mardi 1 mars 2011

ANALYSE - La Chine est encore loin de la place Tahrir - Arnaud de la Grange


Le Figaro, no. 20707 - Le Figaro, mardi, 1 mars 2011, p. 17

La place Tiananmen n'est pas la place Tahrir. Celle de 2011 du moins. Et le parallèle hardi du colonel Kadhafi entre la rébellion libyenne et la révolte démocratique chinoise n'a pas fait vibrer la fibre historique des dirigeants de Pékin. Depuis le début des convulsions arabes, on dénote une nervosité certaine du côté du Parti. La censure sur les mots-clés de ces folles révolutions joue à plein. Des appels à des « rassemblements jasmin » circulent sur le Web. On a même vu l'ambassadeur des États-Unis en Chine se trouver par pure coïncidence dans la rue de Pékin où l'on avait appelé à un timide raout démocratique. Des internautes et militants des droits de l'homme sont arrêtés pour « subversion », après avoir simplement relayé ces courriels. La presse étrangère est rappelée à l'ordre. Sans évoquer directement les soubresauts de Tunis, du Caire ou de Tripoli, le président Hu Jintao a appelé à un renforcement à la fois de la censure et de la « gestion des problèmes sociaux ».

Flotte-t-il réellement, en Chine, une odeur de jasmin? Le populaire commentateur et blogueur Sima Nan a noté que la « Chine n'a pas moins de problèmes sociaux délicats que l'Égypte ». En recensant le coût de la vie qui monte, les prix de l'immobilier, les coûts élevés des soins médicaux et de l'éducation et, bien sûr, la corruption. Selon lui, voir un jour les masses chinoises copier les tactiques des protestataires égyptiens n'est pas si absurde que cela. Certes, mais la posture économique de la Chine n'est pas celle de l'Égypte. Et, comme l'affirmait récemment à l'AFP Perry Link, de l'université de Californie, « si vous additionnez les franges de la population qui sont victimes d'intimidation, ont été achetées, endoctrinées, qui se révolteraient bien mais ne sont pas organisées... il ne reste pas de quoi faire de la Chine un prochain domino ».

Si les foules chinoises sont promptes à s'enflammer, contre un abus policier, un cadre corrompu ou une expropriation de trop, si elles appellent à leur manière à plus de liberté d'expression, plus de justice, elles n'expriment pas l'envie de voir le pouvoir basculer. Ici, qui plus est, on est sans doute plus attaché à l'ordre confucéen des choses que dans le monde arabe. Tant que la grande majorité des citoyens chinois, même sur un mode très inégal, verra son niveau de vie s'améliorer chaque année, les probabilités de voir la rue chinoise s'embraser sont réduites.Pour autant, plusieurs facteurs inquiètent Pékin. L'analyse de la structure de la contestation arabe d'abord. En Tunisie par exemple, comme l'explique bien l'islamologue Gilles Kepel, la contestation a d'abord mobilisé les jeunes urbains pauvres des régions délaissées, puis des étudiants déclassés, des diplômés chômeurs avant de toucher les classes moyennes lassées de la prédation et de l'arbitraire du régime. En Chine, ces différents groupes existent et ils ont tous leurs frustrations. Et rien n'inquiète plus Pékin que ces ressentiments puissent un jour se rejoindre. Toute la stratégie sécuritaire repose sur le barrage à toute propagation horizontale de ces mouvements de contestation, ce qui explique notamment la censure sur les réseaux sociaux type Facebook et Twitter.L'autre problème vu de Pékin, c'est ce vent de révolte soufflant cette fois-ci du Sud. « Les revendications de sociétés de pays arabes battent en brèche l'argumentation anti-occidentale, estime Jean-Pierre Cabestan, de la Hong Kong Baptist University, et derrière, cela affaiblit le modèle chinois d'arbitraire, justifié par l'efficacité économique, que Pékin voudrait répandre dans les pays en voie de développement. » La thèse pékinoise voulant que certaines « valeurs universelles » ne soient en fait défendues que par les États-Unis et les Occidentaux est battue en brèche par les émeutiers d'Afrique du Nord. Ce n'est, finalement, pas rien.

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1 commentaires:

尼扎尔 Nízhāěr a dit…

Arnaud de la Grange a oublie aljzeera (la chaine de tele )qui possède une grande infuance sur les pays arabes ;influance inexistante en chine vue le probleme de langue.