L'économie chinoise a officiellement dépassé celle du Japon cette semaine. L'économie mondiale profite de sa montée en puissance.
La Chine est devenue cette semaine la 2e puissance économique mondiale, reléguant le Japon à la 3e place. Basé uniquement sur le montant en dollars du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays, ce classement pourrait, selon la Banque mondiale, voir l'Empire du Milieu ravir la première place aux Etats-Unis en 2025. Cette ascension fulgurante résulte de la libéralisation graduelle de l'économie chinoise depuis trente ans et de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 2001, ce qui lui a ouvert les portes des marchés mondiaux. Le pays connaît un taux annuel de croissance de près de 10% durant plusieurs années.
Pourtant, en Chine même, cette deuxième place n'est pas célébrée par les autorités et encore moins par les foules. Malgré un PIB de 5876 milliards de dollars en 2010, il s'agit encore d'un pays pauvre. Le revenu par habitant ne dépasse pas 4200 dollars par année. A titre de comparaison, il est autour de 47?000 aux Etats-Unis, 44?000 en Suisse et 35?000 en France. Dans ce hit-parade, la Chine se classe au 95e rang mondial.
Selon la Banque mondiale, près de 100 millions de Chinois vivent encore sous le seuil de la pauvreté, avec moins de 1 dollar par jour. Si on pousse la comparaison dans les détails (taux d'alphabétisation, mortalité infantile, accès à l'éducation et à la santé, infrastructures), le constat est le même: elle n'est de loin pas la 2e économie la plus forte au monde.
La Chine s'apparente plutôt à un géant aux pieds d'argile. Dans l'immédiat, son économie est au bord de la surchauffe, notamment dans l'immobilier. Si la bulle éclate, comme le prédisent de nombreux observateurs, ce sont des dizaines de milliards de dollars qui partiront en fumée, des dizaines de banques qui feront faillite et des milliers de travailleurs qui seront jetés sur le pavé.
Il y a l'inflation qui dérape. Elle a atteint 4,9% en janvier, largement au-dessus de l'objectif national de 3%. Ces jours, la hausse des prix des produits alimentaires rabote encore le pouvoir d'achat. La sécheresse qui sévit actuellement sur le plateau agricole au centre du pays ne va rien arranger. La crise alimentaire peut déclencher une crise sociale. Ce n'est pas pour rien que les revendications salariales se multiplient et le régime encourage les entreprises à y répondre favorablement.
Autre écueil, Pékin doit dépenser de plus en plus pour assurer l'approvisionnement des matières premières nécessaires à la consommation interne ainsi qu'aux industries d'exportation. L'économie chinoise fait face déjà à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans de nombreux secteurs.
Les exportations comptent jusqu'à 40% du PIB chinois. Pékin s'est rendu compte de cette faiblesse lors de la récession qui a frappé les Etats-Unis et l'Europe, ses principaux marchés, en 2008-2009. Faute de commandes, des milliers d'usines avaient fermé leurs portes et licencié des centaines de milliers de travailleurs. Sa stratégie commerciale repose aussi sur une politique rigide de change contestée par ses principaux partenaires. Son assouplissement, le premier ministre Wen Jiabao l'a dit récemment, aurait un impact négatif sur les exportations chinoises.
Ce n'est pas la sérénité non plus sur le plan politique. Le Parti communiste parvient à justifier sa main de fer en mettant en avant la croissance. Il est vrai que plusieurs millions de Chinois font désormais partie d'une classe moyenne aux revenus considérables. Il n'empêche que Pékin ne pourra pas éternellement maintenir le couvercle sur les revendications pour les droits politiques de la part de ses citoyens. La façon dont les aspirations démocratiques seront gérées ne sera pas sans conséquence pour l'avenir du pays. Autre problème potentiel et dont la portée n'est pas à prendre à la légère: les revendications indépendantistes, armées ou pas, des provinces occidentales qui peuvent encore fragiliser le pays.
Force est de constater que la montée en puissance de la Chine, qui est une réalité, provoque une grande méfiance, surtout en Europe et aux Etats-Unis. De multiples études font état des menaces que représente la nouvelle Chine. Les unes craignent une hégémonie chinoise sur l'économie mondiale. Les autres se méfient de la concurrence qu'offre cet acteur sur la scène géopolitique internationale.
Malgré les risques, on devrait pourtant se réjouir que des centaines de millions de Chinois parviennent petit à petit à sortir du piège de la misère. Mais il n'y a pas que ça. Une économie chinoise prospère est une chance pour l'ensemble de la planète. Grande consommatrice des matières premières, elle donne une nouvelle impulsion aux pays producteurs, notamment en Afrique et en Amérique du Sud. Avec une population de 1,3 milliard d'habitants, elle offre un gigantesque marché aux grandes et petites multinationales qui lui fournissent produits et services. En effet, il n'y a pas de jour sans que l'une ou l'autre entreprise se frotte les mains pour avoir décroché un contrat en Chine. En 2009-2010, la Chine, forte de sa montagne de réserves en devises, a aidé de nombreux pays ou entreprises frappés par la crise financière.
La Suisse est bien placée pour profiter de l'expansion de l'économie chinoise. Selon une étude que vient de publier le Swiss Center Shanghai, la Chine est la plus grande contributrice à la croissance de nos exportations. En 2010, celles-ci se sont développées dix fois plus vite que vers l'Union européenne. Conséquence logique de la montée en puissance de l'économie chinoise, ses entreprises commencent à investir à l'étranger. Ainsi, les deux leaders mondiaux des télécoms et solutions de réseaux, Huawei et ZTE, ou encore Bank of China viennent de s'installer en Suisse.
Ram Etwareea
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