du travail tout en garantissant le revenu des employés par le biais d'une prime. Si Novelli reconnaît difficile de relever le temps de travail par la loi, il envisagerait plutôt la possibilité de laisser les négociations s'ouvrir branche par branche ou entreprise par entreprise, comme en Allemagne. Leurs conclusions devraient être connues dès la fin du mois et, en attendant, les prises de position ont fusé de toutes parts.

Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Laurent Wauquiez, a tenté de temporiser, s'inquiétant d'une réforme des 35 heures se faisant « sur le dos des classes moyennes ». « Pour quelqu'un qui fait des heures supplémentaires aujourd'hui, quatre heures par semaine, à la fin du mois, cela peut représenter 150 euros de plus sur sa feuille de paye », a-t-il souligné, ajoutant qu'« on était déjà revenu à 95 % sur les 35 heures ».

Parmi les premiers opposants au projet Copé, on trouve aussi Xavier Bertrand, son prédécesseur à la tête de l'UMP, aujourd'hui revenu au gouvernement comme... ministre du Travail et qui serait en première ligne, si l'on devait toucher aux 35 heures. L'éternel rival, en guerre ouverte depuis de longs mois avec Copé, qui s'est immédiatement démarqué, soulignant que la fin des 35 heures se traduirait immanquablement par des pertes de salaire et selon qui la seule question qui vaille est « celle du coût du travail ».

Copé se targue en revanche d'avoir reçu le soutien du premier ministre qui a déclaré accueillir de « façon positive l'ouverture d'un débat, en France, sur le coût du travail et les 35 heures » : «On ne peut imaginer à long terme une zone euro dans laquelle le temps de travail, l'âge de la retraite, le coût du travail soient complètement divergents. »

Mais c'est la position du chef de l'État qui était la plus attendue, le 6 janvier, à l'occasion de ses voeux aux partenaires sociaux. Nicolas Sarkozy n'a pas vraiment tranché, déclarant en même temps que les 35 heures uniformes et obligatoires n'existaient plus et ajoutant : « Pour autant, je considère qu'il n'est pas de sujets tabous, d'autant que la crise a changé la donne. [...] Si les partenaires sociaux ou les partis politiques ont des propositions à faire, bien évidemment le gouvernement y sera attentif. » Le chef de l'État a néanmoins été très ferme sur deux points : il est hors de question de toucher au pouvoir d'achat des salariés ou de peser sur la compétitivité des entreprises.

Des propos jugés très flous et donc peu rassurants par Bernard Thibault, le leader de la CGT, pour qui « on ne peut pas à la fois dire que les 35 heures appartiennent au passé et dire qu'il n'y a pas de questions taboues ». Une chose est sûre, la fin des 35 heures ne sera pas inscrite à l'agenda gouvernemental. Et la position du chef de l'État ressemble plus à un statut quo... qu'à un vrai encouragement à relancer ce débat. Ce qui n'a pas empêché le «clan Copé» d'afficher un bel optimisme (de façade ?) après la déclaration présidentielle. « La position tragique aurait été celle consistant à fermer le débat, se félicite Gérard Longuet. C'était encore, ne l'oublions pas, la position officielle il y a quelques jours. Maintenant le débat est ouvert, il est légitime que le président signifie son attachement au pouvoir d'achat des Français et à la compétitivité des entreprises. À nous de trouver des solutions, la balle est dans notre camp. »

Reste que la nouvelle «brèche» que Copé appelle de ses voeux, si elle n'est encore inscrite dans aucun agenda ni dans le futur programme de la campagne présidentielle, est bel et bien ouverte dans les rangs de la majorité. C'est l'occasion, pour les plus déterminés, comme les libéraux, de revenir sur les arguments qui plaident contre les allégements de charges. Comme Gérard Longuet, qui rappelle : « La compétitivité française ne cesse de se dégrader par rapport à celle de l'Allemagne eton ne pourra continuer à partager longtemps une même monnaie avec notre principal partenaire européen dans ces conditions. Il ne peut plus y avoir de modus vivendi sur les 35 heures, responsables d'une perte annuelle de croissance de 0,4 %, dans une période où nous devons ramener notre déficit de 7 à 3% du PIB. C'est pour cette raison que je dis qu'il va nous falloir choisir entre l'euro et les 35 heures. »

Longuet n'est pas le seul à s'inscrire en faux contre l'avis de Laurent Wauquiez, pour qui « 95 % du problème est réglé ». Les parlementaires sont nombreux à s'engouffrer dans la brèche, en disant aujourd'hui haut et fort ce qu'ils pensaient hier tout bas. « Un sujet qui coûte plus de 26 milliards à l'État, ce n'est pas neutre quand on en est à faire les fonds de tiroir pour trouver quelques centaines de millions », insiste Lionnel Luca. Pour le député des Alpes- Maritimes, « la majorité s'est placée dans un piège en contournant la question des 35 heures par l'invention, si coûteuse, des heures supplémentaires ».

