mardi 18 janvier 2011

OPINION - Un monde bipolaire - Muriel Motte

Les Echos, no. 20849 - Entreprises et Marchés, lundi, 17 janvier 2011, p. 21

La guerre est ouverte. Pas celle des monnaies, chère au ministre brésilien des Finances. Mais celle promise en décembre par le président coréen Lee Myung-bak contre l'inflation. La banque centrale de son pays vient de relever de manière inattendue son taux directeur pour la troisième fois en cinq mois. Si le réveil de la croissance après le choc Lehman a justifié les premières hausses du prix de l'argent, Séoul comme beaucoup de ses compères émergents doit maintenant lutter contre la surchauffe des prix. Les deux guerres sont liées - des entrées de capitaux spéculatifs font grimper leurs monnaies et attisent la formation de bulles -, mais pas toujours. Au Brésil, l'indexation du salaire minimum sur une inflation plus forte qu'attendu risque d'affecter bientôt la compétitivité du pays autant que la hausse du real. La Chine qui défend farouchement la stabilité de son taux de change souffre de la flambée des matières premières et alimentaires et d'un dérapage de la distribution de crédits par les banques. Pékin a donc annoncé vendredi un septième relèvement du taux des réserves obligatoires. A Singapour, le gouvernement se bat contre la surchauffe immobilière.

Quoi qu'il en soit, le fossé se creuse entre les vieilles puissances essoufflées et les autres. Alors que les premières se permettent encore de vivre sous la perfusion de politiques monétaires accommodantes, quinze pays parmi lesquels une dizaine d'émergents ont procédé à 55 hausses de taux directeurs depuis août 2009, a recensé Bruno Cavalier, chez Oddo Securities. Un activisme encore insuffisant pour calmer la fièvre de la demande. Les banquiers centraux du Brésil et d'ailleurs vont devoir mettre les bouchées doubles. Après avoir sauvé la croissance mondiale, leurs pays portent une grande part de responsabilité dans le contrôle de l'inflation. C'est la rançon de leur dynamisme, de leur poids croissant et de leur nouveau statut de pays « émergés ».

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