mardi 18 janvier 2011

ENQUÊTE - Le chinois ICBC part à la conquête de l'Europe - Anne de Guigné


Le Figaro, no. 20671 - Le Figaro Économie, mardi, 18 janvier 2011, p. 18

Longtemps concentrée sur la Chine, la première banque mondiale s'implante à Paris, au coeur du quartier des affaires. Elle entend accompagner l'explosion des relations commerciales entre la Chine et l'Europe.

Le sigle ne dira rien à personne ou presque. Pourtant Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) est bien la première banque mondiale par la capitalisation boursière. Seulement jusqu'à présent le géant bancaire, cantonné à son - gigantesque - marché domestique, avait peu de visibilité sur le plan international. C'est précisément cela qui est en train de changer. Après avoir montré ses ambitions en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, l'institution a annoncé hier l'ouverture, dans les jours prochains, de cinq nouvelles succursales à Paris, Bruxelles, Amsterdam, Milan et Madrid. De quoi doubler une présence en Europe qui se limitait au Royaume-Uni, à l'Allemagne, au Luxembourg et à la Russie. Coordonné depuis Luxembourg, son réseau européen est désormais comparable avec celui de sa compatriote Bank of China.

Scénario japonais

Le scénario rappelle celui de l'internationalisation du Japon dans les années 1980. Comme leurs consoeurs japonaises à cette époque, les grandes banques chinoises sortent de leurs frontières afin d'accompagner le développement international des entreprises chinoises, notamment sur le Vieux Continent. Et réciproquement. L'accélération des investissements des intérêts de l'empire du Milieu en Europe est très nette. On a vu ainsi, l'an dernier, Geely racheter le suédois Volvo, ou encore le holding Fusan prendre 7,1 % du Club Med. Des laiteries chinoises sont candidates à la reprise de Yoplait et le chinois Bright Food a longtemps tenu la corde pour l'acquisition de United Biscuits.

Hier, à Luxembourg, le président d'ICBC, Jianqing Jiang, a dressé un tableau euphorique des relations commerciales sino-européennes, rappelant que sur les dix premiers mois de l'année 2010, le volume de leurs échanges avait progressé de 33 % en un an pour frôler les 400 milliards de dollars. « L'économie européenne et l'euro ont rencontré récemment quelques difficultés, mais l'Europe reste l'une des plus importantes entités économiques et politiques du monde », a-t-il affirmé. Il a tenu à bien différencier la stratégie de son institution de celle menée par Pékin. Alors que l'État chinois souscrit aux émissions obligataires des États européens, l'exposition d'ICBC à cette dette publique reste « marginale », a-t-il assuré.

2,5 millions de Chinois en Europe

La banque compte également sur la communauté de 2,5 millions de Chinois vivant en Europe et sur le million de visiteurs annuels pour appuyer son activité. « Nous laissons de larges marges de manoeuvre à nos succursales », a indiqué le président Jiang. Contrairement à Bank of China, qui avait opté pour le quartier chinois lors de son arrivée en France, ICBC s'implante au coeur du quartier des affaires, boulevard Haussmann. Dans un même esprit, à Bruxelles, c'est la prestigieuse avenue Louise qui a été retenue.

La succursale parisienne emploie 25 salariés, dont une moitié de Français. « Nous n'avons pas reçu d'objectifs précis en terme de dépôts ou de crédits », assure Yuqiang Xiao, le directeur général du bureau. Pour fêter cette ouverture, le président de la banque accueille ce soir au Palais Brongniart la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, et une grande partie de l'establishment financier français, dont les PDG de la Société générale et d'Axa.

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