Informé des réticences de la Chine qui, seule contre tous, refusait, vendredi 18 février, l'adoption d'indicateurs de déséquilibres qui pourraient la mettre en position d'accusée, Nicolas Sarkozy a demandé, le même jour, aux ministres des finances du G20 réunis à Paris sous présidence française de ne pas s'enliser " dans des discussions interminables qui nous détourneraient de l'essentiel ".
Pour lui, il faut " que chacun s'engage et prenne des mesures pour aboutir à une coopération gagnant-gagnant entre pays qui sont libres de leurs choix économiques ". Diplomate, Nicolas Sarkozy a concédé : " Nous devons reconnaître nos lignes rouges respectives, mais nous devons aussi rechercher une plus grande coordination en dépit de ces lignes rouges. "
Il a rappelé l'enjeu du G20 : " Atteindre une croissance plus élevée au bénéfice de tous. " Cette ambition suppose de traiter " les vrais sujets, comme la question de l'ordre monétaire international et celle de la volatilité des prix des matières premières ".
Le président a fait patte de velours au sujet de la volatilité des changes et des mouvements de capitaux. " Il ne s'agit pas d'avoir une vision idéologique de ces questions, ni de mettre en cause tel ou tel, a-t-il déclaré. Mais la réforme de l'ordre monétaire international ne peut plus attendre. Je suis heureux que le gouvernement chinois nous invite à Shenzhen à la fin du mois de mars pour engager la réflexion à ce sujet. "
Convaincu que l'émergence de nouvelles puissances économiques conduira " inéluctablement à l'émergence de nouvelles monnaies internationales ", il sait aussi que cela s'accompagnera d'une instabilité dangereuse. Il conviendra de maîtriser celle-ci grâce à des " règles du jeu " et à un rôle accru du Fonds monétaire international (FMI) " qui, plus que jamais, doit être la pierre d'angle de la coopération monétaire internationale ".
En ce qui concerne la hausse des prix des produits alimentaires, M. Sarkozy a rappelé qu'il ne contestait pas les mécanismes de marché, mais qu'un " marché qui n'a pas de règle n'est pas un marché ". Sa stratégie de lutte contre la volatilité des prix qui menace la croissance et qui pourrait susciter de nouvelles émeutes de la faim suppose de " réguler les marchés dérivés, d'accroître la transparence sur les marchés physiques, de renforcer les outils de sécurité alimentaire ".
Toujours partisan d'une " taxe infinitésimale sur les transactions financières " pour financer les promesses d'aide faites aux pays pauvres, il a proposé " que certains pays avancent - dans ce domaine - pendant que d'autres y réfléchissent ".
Corriger les déséquilibres
La retenue du chef de l'Etat s'explique par sa volonté de désamorcer les critiques toujours présentes sur l'interventionnisme français, mais aussi par les difficultés rencontrées par les négociateurs pour arrêter des indicateurs de déséquilibres permettant de mieux cibler les mesures correctrices nécessaires.
Quoique avec des nuances significatives, les participants étaient, selon une source diplomatique, d'accord pour choisir des indicateurs de déséquilibres internes (déficit et dette publics, dette privée) et de déséquilibres externes (balance des transactions courantes ou balance commerciale, réserves et taux de change). A l'exception de la Chine, qui ne voulait prendre en compte que la balance commerciale, comme l'a confirmé son ministre des finances, Xie Xuren.
Derrière cette querelle extrêmement technique se profile la volonté de Pékin de réformer sa politique à son rythme et de ne pas s'en laisser imposer par les pressions extérieures, comme l'a encore rappelé Zhou Xiaochuan, gouverneur de sa banque centrale.
Oui, le yuan sera réévalué; vendredi, il a atteint son plus haut cours face au dollar depuis 1993 après un nouveau relèvement des réserves obligatoires des banques chinoises. Mais pas question pour Pékin de céder aux injonctions de Tim Geithner, le secrétaire américain au Trésor, qui l'a une nouvelle fois appelé à accepter un taux de change plus réaliste.
Un accord a minima, qui devra être confirmé et précisé lors du G20 finances de Washington à la mi-avril, pourrait être tout de même trouvé samedi. Il laisse intactes les interrogations sur la volonté de la Chine de continuer à jouer le jeu du multilatéralisme, tant sont manifestes ses réticences à accueillir à Shenzhen une réunion de travail ministérielle sur la réforme du système monétaire international.
Alain Faujas
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