Le Monde - Economie, mardi, 15 mars 2011, p. 20
Réunie pour la clôture de sa session annuelle, l'Assemblée nationale populaire a adopté avec une écrasante majorité, lundi 14 mars, le plan qui doit guider le " rééquilibrage " de l'économie chinoise au cours des cinq prochaines années. Celui-ci annonce un objectif de croissance moyenne de 7 % sur les cinq années à venir, contre 10,6 %, au cours des cinq années écoulées.
Ce ralentissement volontaire atteste d'une " impulsion majeure dans le sens de la transformation du modèle de croissance économique du pays ", a déclaré, lundi matin, lors d'une longue conférence de presse, le premier ministre, Wen Jiabao. Il faut profiter de cette occasion cruciale pour " réajuster la structure économique et traiter des problèmes au long cours de l'économie chinoise que sont un déséquilibre, une mauvaise coordination et la non-durabilité, de façon à ce que le développement économique soit adapté à notre population, à notre environnement et à nos ressources ", a expliqué M. Wen.
Cette priorité donnée à la qualité de la croissance n'est pas nouvelle de la part de l'actuelle équipe dirigeante, qui a entrepris, lors de son arrivée au pouvoir, au début des années 2000, de prêter une oreille plus attentive aux disparités économiques et sociales générées par le modèle de développement chinois. Le plan quinquennal 2011-2015, qui donne de grandes orientations macroéconomiques, mais reste vague sur les moyens d'y parvenir, programme ainsi une progression du revenu par habitant, urbain et rural, égale à la croissance du produit intérieur brut (PIB), dans le but de stimuler la consommation intérieure. Les salaires minimums, qui varient selon les villes, ne devront pas, eux, croître à un rythme inférieur à 13 % par an.
Il s'agit aussi de renforcer le secteur tertiaire, la part des services dans l'économie devant croître de 4 %, et de rattraper le retard technologique. Les dépenses de recherche et développement devront représenter 2,2 % du PIB en 2015. Le taux d'urbanisation passera à 51,5 %, contre 47,5 % à l'heure actuelle, un changement accompagné de la promesse de créer 45 millions d'emplois urbains en cinq ans, dont 9 millions cette année. Quelque 36 millions de logements sociaux sont prévus, et la notion de bien-être du peuple a mérité désormais une section entière de la feuille de route de l'économie " socialiste de marché ".
Dans le volet développement durable, l'intensité énergétique - l'énergie consommée rapportée à la croissance - doit être réduite de 16 % en cinq ans, et l'intensité carbone de 17 %. La part de sources non fossiles dans le " mix énergétique " chinois augmentera à 11,4 %, contre 9,6 %, ces dernières années. Résultat, la capacité de production d'électricité nucléaire et hydroélectrique est appelée à croître fortement, poussant des écologistes à s'alarmer d'une multiplication des barrages dans l'ouest du pays.
Déjà examiné en octobre 2010 par la direction du Parti communiste chinois, le 12e plan quinquennal a donné lieu à relativement peu de débats dans un système parlementaire verrouillé. Parviendra-t-il à remanier la logique de " prime à la croissance " qui a dominé jusqu'alors, notamment parce que les gouvernements locaux rechignent à mettre en oeuvre des mesures qui ralentissent leur développement ?
" L'aspect le plus important du plan est la notion de rééquilibrage du modèle chinois, mais elle reste à l'état de souhait, les mesures concrètes laissent à désirer. La croissance peut être jugulée un temps, mais la surchauffe va revenir ", estime l'économiste indépendant Andy Xie, basé à Shanghaï. Selon lui, le plan fait l'impasse sur les déficiences des mécanismes de financement public - par le biais des revenus fiscaux, des entreprises d'Etat et de la vente des terres par les collectivités locales. Tout cela est, à ses yeux, devenu indissociable d'une réforme du régime politique, sans quoi " la Chine se dirige vers une crise, ce n'est qu'une question de temps ".
Problèmes de discipline
Pourtant, les planificateurs ont promis de tirer les leçons des erreurs passées dans l'application du plan. Plus question, ainsi, pour les cadres locaux de couper le courant dans les usines de papeterie ou de métallurgie de leurs provinces pour respecter des quotas définis par Pékin, comme ce fut le cas à l'automne dernier, alors qu'il fallait s'approcher des 20 % de réduction de l'intensité énergétique promis dans le 11e plan, quitte à mettre les ouvriers au chômage technique.
Ces excès sont le revers du dirigisme centralisé qui continue de guider l'économie chinoise. La définition des plans quinquennaux et leur application se sont complexifiées au rythme du développement du pays et de la multiplication des acteurs. Zhang Ping, président de l'agence de planification chinoise, a expliqué, le 6 mars, que le 12e plan a fait l'objet de " consultations larges dans tous les secteurs de la société ".
Lundi, M. Wen a insisté sur les difficultés de la mise en application du plan et sur les problèmes de gouvernance et de discipline auxquels sont confrontés le vaste secteur public chinois et le gouvernement. Il a réitéré la nécessité pour la Chine d'une " réforme politique graduelle ", sans laquelle " la réforme économique ne peut être menée à bien ", une proposition qui semble loin de faire l'unanimité parmi les cadres dirigeants du parti.
Brice Pedroletti et Harold Thibault
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