« Les 35 heures auraient été une idée intéressante à la condition que nous ne soyons pas les seuls à la pratiquer, renchérit Philippe Briand, député UMP d'Indre-et-Loire. La vérité c'est qu'aucun autre pays ne nous a rejoints.Le manque à gagner des allégements de charges n'est pas supportable pour l'État, ni le «travailler moins» dans la compétition économique internationale. La Chine vient d'investir dans le port d'Athènes et s'apprête à voler au secours de l'Espagne en rachetant une partie de sa dette. Souhaitons-nous dans vingt ans que les banques et les entreprises françaises appartiennent à des fonds souverains chinois ? »

« Attention, prévient encore Hervé Mariton. Rouvrir ce débat, c'est assumer l'idée que le problème n'a été réglé qu'à moitié, alors qu'en 2007, le président avait clairement reçu le mandat des Français pour agir. En 2012, la question qu'ils poseront ne sera pas : «Qu'allezvous faire ?», mais : «Qu'avez-vous fait ?» Et ils auront raison. Quand on est dans la majorité, on ne peut se contenter de faire des colloques. Il faut agir. »

Philippe Briand est encore un peu plus incisif : « Quand, au lieu d'une vraie réforme en début de mandat, on se contente d'un simple contournement,personne n'est satisfait au bout du compte et le sujet nous revient en pleine figure en fin de mandat. C'est le cas des 35 heures comme du bouclier fiscal, censé, lui, contourner l'ISF. »

Copé, en enfourchant ce nouveau cheval de bataille, a-t-il cherché à piéger Sarkozy ? À peine nommé secrétaire général de l'UMP, il apparaît comme celui qui reprend la main, mène le jeu, propose d'aller de l'avant face à un président qui, pour la première fois, semble presque en retrait. La «Copé attitude» ressemble à s'y méprendre à la méthode employée par Sarkozy vis-à-vis de Chirac à la fin du septennat, commence-t-on à entendre ici et là. Celle d'un activiste, agitateur d'idées ayant toujours un temps d'avance sur un président observateur. Pire, qui se serait parfois contenté de «contourner» plutôt que de réellement réformer, lui qui se présentait comme le président de la rupture.

Le sujet des 35 heures était-il bien choisi pour relancer l'UMP?

Christian Jacob, le plus grand ami politique de Copé, essaie de calmer le jeu. « Le président connaît bien le tempérament de Copé et il l'a justement nommé pour que l'UMP occupe l'espace politique. Le rôle d'un parti n'est pas de se contenter de contempler et d'être le porte-parole bis du gouvernement ou de la présidence. »

Certes. Redynamiser l'UMP était à l'évidence une nécessité mais le sujet était-il bien choisi ? «À un peu plus d'un an de la présidentielle, agiter ce chiffon rouge n'est pas forcément le plus subtil, analyse Lionnel Luca. Que va-t-on dire aux Français : votez pour nous, vous allez travailler 39 heures au lieu de 35, bref travailler plus pour gagner moins ? »

Copé n'en aurait-il pas rajouté, en assurant avoir l'«encouragement» du chef de l'État pour lancer cette charge ?

Et maintenant... « Le débat est plus facile à ouvrir qu'à conclure », note Hervé Mariton. Que pourront proposer Novelli et Longuet, après que Sarkozy eut recadré le sujet en excluant catégoriquement de toucher au pouvoir d'achat des salariés et à la compétitivité des entreprises ? L'ancien ministre de l'Économie Alain Madelin a déjà des idées. Au-delà de leur coût, il dénonce l'effet cliquet des exonérations de charges sur les bas salaires (jusqu'à 1,6smic). « Subventionner les bas salaires, c'est les multiplier et engager la France dans la voie d'une dangereuse «smicardisation. » Il propose aux entreprises de réfléchir à une sortie prudente d'un système aussi coûteux qu'absurde. Lâcher les allégements de charges contre un déverrouillage des 35 heures en réalité entré dans les faits n'est pas, selon Madelin, très attractif. En revanche il serait plus utile, en contrepartie, de leur proposer la libéralisation et la modernisation d'un droit du travail créé pour la civilisation de l'usine et aujourd'hui aussi complexe que rigide.

