Les Pères fondateurs de la République américaine jugeaient que la " quête du bonheur " faisait partie des " droits inaliénables " de tout homme, au même titre que " la vie et la liberté ". Ils consignèrent ce droit au bonheur dans la Déclaration d'indépendance du 4 juillet 1776.
On ne sait pas si le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a beaucoup lu Thomas Jefferson, John Adams, Benjamin Franklin et quelques autres des grands esprits qui donnèrent sa Constitution à l'Amérique. Mais M. Wen vient, lui aussi, à sa façon, d'évoquer le droit au " bonheur " des Chinois. Il faut l'en féliciter, assurément, et l'encourager à avoir la conception la plus étendue du " bonheur " de ses compatriotes...
M. Wen s'adressait, samedi 5 mars, lors de la session annuelle de l'Assemblée nationale du peuple, exercice assez rituel dans la vie politique chinoise. Le premier ministre tirait le bilan économique des cinq dernières années et présentait un rapport sur le programme des cinq prochaines.
Il a confirmé le virage que les dirigeants de Pékin entendent faire prendre à l'économie chinoise : passer à un modèle de croissance autant nourri par la demande intérieure que par les exportations et davantage respectueux de l'environnement. D'ici à 2016, la croissance devrait être de l'ordre de 7 % - pour une moyenne de 11,2 % ces dix dernières années. Le gouvernement promet de faire la guerre à l'inflation - de 4,9 %, selon les chiffres officiels, mais vraisemblablement très supérieure. Il se donne pour priorité de lutter contre la montée vertigineuse des inégalités dans la société chinoise. Cela passe, dit-il, par la revalorisation des salaires et la lutte contre la corruption.
Et c'est là, dans le nouveau discours officiel chinois, que sont apparues, au-delà du mot d'ordre sur " l'harmonie ", les notions de bonheur et de bien-être du peuple, posées comme un " enjeu politique majeur ", selon une partie de la presse locale.
L'ensemble de la planète a tout à gagner à un rééquilibrage de l'économie chinoise. L'ampleur des excédents commerciaux de la Chine - et celle de l'épargne ainsi accumulée par elle - constitue l'un des déséquilibres majeurs, et les plus déstabilisants, de l'économie mondiale.
Mais on ne s'interdira pas de penser que le souci ainsi affiché du bien-être des Chinois et de la réduction des inégalités tient aussi au climat politique de l'heure.
La Chine est concernée par les événements du monde arabe. Elle ne peut être indifférente à la contestation des autocraties. Depuis la mi-février, des appels à manifester chaque dimanche sont relayés dans une dizaine de grandes villes par un réseau d'activistes usant de toutes les ressources de la communication électronique. A en juger par leurs réactions - militants arrêtés, journalistes étrangers intimidés -, les autorités prennent cette menace très au sérieux.
Sur fond de fortes tensions sociales, le régime est en quête d'un regain de légitimité. Cela passe par un début d'ouverture politique. Encore un petit effort, camarade Wen !
© 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire