Les Echos, no. 20874 - International, lundi, 21 février 2011, p. 6
Réunis à Paris, vendredi et samedi, les ministres des Finances sont parvenus in extremis à rallier la Chine à un accord sur les indicateurs des déséquilibres mondiaux au terme de longues et difficiles discussions.
Franches », « très vivantes », « parfois tendues », les discussions qui ont eu lieu dès vendredi soir et qui se sont poursuivies samedi entre les ministres et les gouverneurs de banque centrale du G20, réunis à Paris, ont accouché d'un compromis de dernière minute sur un début de liste d'indicateurs devant évaluer les déséquilibres macroéconomiques mondiaux. L'accord a été obtenu au forceps.
Christine Lagarde, les traits tirés pour la conférence de presse finale dans l'après-midi de samedi, n'a pas ménagé sa peine pour convaincre les partenaires chinois. « Elle les a travaillés au corps », témoignait un proche du dossier. Et les « drafteurs » de l'équipe dirigée par Guillaume Chabert au sein du ministère de l'Economie et des Finances sont restés sur le pont de 22 heures à 10 heures du matin. Harassés en tentant de rédiger un communiqué final qui satisfasse tout le monde et en particulier les autorités chinoises.
Ce fut chose faite quelques heures avant la clôture des débats qui ont été monopolisés par ces fameux indicateurs. Fruit d'un groupe de travail dirigé par le Canada et l'Inde, les variables proposées n'ont pas toutes été retenues. Le communiqué final du G20 ne mentionne pas les réserves de changes. Et pour cause, avec près de 2.850 milliards de dollars, soit 31 % du total mondial, la Chine a obtenu satisfaction pour qu'elles soient retirées de la liste, ne cédant visiblement à la dernière minute que sur le taux de change. De manière assez floue cependant.
« La référence au taux de change et, dans une moindre mesure, à la politique monétaire a été l'objet d'un long débat », a révélé Christine Lagarde. En effet, les ministres se sont contentés d'établir des pistes de réflexion. « Notre objectif est de nous mettre d'accord, d'ici à notre prochaine réunion en avril (les 16 et 17 avril à Washington, NDLR), sur des lignes directrices indicatives pour l'évaluation de chacun de ces indicateurs [...]. Sans constituer des cibles, ces lignes directrices indicatives seront utilisées pour évaluer les indicateurs suivants : la dette et les déficits publics, le taux d'épargne et l'endettement privé et les déséquilibres extérieurs à partir de la balance commerciale, des flux nets de revenus d'investissement et des transferts, en tenant pleinement compte du taux de change, des politiques budgétaire, monétaire ou autres. »
Compromis mal taillé
Exit donc toute référence explicite à la balance courante puisque cette variable prend non seulement en compte les échanges de biens et de services, mais aussi les transferts financiers comme l'envoi de liquidités par les travailleurs immigrés dans leur pays d'origine, les revenus générés par les brevets ou encore ceux issus des investissements de portefeuille. Aussi faudra-t-il passer à la paille de fer tous ces indicateurs et leur fixer des niveaux à partir desquels une politique économique d'un pays donné sera jugée comme étant génératrice de déséquilibres. « Nous sommes au tout début d'un processus qui prendra du temps. Je ne suis même pas sûr que nous parviendrons à fixer des chiffres lors de notre réunion d'avril », témoignait un négociateur issu d'un grand pays développé peu après la fin des négociations.
Ce n'est donc qu'une première étape. Il reste à donner un contenu à ces critères généraux : des « lignes directrices », qui ne seront d'ailleurs pas des cibles et ne seront qu'indicatives, signe de résistance à toute mesure contraignante. « Il n'y aura pas d'objectifs spécifiques pour certains indicateurs », a ainsi déclaré le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble. Ce compromis, mal taillé, accouché dans la douleur augure des difficultés de la présidence française du G20 puisque cette première réunion a dressé également la liste des travaux à effectuer en vue du sommet des chefs d'Etat de Cannes en novembre. Ils sont nombreux (voir page 7). Pourtant, parmi les ministres, certains ont loué « l'extraordinaire et impressionnant travail des Français comme seuls ils peuvent le faire ». Mais, au final, la réunion a abouti à une « formulation complexe » des engagements sur le plan des indicateurs, a souligné un membre d'une délégation européenne. « Cela démontre combien les futures négociations s'annoncent difficiles, surtout lorsqu'il faudra s'entendre sur des chiffres. »
G20 français : un premier accord obtenu à l'arraché
RICHARD HIAULT
Les ministres des Finances du G20 ont conclu un accord in extremis sur les indicateurs des déséquilibres - La Chine a pesé de tout son poids sur une réunion marathon- - Les prochains débats s'annoncent difficiles sur la réforme du système monétaire international et la lutte contre la volatilité des prix alimentaires
La première réunion de la présidence française du G20 s'est achevée, samedi, sur un compromis difficilement trouvé par les ministres des Finances. Les représentants chinois ont été intransigeants sur le choix des indicateurs macroéconomiques devant servir à mesurer les déséquilibres mondiaux. Les réserves de change n'ont pas été retenues. Les taux de change le sont, mais au même titre que la politique budgétaire et monétaire. Les discussions prochaines sur la réforme du système monétaire international et la lutte contre la volatilité des prix des matières premières s'annoncent difficiles. Salué comme « utile, sérieux, et positif », par Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, ce premier compromis, accouché dans la douleur, augure des difficultés que va devoir surmonter la délégation française d'ici au sommet de novembre.
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