Le limogeage du ministre des Chemins de fer semble certes lié à une affaire de corruption. Mais des doutes apparaissent également sur la pérennité du programme qu'il a mené à marche forcée.
Pour quels « sévères manquements à la discipline », selon les termes officiels, le ministre chinois des Chemins de fer a-t-il été limogé la semaine dernière ? Dans le monde du transport ferroviaire en Chine, on s'interroge sur les raisons qui ont pu pousser les autorités à annoncer une mesure aussi spectaculaire. Même si les informations de la presse à ce sujet sont encore parcellaires, il semble acquis qu'une sérieuse affaire de corruption soit en cause. On évoque notamment un gros contrat portant sur des protections phoniques autour des voies à grande vitesse. Mais dans un pays où la corruption n'est pas rare, une hypothèse circule : derrière tel ou tel enrichissement frauduleux du sulfureux Liu Zhijun, il y aurait aussi la mise en cause de la politique spectaculaire qu'il a menée, ces sept dernières années, à la tête de son ministère.
Un symbole
Un changement d'ambiance brusque tant Liu Zhijun symbolisait, jusqu'ici, la fierté nationale d'avoir su faire de la Chine un pays leader dans les trains à grande vitesse, en prenant la tête d'un programme visant à doter le pays de près de 13.000 kilomètres de lignes à haute vitesse. Désormais, on s'interroge : l'édifice construit par Liu Zhijun est-il pérenne ? Sur le plan technique, d'abord, les travaux ont été si rapides que leur solidité commence à être ouvertement mise en doute. Les autorités chinoises elles-mêmes le sous-entendent. Sheng Guangzu, le nouveau responsable du parti en charge des Chemins de fer et très probable successeur de Liu Zhijun - qui cumulait déjà les deux fonctions -, a ainsi déclaré, dans sa première intervention publique, qu'il allait « placer la qualité et la sécurité » au coeur de ses projets.
De fait, comme le résume un spécialiste européen des questions ferroviaires dans le pays, « les Chinois ont développé leur réseau à grande vitesse cinq fois plus vite que n'importe quel pays européen ». Les travaux auraient-ils été bâclés ? Les infrastructures et le matériel roulant ne risquent-ils pas de vieillir prématurément ? Des questions d'autant plus légitimes que, comme le remarque un consultant basé à Pékin, « les lignes ferroviaires ont été développées tous azimuts, sans pouvoir bénéficier du moindre retour d'expérience ». Celui-ci estime donc « plus que probable que des problèmes apparaissent à moyen terme ». D'autant que les trains chinois, pour des raisons qui tiennent une fois de plus à la fierté, sont souvent poussés à des vitesses supérieures à celles de leurs équivalents occidentaux ou japonais. Un choix que tous les spécialistes considèrent comme économiquement absurde, puisque le gain pour les passagers est minime tandis que le vieillissement du matériel s'en trouve grandement accéléré.
Questions sur le financement
L'autre point d'interrogation concerne le financement de ces projets. On estime l'investissement ferroviaire global de la Chine aux alentours de 550 milliards d'euros. En dépit d'efforts, ces derniers mois, pour vendre certaines sociétés ou usines, les finances du ministère sont dans le rouge. Sa dette était de 125 milliards d'euros à l'automne dernier. Le magazine économique « Caing » estime qu'elle pèse 56 % des actifs du ministère et qu'elle est sur une pente dangereuse. Sachant qu'il n'est guère envisageable de reporter ce fardeau sur les consommateurs, déjà très énervés du prix des billets. D'après des analystes de la China Minsheng Bank, le réseau ferré à grande vitesse chinois pourrait bien rester déficitaire au cours des vingt prochaines années. Vendredi, le nouveau patron des Chemins de fer, Sheng Guangzu, a annoncé qu'il allait mieux contrôler les dépenses des entreprises ferroviaires. A la Bourse de Shanghai, China Railway Construction Corporation, la première d'entre elles, a dévissé de 2,8 %.
Gabriel Grésillon
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1 commentaires:
Comparons avec le chemin de fer Britannique ruiné par la privatisation menée par Maggie Thatcher....
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