jeudi 13 janvier 2011

Les Chinois proposent le yuan aux Américains - Arnaud Rodier

Le Figaro, no. 20667 - Le Figaro Économie, jeudi, 13 janvier 2011, p. 20

La Bank of China permet désormais des transactions en devise chinoise aux États-Unis.

Quand la Chine veut quelque chose, rien ne l'arrête. L'an dernier, elle a autorisé les premières émissions de titres d'État à Hongkong en même temps qu'elle multipliait les accords de crédits croisés avec la Corée, la Malaisie, l'Indonésie et permettait, en décembre, d'échanger sa monnaie sur la Bourse de Moscou, qui, en retour, pouvait faire la même chose avec le rouble à Pékin.

Hier, elle a franchi un nouveau pas en annonçant que la Bank of China, dont elle détient 70 % du capital, offrait désormais à ses clients, aux États-Unis, la possibilité de faire directement des transactions en yuans. « Nous préparons le jour où notre monnaie deviendra pleinement convertible », a expliqué le directeur général de la branche new-yorkaise de la banque sur le site Internet du Wall Street Journal. La Chine permet à un nombre croissant d'entreprises d'exporter et d'importer en yuans. Elles étaient quelques centaines à le faire il y un an, elles sont plus de 70 000 aujourd'hui. « Les patrons le réclament », assure le gouvernement. Il compte étendre l'expérience non seulement à tous les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), mais encore à l'Amérique latine, à commencer par le Brésil, et à l'Afrique. D'ores et déjà, selon plusieurs spécialistes internationaux, l'équivalent de 400 millions de dollars seraient échangés en yuans chaque jour dans le monde. Or, ce chiffre pourrait passer à 3 000 milliards dès 2015.

Dans ces conditions, l'annonce américaine n'est pas innocente. Elle intervient à la veille de la visite officielle du président Hu Jintao aux États-Unis, du 18 au 21 janvier. Une visite que la Chine prévoit difficile sur les grands dossiers économiques.

Une manoeuvre réfléchie

Hier encore, le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, a affirmé que la politique monétaire chinoise visant à maintenir un yuan « fortement sous-évalué » était « indéfendable ». Il l'accuse d'être responsable du déficit de la balance commerciale des États-Unis vis-à-vis de la Chine, en hausse de 26 % l'an dernier, à 181 milliards de dollars. Il lui reproche aussi d'abuser de son monopole sur les « terres rares », ces métaux indispensables à l'industrie électronique dont les Chinois assurent 90 % de la production mondiale.

Pékin, dont les énormes réserves de changes (2 847 milliards de dollars) sont pour les deux tiers libellées en dollars botte en touche et rétorque que sa priorité est aujourd'hui d'obtenir des assurances sur la sécurité de ses avoirs aux États-Unis et sur la pérennité de ses investissements dans ce pays.

La manoeuvre est mûrement réfléchie. En renvoyant la balle dans le camp des Américains au moment où elle leur offre la possibilité d'internationaliser un peu plus le yuan, la Chine montre qu'elle est ouverte à une certaine souplesse monétaire qui pourrait la conduire un jour à la convertibilité totale de sa monnaie. Mais elle réaffirme qu'elle entend en définir elle-même le calendrier et ne pas céder aux pressions étrangères.

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