lundi 21 février 2011

Pour sortir de la crise, investissez dans l'économie durable, conseille l'ONU

Le Monde - Environnement & Sciences, mardi, 22 février 2011, p. 10

L'économie verte est un impératif pour la sortie de crise. Tel est l'argument avancé par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), dont la 26e session du conseil d'administration se tient à Nairobi, au Kenya, du 21 au 24 février. A cette occasion, le PNUE publie un rapport intitulé " Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté " qui insiste sur l'urgence d'accélérer le mouvement.

Il faut " investir 2 % du produit intérieur brut (PIB) mondial dans le verdissement de dix secteurs cruciaux de l'économie afin de réorienter le développement ", explique Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE. Cela va de la pêche au bâtiment, en passant par l'offre énergétique, les transports ou encore le tourisme.

Les auteurs du rapport comparent l'hypothèse d'un investissement de 2 % du PIB mondial dans le développement durable avec le même pourcentage dans la continuité du système actuel. Si le scénario business as usual l'emporte sur le scénario vert entre 2010 et 2015, le taux de croissance annuel du PIB est supérieur ensuite avec l'hypothèse verte : 2,7 % en 2030 contre 2,2 % pour l'économie dite " brune " et près de 2,5 % contre moins de 2 % en 2050.

" Les différents scénarios montrent qu'il s'agit d'un investissement rentable, explique Sylvie Lemmet, directrice de la division Technologie, industrie et économie du PNUE. Et nous avons retenu une hypothèse optimiste pour le scénario "brun", n'intégrant pas les conséquences de la détérioration de l'environnement dans les années à venir : l'élévation du niveau de la mer, le dérèglement climatique, la sécheresse auront des impacts économiques et sociaux très importants. "

Le scénario d'investissement vert permettrait, selon le PNUE, de réduire la demande énergétique de 20 % en 2020 et de 40 % en 2050. Même résultat pour la demande d'eau (- 13 % en 2020 et - 22 % en 2050) ou l'empreinte écologique (- 48 % en 2050). Dans le même temps, la forêt progresserait de 21 % en 2050.

Hausse de l'emploi

Pas question de dire pour autant que l'économie verte " rasera gratis " : " il y aura des coûts de transition ", concède Mme Lemmet. Mais, selon les projections du PNUE, de l'OCDE et de l'Organisation internationale du travail, dans les différents secteurs, le nombre d'emplois augmenterait légèrement dans les prochaines décennies : + 20 % dans le domaine de l'énergie, + 4 % pour les emplois agricoles, + 10 % dans le secteur des déchets. Dans les secteurs de l'eau et de la pêche, ils chuteraient par contre de 20 % à 25 %, en raison " de la nécessité de conserver les ressources ". Mais, à mesure de la reconstitution des stocks halieutiques, l'emploi progresserait, après 2050.

Au-delà des critères sociaux, le PNUE insiste sur le moteur économique de cette croissance. Quand le président Barack Obama annonce que le prochain budget des Etats-Unis connaîtra une augmentation de 12 % (à 29,5 milliards de dollars, environ 21,5 milliards d'euros), dans le secteur des énergies propres, quand la Chine inscrit la question environnementale au coeur de son plan quinquennal 2011-2015, quand la Corée investit massivement dans l'économie verte, cela signifie que ces pays veulent prendre l'avantage sur la scène internationale.

Le rapport du PNUE estime que les gouvernements doivent mettre en oeuvre des politiques volontaires, en installant des " cadres réglementaires solides " et en faisant porter les investissements en priorité sur les " domaines aptes à verdir les secteurs économiques ". Pour Sylvie Lemmet, " le G20 pourrait prendre l'engagement de supprimer, dans les trois ans, toutes les subventions à impact négatif ", telles les aides aux énergies fossiles, à la pêche, ou les subventions à des productions agricoles à fort impact environnemental.

La crise des trois dernières années représente une opportunité, avec " la déception généralisée à l'égard du paradigme économique dominant ", analyse le PNUE. La nécessité d'une transition vers une économie verte n'a jamais été aussi sensible, et la conférence " Rio + 20 " en 2012 " constitue une occasion de passer à la vitesse supérieure ", dit Achim Steiner.

Rémi Barroux

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