mardi 18 janvier 2011

Pétrole : les cinq différences avec la flambée de 2008

Les Echos, no. 20849 - Marchés, lundi, 17 janvier 2011, p. 38

Le 4 janvier 2008, le baril de brut franchissait pour la première fois le seuil historique des 100 dollars à New York. Trois ans après, le « pétrole cher » est de retour. Mais la situation n'est en aucun cas comparable. Tour d'horizon des différences.

La semaine dernière, le baril de brent de la mer du Nord a gagné près de 5 dollars pour terminer vendredi à 98,68 dollars. Cette hausse rapide pourrait lui permettre d'atteindre le cap des 100 dollars d'un jour à l'autre. Et ce malgré un contexte très différent de 2008.

La marge de manoeuvre de l'Opep est plus importante

L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dispose aujourd'hui d'une capacité de production disponible d'environ 6 millions de barils par jour. Cette capacité va s'accroître dans les années à venir. Selon Merrill Lynch, la production de l'Irak devrait passer de 2,5 à 4,4 millions de barils par jour d'ici à 2015. Début 2008, lorsque le baril avait franchi pour la première fois le seuil des 100 dollars, la marge de manoeuvre de l'Opep se limitait à 2,5 millions de barils par jour, soit environ 3 % du marché mondial. Un chiffre jugé faible à l'époque. Qui plus est, « c'était un brut très lourd, pour lequel le marché ne disposait pas forcément des capacités de raffinage », explique Harry Tchilinguirian, analyste chez BNP Paribas. En juin 2008, lors du sommet de Jeddah, l'Arabie saoudite avait annoncé son intention d'augmenter de 200.000 barils sa production quotidienne, déjà relevée de 300.000 barils en mai. Son ministre du Pétrole, Ali al-Naïmi, était allé jusqu'à évoquer des investissements pour porter à terme la capacité disponible du pays à 15 millions de barils par jour.

Les stocks américains de pétrole sont élevés

Selon les estimations du département américain de l'Energie, les stocks américains de pétrole brut s'élevaient à 333 millions de barils lors de la semaine se terminant le 7 janvier. Ils sont largement supérieurs au niveau de janvier 2008 (282 millions de barils) ainsi qu'à la moyenne des cinq dernières années. Même constat en Europe, si l'on excepte l'impact des grèves contre la réforme des retraites en France. Le deuxième consommateur de pétrole de la planète, la Chine, ne donne pas de chiffres sur ses réserves. Délivrés chaque semaine, les stocks américains font office de baromètre pour les marchés pétroliers.

L'environnement économique est plus incertain

Début 2008, la planète venait de connaître un taux de croissance de 4,9 % l'année précédente et l'optimisme était de rigueur. Aujourd'hui, les perspectives de croissance apparaissent plus incertaines. « La demande de pétrole dans les pays de l'OCDE n'est pas flamboyante. Il y a des interrogations sur la reprise aux Etats-Unis et les marchés s'inquiètent d'un possible resserrement de la politique monétaire de la Chine », souligne Olivier Appert, de l'IFP Energies Nouvelles. Pour autant, d'autres paramètres favorisent une hausse des cours. Les taux d'intérêt sont bas et la Fed ne cesse d'injecter des liquidités, ce qui pousse les investisseurs à délaisser le marché obligataire au profit d'actifs plus risqués comme les matières premières. « Les investisseurs recherchent de la performance, une exposition aux marchés émergents et une protection contre l'inflation », explique Michaël Wittner, analyste pétrole chez Société Générale.

Le dollar a gagné du terrain par rapport à l'euro

Entre début 2008 et 2011, la parité euro-dollar est passée grosso modo de 1,50 à 1,30, du fait de la crise de le dette souveraine en Europe. Ce renforcement du dollar a plutôt tendance à limiter la hausse des cours du pétrole, compte tenu de la corrélation traditionnelle entre le billet vert et les cours du brut. Lorsque le dollar baisse, il rend les achats de pétrole moins onéreux pour les acheteurs munis d'autres devises, ce qui pousse les prix à la hausse. La baisse du dollar incite également les investisseurs à acheter du pétrole pour se prémunir de l'inflation.

Le poids de la Chine s'est accentué

D'ici à 2013, les pays émergents représenteront plus de la moitié de la demande mondiale de pétrole. Un bond en avant lié à la Chine. Selon les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'empire du Milieu a vu sa consommation de pétrole bondir de plus de 23 % entre 2007 et 2010, quand la demande mondiale augmentait d'à peine 2,6 % sur la même période. Mieux, en 2011, la Chine devrait absorber près de 11 % de la consommation d'or noir de la planète, contre 8,8 % en 2007. Cette montée en puissance va probablement se traduire par une volatilité plus importante. Les marchés n'ont pas de visibilité sur les stocks chinois. Et la consommation du pays reste éminemment dépendante d'un marché national où les prix des carburants sont réglementés.

EMMANUEL GRASLAND

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