Promise depuis 2008 par Pékin, la procédure de sécurité nationale qui devait encadrer les projets de rachats de sociétés chinoises par des entreprises étrangères vient enfin d'être présentée au grand public, en vue de sa mise en oeuvre début mars. Comme souvent avec les textes chinois, il n'est pas certain que les milieux d'affaires y voient réellement plus clair, tant les nouvelles règles restent vagues. Une certaine inquiétude est même palpable chez les groupes étrangers. Comme l'avoue un homme d'affaires à Pékin, « les entreprises qui ont des projets d'acquisitions en Chine mettent les bouchées doubles pour tenter de boucler la procédure avant le mois de mars ».
Dans le pays, ce sujet a occasionné de vifs débats ces dernières années. Vexée, notamment, de constater que les Etats-Unis avaient bloqué le rachat du pétrolier américain Unocal par le chinois CNOOC, la Chine se donne manifestement les moyens légaux de bloquer quasiment tout projet de rachat étranger qui lui déplairait. En effet, comme le constate Sébastien Evrard, avocat associé au cabinet Jones Day à Pékin, « les autorités chinoises ont élargi le concept de sécurité nationale à celui de sécurité économique ». Au-delà de la défense, des secteurs aussi variés que l'agriculture, l'énergie, les infrastructures ou encore les technologies sont désormais concernés par le texte. Tout projet de rachat étranger dans ces domaines devra être soumis à un panel dirigé par la Commission nationale pour la réforme et le développement (NDRC). En cas de blocage, ce dernier sollicitera le verdict du Conseil d'Etat -donc du gouvernement. Lequel aura facilement les moyens de s'opposer à une transaction, dans la mesure où celle-ci ne devra pas avoir d'impact sur la capacité de production domestique, ni sur la stabilité économique et sociale du pays. Au final, le pouvoir politique dispose bien d'un « pouvoir discrétionnaire énorme », note Sébastien Evrard.
Le précédent de Coca-Cola
Il n'est pas certain, pour autant, que le nouveau dispositif change profondément la donne. Pour certains, il ne fait que formaliser ce qui se pratiquait déjà. Coca-Cola en sait quelque chose : il n'a finalement pas pu acquérir Huiyuan, le principal fabricant de jus de fruits en Chine, au motif que la nouvelle entité aurait nui à la concurrence dans le pays. Et ce alors même qu'elle n'aurait pesé qu'un cinquième du marché national.
Conscient des interrogations des entreprises étrangères, Pékin cherche d'ailleurs à rassurer : la NDRC vient de publier un communiqué dans lequel elle assure qu'elle reste très ouverte aux projets des sociétés étrangères. Le nouveau texte présente, en outre, l'avantage de contraindre les autorités à se prononcer dans un délai désormais très encadré. Enfin, remarque Sébastien Evrard, « diplomatiquement, on voit mal les autorités chinoises devenir plus protectionnistes au moment même où leurs propres sociétés cherchent à réaliser des acquisitions à l'étranger ».
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire