Selon le patron de la société en mains de Richemont, la Chine n'est qu'à l'aube de son essor sur ce segment
«Nos affaires s'avèrent très bonnes. La Chine est en train de devenir le premier marché mondial du luxe. Et vous n'avez encore rien vu. On n'est qu'au début d'une croissance forte et durable.» Optimisme exacerbé ou analyse rationnelle? Raphaël Le Masne de Chermont est en tout cas très bien placé pour observer l'incroyable engouement des Chinois pour les articles de luxe. A la tête de la marque haut de gamme chinoise Shanghai Tang basée à Hongkong, il constate au quotidien cette frénésie. Elle se matérialise d'ailleurs avec la même ampleur dans les comptes de cette société appartenant au groupe genevois de luxe Richemont. Pour preuve, en 2010, la progression de ses ventes dans l'Empire du Milieu s'est élevée à trois chiffres, soit au moins 100%. La société ne dévoile pas d'autres chiffres.
Cette marque, créée en 1994 et rachetée par Richemont à un fonds d'investissement asiatique, ne cesse de croître, assure son président exécutif. «A ses débuts, la société ne possédait qu'une seule boutique. Aujourd'hui, nous disposons d'un réseau de 45 points de vente dans les grandes capitales du monde, dont 17 en Chine populaire et neuf à Hongkong», a confié au Temps Raphaël Le Masne de Chermont. Si, ancrage historique oblige, les deux tiers se situent en Asie, l'Occident a également été développé. Ainsi, des enseignes ont notamment fleuri à Londres, Francfort, New York, Miami, Hawaï, Las Vegas et Dubaï. «Cette année nous avons ouvert Moscou et Koweït City.»
La Chine reste toutefois la première priorité. «Nos investissements vont se concentrer essentiellement dans ce pays durant les trois prochaines années. C'est là que la croissance se situe et nous nous devons de la capter.» En Suisse, il n'existe pour l'heure aucun projet de point de vente mais la marque a mis en place un concept de boutiques itinérantes, qui exposent chaque année les nouvelles collections à ses clients à Genève et Zurich.
L'offre de la marque, considérée comme une institution en Asie, se décline dans des collections de prêt-à-porter pour femmes, hommes et enfants, ainsi que dans les accessoires et les articles pour la maison. «Employant des tissus nobles comme la soie, le cachemire de Mongolie, conçus et confectionnés en Chine auprès d'artisans selon des traditions ancestrales, tout en étant au goût du jour, nous incarnons une vision moderne d'une Chine qui s'ouvre au monde. Le «made in China» peut être très haut de gamme dans certains domaines car la Chine possède des savoir-faire ancestraux dans les laques, l'émaillage, la verrerie, la soie, estime le patron, précisant toutefois que sa marque évolue dans un segment de prix du luxe accessible.
Alors que Richemont est davantage connu pour ses montres, bijoux ou instruments d'écriture, même s'il possède Chloé et Azzedine Alaïa, Shanghai Tang représente la seule marque de luxe, basée et travaillant depuis l'Asie. Enfin, jusqu'à peu puisque de nouveaux acteurs émergent, portés par la vitalité du marché chinois, comme Chow Tai Fook dans l'horlogerie-joaillerie ou Shang Xia, dont le groupe français Hermès est actionnaire. Rémy Oudghiri, directeur de la prospective chez Ipsos, estimait récemment que les Chinois assimilent encore le luxe aux produits occidentaux, pour 75%, et à des marques pour 90%.
A l'échelle de Richemont, le pôle «autres activités», où on retrouve notamment Shanghai Tang et Chloé, a dégagé au troisième trimestre de son exercice décalé 2010-2011 un chiffre d'affaires de 260 millions d'euros, en hausse de 63% à taux de change constant.
L'an passé, les ventes de produits de luxe en Chine ont bondi de 30%, à 12,1 milliards de dollars, selon le cabinet Bain & Co. Pour l'industrie dans laquelle il évolue, Raphaël Le Masne de Chermont refuse le terme de surchauffe, au contraire même, évoquant plutôt une sorte d'aube. Par contre sur le marché immobilier chinois, ce n'est qu'une question de temps avant que la bulle n'explose, selon lui.
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