mardi 18 janvier 2011

Foxconn, discret symbole de la symbiose entre Taïwan et la Chine

Les Echos, no. 20849 - High-tech & Médias, lundi, 17 janvier 2011, p. 29

Le taïwanais est aujourd'hui le premier employeur privé en Chine. Fabriquant notamment les produits d'Apple, il a subi au printemps une vague de suicides dans ses usines chinoises.

Foxconn ou l'art de devenir un mastodonte sans éveiller l'attention. Avec plus de 1 million de salariés, ce qui en fait le plus gros employeur privé en Chine, et un résultat net qui a dépassé les 100 millions de dollars américains l'an dernier, le géant taïwanais de l'électronique fait partie de ces entreprises dont presque tout le monde est client sans jamais le savoir. L'iPad ou l'iPhone d'Apple ? C'est lui. Il produit aussi des produits de Nokia, Hewlett-Packard, Microsoft, Motorola, Dell, Amazon, Cisco, Nintendo ou encore Sony. Foxconn est tout simplement le premier sous-traitant électronique au monde.

L'histoire de Hon Hai, maison mère de Foxconn, résume à elle seule celle de Taïwan ces trois dernières décennies : celle d'un territoire ayant peu à peu perdu son statut de centre de production low cost au profit de la Chine continentale. Fondée en 1974 par Terry Gou, la société commence par produire, sur l'île sécessionniste, toutes sortes de produits électroniques pour les marchés occidentaux ; transistors, mais aussi les tout premiers ordinateurs personnels.

Ce n'est qu'en 1988, alors que les salaires ont augmenté à Taïwan, que Terry Gou se tourne vers le nord et ouvre sa première usine de l'autre côté du détroit de Formose. Son succès, comme celui des industriels taïwanais investissant en Chine, est fulgurant. Il contribue à créer une interdépendance économique qui ne s'est pas démentie depuis. La société a vu ses revenus augmenter de 60 % en 2010, grâce notamment aux ventes des produits d'Apple. Terry Gou est l'homme le plus riche de Taiwan, et Foxconn a financé le pavillon de Taipei lors de l'Exposition universelle de Shanghai.

Zones d'ombre

Ce succès n'est pas exempt de zones d'ombre, sur le plan social notamment. A Taïwan, certains remarquent que les salaires réels ont baissé et que le chômage a augmenté, depuis que les industriels ont donné la priorité à la Chine continentale. Surtout, Foxconn a fait la une des médias du monde entier au printemps 2010, lorsque plus d'une dizaine de ses salariés chinois se sont donné la mort. On a alors découvert des conditions de travail excessivement dures. Le groupe a très substantiellement augmenté les salaires - jusqu'à les doubler sur certains sites de production. Cela n'a pas empêché, la semaine dernière, une salariée de se suicider en se défenestrant. Aujourd'hui, le groupe accélère son implantation dans les zones centrales de la Chine, où la main-d'oeuvre est nettement moins chère, au détriment de son centre historique situé à Shenzhen, en zone côtière. Un mouvement emblématique, cette fois, de la mutation que connaît actuellement la Chine.

GABRIEL GRESILLON

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