vendredi 18 mars 2011

La Chine répond au boom du transport aérien - Harold Thibault

Le Monde - Economie, vendredi, 18 mars 2011, p. 17

Reflet de la nouvelle place qu'occupe l'Asie dans le trafic aérien, l'aéroport de Pékin est devenu le deuxième mondial, devançant ceux d'O'Hare à Chicago (Illinois) et d'Heathrow à Londres. Quelque 73,9 millions de passagers y ont convergé au cours de l'année 2010, selon des chiffres publiés, mardi 15 mars, par le Conseil international des aéroports (ACI). C'est une augmentation de 13 % en un an qui le place désormais derrière l'aéroport d'Atlanta, plateforme de la compagnie américaine Delta.

L'aéroport de Pékin n'était qu'en quinzième position en 2005 et hors du classement il y a dix ans. Son troisième terminal, la plus grande structure aéroportuaire du monde, n'a ouvert qu'en 2008 à la veille des Jeux olympiques.

Mais déjà les autorités ont choisi l'emplacement d'un nouvel aéroport. Il sera situé au sud de Pékin et permettra à la capitale chinoise d'accueillir jusqu'à 120 millions de passagers chaque année, contre 80 millions aujourd'hui.

L'aviation commerciale de la deuxième économie mondiale est portée par la hausse du nombre de touristes et d'hommes d'affaires chinois, ainsi que par l'afflux d'étrangers dans le pays, où 267 millions de voyages ont été effectués en 2010, soit 15,8 % de plus qu'en 2009, et où probablement 300 millions le seront en 2011.

" Tandis que l'Amérique du Nord et l'Europe ont lutté pour atteindre des volumes d'avant la crise, l'Asie-Pacifique, l'Amérique latine, les Caraïbes et le Moyen-Orient ont continué dans un élan soutenu ", a constaté Angela Gittens, directrice générale d'ACI. Le nombre de passagers de vols internationaux à destination de l'Asie a augmenté de 14,2 % en 2010.

Dans une récente note, les analystes de Goldman Sachs estiment que la Chine sera devenue le premier marché aérien à l'horizon 2020, devant les Etats-Unis, qu'elle dépassera le milliard de voyages annuels en 2022 et que l'aéroport de Pékin pourrait devenir le premier au monde dès 2013.

En soutien à cette expansion, les aéroports poussent comme des champignons. Le gouvernement chinois injectera l'équivalent de 164 milliards d'euros dans le développement du secteur aérien, en en construisant 45 nouveaux en cinq ans, puis encore 45 autres cinq ans plus tard. Alors que les grandes agglomérations sont toutes dotées d'infrastructures modernes, le marché étant jeune, l'enjeu se porte désormais sur les villes de moindre importance. L'ouverture de cinq nouveaux aéroports est ainsi prévue au Xinjiang, région reculée de l'Ouest, qu'il s'agit de désenclaver pour accélérer son développement économique, en s'appuyant sur une enveloppe de 30 milliards de yuans (3,3 milliards d'euros).

Peu importe alors que 130 des 175 aéroports chinois soient déficitaires, comme l'a reconnu au mois de février Li Jiaxing, à la tête de l'Administration de l'aviation civile, cumulant des pertes équivalentes à 184 millions d'euros, au cours de la seule année 2010. Les communautés locales, a argué M. Li, constatent systématiquement des retombées économiques et sociales bénéfiques et ces projets ne devraient pas être motivés par le profit. Les mesures de relance anti-crise sont passées par là, le nouveau plan quinquennal pousse dans le même sens, quitte à s'endetter ou à faire payer l'Etat.

" La plupart des aéroports vivent sur les financements publics, explique Dandan Yu, analyste de la banque HSBC. Pour les compagnies aériennes, principalement publiques elles aussi, les profits n'ont en revanche jamais été aussi bons de l'histoire de l'aviation civile chinoise. "

Si elles ont bénéficié pendant la crise du parapluie de l'Etat, qui a épongé les pertes, et profitent également de l'extrême difficulté pour la concurrence privée d'entrer sur le marché, les compagnies chinoises payent toutefois ces privilèges, notamment par l'obligation d'acheter le kérosène au prix fixé par le régulateur. Or il était environ 5 % supérieur aux prix mondiaux en février, et l'est encore plus d'habitude, explique un spécialiste du secteur.

Les voyageurs sont les premiers mis à contribution : les trois grandes compagnies que sont Air China, China Eastern et China Southern ont un même actionnaire majoritaire, l'Etat central, et ne sont pas tentées de lancer une guerre des prix.

L'avionneur américain Boeing estime que le trafic aérien devrait croître de 6,8 % en moyenne dans les prochaines années en Asie et de 7,6 % en Chine. " C'est une douce musique à l'oreille des avionneurs ", déclarait au début du mois de mars Randy Tinseth, le vice-président du groupe, pour qui la flotte mondiale devrait ainsi avoir presque doublé en 2030.

Afin de profiter de cette manne, la Chine produira son propre avion, le C919, un concurrent de l'A320 et du Boeing 737, qui devrait entrer en service en 2016. Elle incite également les deux concurrents occidentaux à localiser une partie de la production dans le pays.

Au même moment, ce sont les compagnies chinoises qui peinent à trouver du personnel qualifié, dont des pilotes. Elles se tournent pour cela vers l'étranger, tout en maintenant des niveaux de sécurité respectables.

A ce rythme de croissance, la Chine devra rapidement régler un problème crucial, dont la seule évocation rend furieux ses voyageurs fréquents, le contrôle du trafic aérien. Les infrastructures de contrôle sont inadaptées à de tels flux, les plages horaires sont saturées dans les grands aéroports, et la gestion du ciel relève, in fine, de la compétence de l'armée.

Du coup, si 83,1 % des vols étaient à l'heure en 2007, ce chiffre était tombé à 76,9 % au début de l'année 2010.

Harold Thibault

© 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés.

1 commentaires:

Sophie a dit…

Bonjour,

Votre article sur « La Chine répond au boom du transport aérien », décrit parfaitement la situation. Je ne sais pas si la France est consciente des enjeux à venir. 2016, c'est dans 5 ans (dans le domaine de l’aéronautique ça veut dire demain). Le duel ne sera plus Airbus-Boeing. Un troisième s’est invité à la Table. Il s’appelle Zhunai (Chine). Il a un énorme appétit. S’il est un domaine où l’on peut faire confiance à la Chine, c’est bien sûr celui de savoir mobiliser les ressources et investir massivement à grande échelle, c’est : « Avoir une véritable stratégie de puissance !!». Demain, il sera peut-être trop tard pour Airbus de réagir. Le Loup est dans la bergerie.