En publiant un rapport d'audit sur les conditions de travail dans les ateliers de ses sous-traitants asiatiques, mardi 15 février, Apple a fait un effort de transparence inédit, citant nommément les failles de certains de ses partenaires pour la première fois. La firme californienne confirme au passage que les lignes d'assemblage de ses iPhone ou MacBook ne sont pas les " usines plutôt sympas " décrites en juin 2010 par son patron, Steve Jobs, après une série de suicides dans des ateliers du sous-traitant taïwanais Foxconn à Shenzhen (sud-est de la Chine).
L'entreprise dit avoir interrogé plus d'un millier de travailleurs de Foxconn, sur 300 000 ouvriers, dans cette ville de la province du Guangdong, sur leur qualité de vie, leurs sources de stress et leur santé psychologique. Le groupe estime que l'emploi de conseillers psychologiques et l'installation de filets de sécurité autour des bâtiments du premier sous-traitant mondial en électronique ont " certainement sauvé des vies ".
A la suite de ces suicides, Foxconn avait annoncé une hausse de 66 % du salaire de base - passé à 2 000 yuans (222 euros) par mois - ayant vocation à freiner le mécontentement ouvrier, tandis que 2010 fut marquée par une multiplication des grèves dans cette province souvent qualifiée à elle seule d'usine du monde. Le fabricant taïwanais accélère par ailleurs le déménagement d'une partie de sa production vers le centre du pays, afin de se rapprocher des régions d'origine des travailleurs migrants.
La marque californienne s'exprime aussi sur l'intoxication d'ouvriers dans une usine de Wintek, son fournisseur d'écrans tactiles, à Suzhou (est de la Chine). Quelque 137 employés avaient été hospitalisés après que le management eut décidé, au mois d'août 2008, de remplacer l'alcool utilisé pour nettoyer les écrans par du n-hexane, un produit toxique, sans repenser le système de ventilation de l'atelier. Apple était alors resté muet, mais reconnaît aujourd'hui " une infraction fondamentale mettant en danger les travailleurs ".
Reste désormais à voir si Apple prendra les mesures nécessaires pour éradiquer ces violations, s'interroge Li Qiang, activiste du droit du travail et fondateur de China Labor Watch, basé à New York. " Les résultats d'audit indiquent qu'un suivi appliqué et intense des usines est nécessaire, et qu'il faut construire des relations de coopération à long terme avec ces usines pour améliorer le management interne ", constate M. Li.
Car l'inspection réalisée en 2010 dans 127 ateliers révèle que le cahier des charges humain d'Apple est rarement respecté sur l'ensemble de la ligne de production. La firme à la pomme a relevé 49 cas de travail de mineurs dans neuf usines, et a cessé sa collaboration avec l'une d'elles, " ses gérants ayant choisi de négliger la question ".
En ce qui concerne la " gestion des substances dangereuses ", les sous-traitants d'Apple ont un taux de réussite de 68 % par rapport à ses exigences. Il est de 73 % pour la " protection des jeunes travailleurs " et de 57 % pour la prévention des accidents du travail. La lutte contre les discriminations est suivie dans seulement 69 % des usines visitées. Quarante et une ont des politiques discriminantes envers les malades de l'hépatite B, et trente imposent à leurs ouvrières des tests de grossesse. Quant aux exigences d'Apple sur les horaires de travail, le groupe constate qu'elles ne sont suivies qu'à 32 %.
Harold Thibault
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