Bref, le débat est bien ouvert. Et sera difficile à refermer. Entre-temps, Jacob a lancé un nouveau Scud : « Pourquoi ne pas remettre en question la sécurité de l'emploi à vie des fonctionnaires ? » Il n'est pas sûr que le président, après être passé pour un «demi-réformateur», soit ravi d'aborder la campagne de 2012 avec des projets rivalisant d'impopularité.

De quoi conforter ceux qui, dans l'entourage du chef de l'État, trouvaient risqué de confier les clés de l'UMP à Copé.


Le coût du temps perdu - Victoroff David

35 heures. Elles existent encore et coûtent cher. Difficile d'y toucher sans revoir le financement de la Sécurité sociale.

A l'origine, l'affaire paraissait simple. Tout le monde pouvait comprendre que travailler 35 heures payées 39, même si c'était séduisant pour les salariés, coûtait cher aux entreprises et à l'État et constituait un handicap vis-à-vis de nos concurrents asiatiques et européens. Des slogans du genre « entre l'euro et les 35 heures, il faut choisir », lancé par Gérard Longuet, le président du groupe UMP au Sénat, faisaient mouche et l'on comprenait assez bien la petite phrase du député PS Manuel Valls sur la nécessité de « déverrouiller les 35 heures ».

Deux semaines après le lancement de ce débat, les choses se compliquent. On s'attendait à ce que les entreprises applaudissent à ce nouveau coup porté aux «acquis» du socialisme. Elles se montrent au contraire réservées, à commencer par la CGPME de Jean- François Roubaud, pourtant en pointe au départ dans la lutte contre les lois Aubry. Nicolas Sarkozy, qui avait fait de la revalorisation du travail un point clé de son programme, aurait pu lui aussi saluer cette initiative venue des rangs socialistes et relayée par une partie des parlementaires UMP derrière Jean-François Copé. Mais le chef de l'État nous dit que les 35 heures « uniformes et obligatoires » n'existent plus et que s'il n'y a pas de sujet tabou on doit prendre garde « ne pas toucher au pouvoir d'achat des salariés » et de « ne pas peser sur la compétitivité des entreprises ». Pourquoi revenir sur ce qui n'est plus un tabou si les 35 heures sont déjà «déverrouillées» ? Comment faire travailler plus les salariés pourrait-il nuire à leur pouvoir d'achat ? Comment la suppression des 35 heures pourrait-elle porter atteinte à la compétitivité d'entreprises que l'on croyait au contraire pénalisées par les lois Aubry ? Et pourquoi le gouvernement, en principe à la recherche d'économies, ne s'engouffre-t-il pas dans la brèche pour réduire le coût des 35 heures pour le budget ?

Et d'abord, quel est le coût des 35 heures ? Le chiffre varie entre 12 et 26 milliards d'euros d'allégements de charges. Les plus libéraux incluent toutes les baisses de charges consenties depuis 1993 jusqu'à la loi Tepa, en 2007. En 1993, les ristournes Juppé allègent les charges pour tous les salaires jusqu'à 1,6 smic. En 1996, la loi Robien prévoit des allégements de charges pour les entreprises qui s'engageront volontairement dans la réduction du temps de travail (RTT) pour les salaires inférieurs à 1,33 smic. La première loi Aubry en rajoute en 1998, puis, en 2000, la deuxième loi Aubry, celle qui impose la nouvelle durée légale du travail, instaure des allégements dégressifs selon le niveau de salaire jusqu'à 1,8 smic. En 2003, la loi Fillon unifie par le haut les sept smic qui résultaient des différentes dates d'application des 35 heures et pérennise les aides jusqu'à 1,7 smic (seuil qui sera ramené à 1,6). Au total, l'ensemble du dispositif destiné à abaisser le coût des bas salaires pour les entreprises et à compenser la hausse du smic résultant des 35 heures ferait peser sur le budget de l'État une charge de 22 milliards d'euros. À cela s'ajoute le dispositif d'encouragement aux heures supplémentaires inclus dans la loi Tepa de 2007, qui coûterait environ 4 milliards au budget.

À gauche, on préfère s'en tenir à 12 milliards, retirant 9 milliards d'allégements de charges qui seraient antérieurs aux lois Aubry. En ajoutant les heures supplémentaires, on veut bien concéder 16 milliards. Mais certains économistes, arguant des emplois créés grâce aux lois Aubry, évalués à 400 000, veulent déduire de ce coût les économies réalisées au titre des allocations chômage non versées. Si l'on ajoute à cela le surcroît de croissance qu'aurait provoqué l'augmentation du smic et la souplesse qu'aura apportée à la grande industrie, notamment au secteur automobile, l'annualisation du temps de travail obtenue à l'occasion de la mise en place des 35 heures, la mesure pourrait somme toute avoir été bénéfique pour l'économie française ! Au demeurant, les salariés français travaillent aujourd'hui 38 heures en moyenne. Donc, à quoi bon changer quoi que ce soit ?

