Les dirigeants chinois n'ont guère goûté la verve historique de Kadhafi, menaçant les « rebelles » d'une répression « similaire à celle de Tiananmen », référence au printemps de Pékin écrasé dans le sang en juin 1989. Mais, au-delà des inquiétudes sur la possible contamination des esprits par la « révolution du jasmin », l'urgence est aujourd'hui à l'évacuation des ressortissants chinois piégés par les violences libyennes. Et le monde étonné découvre qu'ils sont très nombreux, plus de 30 000.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a annoncé hier « le déploiement immédiat d'un avion civil et d'un cargo du transporteur Cosco dans les eaux proches de la Libye, ainsi que de bâtiments de pêche transportant vivres et produits médicaux ». La Chine va aussi tenter d'affréter de « grands bateaux de croisière ». Alors que les Chinois attendent la permission d'atterrir en Libye, un avion d'Air China devait partir hier se prépositionner en Grèce. Sur fond de renforcement de la relation économique avec Pékin, Athènes a offert son concours à la Chine. Quatre ferries grecs affrétés par les autorités chinoises étaient en route hier pour la Libye afin d'évacuer quelque 15 000 Chinois de Benghazi vers la Crète.
Pékin a appelé mardi Tripoli à assurer la sécurité de ses ressortissants, après qu'un chantier où travaillait un millier d'ouvriers chinois a été attaqué par des pilleurs. Selon le China Daily, des dizaines de Chinois ont été blessés depuis le début des troubles et au moins quinze d'entre eux hospitalisés. Les 33 000 Chinois présents en Libye sont employés essentiellement dans le secteur pétrolier, les chemins de fer et les télécommunications. En 2010, le commerce entre les deux pays a augmenté de 27 % par rapport à 2009, pour un montant de 6,6 milliards de dollars. Achats de pétrole obligent, les importations chinoises depuis la Libye ont surtout bondi de 42 %.
50 000 travailleurs en Algérie
En s'abstenant de condamner Kadhafi, et en se contentant de souhaiter le retour rapide à « la stabilité sociale et une situation normale », Pékin a donné l'impression d'être un des rares grands pays à ne pas lâcher le Guide. Mais cette position de « non-ingérence » et cette réticence à ne pas condamner des régimes autoritaires sont somme toute traditionnelles. Des observateurs notent que la Chine a voté mardi la résolution de l'ONU isolant Kadhafi, l'exhortant notamment à respecter la liberté d'expression et de la presse... « La Chine, désormais pays très mondialisé, a autant de raisons que les Occidentaux de s'inquiéter de la situation au Proche-Orient dont elle dépend beaucoup, estime Jean-Pierre Cabestan, de la Hong Kong Baptist University. Elle est touchée comme les autres par l'impact sur les prix du pétrole. Elle importe aujourd'hui la moitié de son pétrole, et 50 % de ces importations viennent de la région. »
Certes, pour l'heure, les convulsions s'arrêtent aux portes de l'Arabie saoudite et de l'Iran, grands partenaires de la Chine. Mais Pékin s'inquiète par exemple d'une éventuelle contagion à l'Algérie, pays qui héberge pas moins de 50 000 ressortissants chinois.
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