Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, la France a placé haut les ambitions de sa présidence du G20 dont les ministres des finances débuteront leurs travaux à Paris, vendredi 18 et samedi 19 février. Mais Christine Lagarde, la ministre de l'économie et des finances, a pris soin de préciser que la démarche française était " teintée d'une nécessaire humilité ", lundi 14 février, en détaillant les axes de travail qu'elle proposera à ses homologues. Il est vrai que les embûches ne manqueront pas d'ici au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, prévu à Cannes (Alpes-Maritimes) les 3 et 4 novembre prochains.
Certes, personne parmi les experts des vingt pays qui représentent 85 % de la richesse mondiale ne conteste que l'économie mondiale soit déséquilibrée. Mme Lagarde a elle-même souligné quelques symptômes : l'accumulation de réserves colossales, soit 9 247 milliards de dollars (6 851 milliards d'euros) - un chiffre en hausse de 162 % par rapport à 2004 - dont 32 % détenus par la Chine; la volatilité excessive qui s'est traduite par 27 épisodes d'arrêts brutaux de flux de capitaux entre 2007 et 2008. En revanche, les moyens de rétablir les équilibres macroéconomiques et monétaires sont loin de faire l'unanimité.
Tim Geithner, le secrétaire américain au Trésor, avait proposé lors du sommet du G20 de Séoul, en novembre 2010, de mesurer les dangers avec un indicateur du déficit ou de l'excédent de la balance courante qui ne devait pas dépasser 4 % du produit intérieur brut (PIB) des pays. Tollé chez les exportateurs qui accumulent des devises comme la Chine, l'Allemagne et l'Arabie saoudite, cette dernière demandant même si elle devait suspendre ses exportations de pétrole pour contribuer à l'équilibre économique mondial.
La France tentera de recoller les morceaux. Paris aimerait faire adopter, samedi, une batterie d'indicateurs permettant de signaler les dérapages et qui prendrait en compte l'inflation, les réserves, les taux de change, etc. Non pas pour stigmatiser les pays qui s'écartent du droit chemin, mais pour les alerter. Prudente, Mme Lagarde a prévenu : " Si on n'y arrive pas samedi, ce ne sera pas un drame. "
Même difficulté avec la stabilisation des cours des matières premières. Nul ne se réjouit que le prix du blé ait augmenté de 44 % depuis juin 2010 ou que celui du coton ait bondi de 13 % en une semaine. Mais ne parlez pas aux Brésiliens ou aux Australiens d'une " limitation des abus du marché par une régulation qui s'étende à l'ensemble des marchés " : ils y voient une manoeuvre pour les priver de leurs recettes d'exportations. Quant à la taxe sur les transactions financières qui permettrait de financer les 100 milliards de dollars dont l'Afrique a besoin pour s'équiper en routes et en lignes électriques nécessaires à son décollage, les Etats-Unis, le Japon ou le Canada sont contre.
Priorité de M. Sarkozy, la réforme du système monétaire international relève aussi de la quadrature du cercle, tant l'égoïsme des nations s'incarne dans leur devise.
Baptisé " Initiative de Port-Royal " et rendu public mardi 15 février, un rapport apporte de l'eau au moulin de l'Elysée. Dix-huit personnalités réunies par Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Alexandre Lamfalussy, ex-directeur général de la Banque des règlements internationaux, et Tommaso Padoa-Schioppa, ancien ministre des finances italien, mort récemment, y avancent dix-huit mesures pour en finir avec le " non-système " actuel qui risque de déboucher sur le protectionnisme et sur une guerre des monnaies.
Il s'agit de bâtir " un - modèle - dans lequel les pays acceptent que les objectifs nationaux à court terme puissent, le cas échéant, être subordonnés à l'intérêt commun ". Cela passe par un renforcement de la discipline : finis les petits arrangements entre amis et place à " des suites concrètes " si un pays ne redresse pas ses déséquilibres. " Nous inversons la charge de la surveillance, souligne M. Camdessus. Ce ne sont plus les pays en développement en difficulté qui doivent être l'objet d'une vigilance accrue, mais les grands dont les - choix - ont des conséquences pour - tous - . "
La fin du statu quo
Cela suppose une réforme des statuts du FMI pour que celui-ci puisse contrôler les comptes de capital (investissements étrangers, investissements de portefeuille et produits dérivés) qui ont fait le lit de la crise de 2007-2008.
Pour que ses injonctions soient acceptées de tous, il faudrait le rendre plus légitime, que sa gouvernance soit mieux contrôlée par l'ensemble des Etats et pas seulement par ceux du G20. Le rapport suggère d'abaisser de 85 % à 70 % ou à 75 % les majorités requises pour les décisions majeures, ce qui retirerait aux Etats-Unis le monopole du droit de veto. Voulant en finir avec " une simple adaptation à la marge du statu quo ", ce rapport lance des débats qui se prolongeront au-delà de la présidence française du G20.
Alain Faujas
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