La complexité du chiffrage du coût des 35 heures met au moins en évidence l'«usine à gaz» mise en oeuvre pour éviter la mort d'un grand nombre d'entreprises et explique la difficulté de «détricoter» le dispositif. Ne pouvant compter sur tous les Trissotin de l'économie, force est de se raccrocher à quelques remarques de bon sens. Étaitil opportun, alors que la France entrait dans la zone euro, rendant immédiate la comparaison des prix avec nos voisins allemands, de relever de 11 % le coût du travail ? Dix ans plus tard, cela se traduit par la chute de nos parts de marché dans la zone euro. Alors que nous acceptions de ne plus dévaluer, nous nous sommes livrés à l'équivalent d'une réévaluation de notre monnaie. Tout cela au moment où nous acceptions la concurrence frontale avec la Chine, entrée à l'OMC fin 2001, et le démantèlement des quotas qui protégeaient notre industrie textile. Quand d'autres pays s'interrogent encore sur l'opportunité d'un salaire minimum, nous en avons compté jusqu'à sept ! Et au moment où nous nous inquiétions de la panne de l'ascenseur social, en unifiant les smic par le haut nous avons «smicardisé» la moitié de la population salariée tout en dévalorisant le statut des cadres mis en RTT.

Tout cela, c'est du passé, nous dit Xavier Bertrand. Beaucoup a été fait pour desserrer le carcan des 35 heures. Néanmoins, la durée légale reste uniformément fixée à 35 heures et pose quelques problèmes aux entreprises du XXIe siècle (voir notre entretien). Mais rendre aux entreprises leur liberté en allégeant non seulement les charges sociales mais les contraintes légales suppose de revoir le financement de la Sécurité sociale. La TVA sociale, prochain brûlot de Manuel Valls ?


Pascal Thévenot«Travailler moins, c'est facturer moins»
David Victoroff

Adentis conduit des projets de recherche et développement pour les entreprises de haute technologie des secteurs de la communication numérique, de l'industrie de défense, de l'aéronautique et du spatial. Créée en 2000, cette PME de 65 salariés réalise 4,5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle a dû dès le départ compter avec les lois sur les 35 heures. Pascal Thévenot (photo), son directeur général responsablede l'organisation administrative et de la gestion financière, nousexplique les difficultés rencontrées. Quels problèmes vous posent les 35 heures ? C'est simple. Nous effectuons des prestations de services : 80 % de notre chiffre d'affaires est facturé au temps passé. Moins de temps passé, c'est donc, à charges inchangées, moins de chiffre d'affaires. Si vous travaillez moins, vous facturez moins. Mais vous bénéficiez d'allégements de charges ? Pas du tout ! Nous sommes une société d'ingénieurs où tous nos collaborateurs sont payés largement au-dessus des seuils d'exonération. Même pour les heures supplémentaires ? La loi Tepa prévoit une exonération de charges sociales et une défiscalisation uniquement pour le salarié. C'est une souplesse intéressante pour les entreprises, mais c'est encore un coût. Ne vous êtes-vous pas rattrapé en gelant les augmentations ? Nos ingénieurs sont très qualifiés et la concurrence est rude pour les recruter. Nous devons suivre le marché. Quelles ont été les conséquences pour votre entreprise ? Moinsde facturation avec des coûts égaux ou plus lourds, c'est moins de bénéfices et moins de fonds propres. Or notre recherche et nos investissements sont financés sur fonds propres. On peut dire que les 35 heures ont freiné la croissance de notre entreprise. Certains affirment qu'aujourd'hui, les 35 heures, ce n'est plus un problème, ça n'existe plus... Ce n'est pas vrai. La gestion des RTTdemeure très rigide. N'ayant pas la possibilité de se faire payer leur solde de RTT, les cadres sont obligés de les prendre quand approche la fin du compteur, en mars. Si bien que des collaborateurs qui n'auraient pas mesuré leur temps finissent par compter les jours. Dans une certaine mesure, c'est un peu un déclassement du statut de cadre. Pour les cadres supérieurs, en revanche, cela se traduit par une surcharge de travail car il leur faut pallier les absences au sein de leurs équipes. Vous souhaiteriez que l'on puisse racheter les RTT ? Ce serait un moindre mal. Mais le gros reproche que nous avons fait aux 35 heures, c'est la rigidité. Le pire serait qu'une loi nous impose à nouveau des règles uniformes et rigides. Il faut laisser aux entreprises la liberté de déterminer par branche la durée du travail. Propos recueillis par

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