Le leader chinois des équipements de télécommunications a subi un nouveau revers aux Etats-Unis. Huawei a dû renoncer à acquérir des brevets appartenant à 3Leaf Systems. Le groupe avait négocié l'achat de technologies de cette entreprise spécialisée dans l'optimisation de mise en réseau d'ordinateurs, pour 2 millions de dollars (1,5 million d'euros), sans soumettre l'accord à l'autorité américaine chargée d'examiner l'implication des prises de participation étrangères sur la sécurité nationale.
S'étant saisi lui-même du dossier, le Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS) a rendu un avis défavorable, s'inquiétant des liens de Huawei avec le gouvernement chinois et lui suggérant de faire marche arrière de sa propre initiative. L'entreprise a d'abord persisté, avant de se rétracter, vendredi 18 février, pour éviter la désapprobation du président américain.
Un temps perçu comme un simple copieur, Huawei s'est imposé comme un concurrent sérieux de Cisco Systems, après avoir devancé Alcatel-Lucent et Nokia-Siemens. Présente dans le monde entier, l'entreprise a fait la démonstration de ses capacités d'innovation propres depuis ses bureaux de recherche de Shenzhen. Elle commercialise dans les pays occidentaux des téléphones portables équipés d'Android, le logiciel pour mobile de Google.
Les soupçons de proximité avec le gouvernement de Pékin lui ont déjà valu un échec aux Etats-Unis en 2008, quand Huawei tentait, aux côtés du fonds d'investissement Bain Capital, d'investir 2,2 milliards de dollars dans 3Com, un fournisseur de routeurs pour l'accès à Internet.
Cette fois encore, l'histoire de son fondateur, Ren Zhengfei, ex-officier de l'Armée populaire de libération, membre du Parti communiste chinois et de son Congrès national, s'est retournée contre ses projets en Amérique. Dans une lettre au secrétaire au commerce, Gary Locke, les sénateurs Jim Webb et Jon Kyl s'inquiétaient, le 11 février, des liens de M. Ren avec l'armée chinoise et des contrats passés par Huawei avec Saddam Hussein, les talibans et les Gardiens de la révolution en Iran.
Lignes de crédit généreuses
Pour preuve de son indépendance, Huawei répète que son capital est détenu à 100 % par ses salariés. L'entreprise n'étant pas cotée en Bourse, elle n'est pas soumise aux mêmes exigences de transparence financière que ses concurrents.
Huawei, comme son concurrent chinois ZTE, est aussi dans le collimateur de la Commission européenne, qui dispose de preuves des généreuses lignes de crédit que leur accordent les banques publiques chinoises, selon un rapport dévoilé à la presse début février. Huawei aurait ainsi bénéficié de 30 milliards de dollars de la Banque chinoise de développement. Le groupe s'est défendu en répondant que ce soutien était destiné à ses clients et non à lui-même.
" Huawei est en avance sur le peloton, et son lien avec la Chine le tire presque plus vers le bas, en termes de perception, qu'il ne l'aide par les financements à l'exportation et autres soutiens ", analyse Duncan Clark, président de BDA, un cabinet de consultants spécialiste des nouvelles technologies installé à Pékin.
Le champion chinois des nouvelles technologies aura bientôt l'occasion d'évaluer à nouveau cet équilibre. Huawei a proposé d'offrir un réseau de téléphonie mobile d'une valeur de 50 millions de livres sterling (59 millions d'euros) pour les souterrains du métro londonien afin que ses passagers puissent téléphoner depuis les rames, dans un délai record avant les Jeux olympiques de 2012, révèle le journal Sunday Times. Un accord pourrait être signé début avril, mais l'offre est déjà confrontée à l'opposition de parlementaires conservateurs, arguant d'un risque potentiel pour la sécurité nationale.
Harold Thibault
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