mardi 1 février 2011

Les prix du blé toujours sous forte pression - Laurence Boisseau

Les Echos, no. 20860 - Marchés, mardi, 1 février 2011, p. 34

Les cours du blé se rapprochent des plus hauts de 2008. Alors que la situation en Egypte inquiète, aléas climatiques, demande incompressible, production limitée et défaut de logistique devraient continuer à tirer les cours vers le haut.

Beaucoup confondent volatilité et tendance haussière. La volatilité est une variation des cours par rapport à une moyenne, un écart type en mathématiques. Elle peut être forte quand les prix sont bas. Preuve en est : le 5 août dernier, la volatilité était au plus haut sur l'année, à près de 45 %. Or, c'est seulement aujourd'hui, avec une volatilité inférieure à 30 %, que les prix du blé sont les plus élevés », rappelle Michel Portier, fondateur d'Agritel, une société spécialisée dans la gestion du risque de prix dans la filière agricole.

Alors que les spéculateurs sont accusés d'être responsables de la hausse des prix des matières premières agricoles, mettre en avant l'impact des facteurs fondamentaux sur la formation des cours est courageux. « La volatilité dans ce secteur est structurelle », plaide Michel Portier, « et il va falloir vivre avec ». D'abord, parce que la demande mondiale est incompressible dès lors qu'il s'agit de biens de première nécessité. Ensuite, parce que produire plus est impossible - toutes les trois secondes, un hectare de terre labourable est perdu pour cause d'urbanisation -à moins d'avoir recours aux biotechnologies. Enfin, parce que les aléas climatiques de plus en plus nombreux pèsent fortement sur les récoltes ou sur le rendement des champs.

Des stocks très mal alloués

Hier, à Paris sur Euronext, le blé meunier cotait 267 euros la tonne, un plus haut depuis le printemps 2008, soutenu par de nombreux achats en provenance d'Afrique du Nord, très préoccupé par l'agitation sociale en Algérie, en Egypte, en Tunisie. Sur les trois premières semaines de janvier, l'Algérie aurait importé déjà près de la moitié de ses achats totaux pour constituer des stocks de réserve. L'Egypte est également le premier importateur mondial de blé. Certains craignent que, pour faire des réserves, le régime de Moubarak augmente encore sa demande. Si le prix du blé reste inférieur au pic de 290 euros, atteint il y a deux ans, il pourrait bien retrouver ces niveaux.

Les stocks sont évalués pour cette année à 172 millions de tonnes - trois mois de consommation -contre 125 millions en 2008. Il n'y a donc pas péril en la demeure, sauf que ces stocks sont très mal alloués. Sur les huit principaux pays exportateurs de blé, cinq (Russie, Ukraine, Kazakhstan, Australie, Canada) ont subi de lourds incidents climatiques qui les placent en difficulté d'exporter. Les Etats-Unis concentrent 60 %des disponibilités et sont, du coup, confrontés à de graves problèmes de logistique avec une forte saturation des ports. « Aujourd'hui, les agriculteurs ont vendu toute leur récolte 2010. Sur 2011, ils auraient déjà engagé entre 30 et 35 % de leur production. Aux Etats-Unis, il va falloir surveiller la sécheresse au Kansas et au Texas, qui pourrait avoir un impact à plus long terme. Idem pour la Chine. Mais sauf à imaginer une crise financière mondiale qui a freiné la consommation en 2008, il y a de fortes chances que les prix du blé continuent leur ascension », commente Michel Portier.

La situation est également très tendue sur le maïs. Les Etats-Unis contribuent pour 45 % de la production mondiale. Un incident climatique sur ce pays pourrait faire grimper les prix d'autant que les stocks ne représentent plus que 5 % de la consommation, un niveau très en deçà de celui constaté en 2008.

LAURENCE BOISSEAU

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