Pékin dépêche une équipe de secours sur le lieu de la catastrophe
Malgré les frictions, Pékin tend la main à Tokyo
Habituée à une relation compliquée pour ne pas dire conflictuelle avec le Japon, la Chine se montre solidaire de son voisin et concurrent frappé par un double drame, naturel et nucléaire. Dès dimanche, Pékin a envoyé dans la zone sinistrée une équipe de 15?sauveteurs et des biens humanitaires d'un montant de 4,5 millions de francs suisses. Lundi, lors de sa conférence de presse annuelle marquant la fin de la réunion du parlement, le premier ministre Wen Jiabao a transmis ses condoléances aux familles des victimes et sa sympathie au peuple nippon.
L'exercice n'allait pas de soi dans un pays marqué par l'occupation japonaise du siècle dernier dont le rappel des horreurs est l'un des principaux ressorts du nationalisme minutieusement entretenu par le Parti communiste. Les tensions ont été ravivées ces derniers mois par une dispute concernant la délimitation des eaux territoriales avec une confrontation navale entre un chalutier chinois et des garde-côtes japonais. Le déclassement récent du Japon par la Chine au rang de deuxième puissance économique mondiale a par ailleurs été vécu comme un traumatisme dans l'Archipel et une revanche sur l'histoire par de nombreux Chinois.
Mais les catastrophes naturelles sont des épreuves de nature à rapprocher les deux nations qui mettent alors en avant leurs liens humains et culturels asiatiques. En 2008, lors du tremblement de terre du Sichuan, Tokyo avait immédiatement dépêché à Wenchuan des équipes de sauveteurs. Un geste très apprécié. A la veille des Jeux olympiques, Pékin avait toléré - une première depuis 1945 - une présence militaire nippone sur son sol.
Aujourd'hui, la Chine se devait de rendre la pareille. Question de calcul politique, mais aussi de répondre à une véritable émotion populaire. Si quelques-uns, notamment dans la blogosphère, se sont réjouis du malheur des «nains japonais» comme les appellent parfois avec mépris les Chinois, le ton est généralement à la générosité. Et à une certaine admiration face à la maturité d'un peuple qui semble garder son sang-froid face aux pires situations.
L'histoire d'un milliardaire du Jiangsu qui, dès vendredi, est parti porter secours aux victimes du séisme avec quatre mini-bus recouverts d'un drapeau chinois et bourrés d'eau, de nourriture et de couvertures assorti d'un don de 155?000?francs n'est pas passée inaperçue. L'empathie avec le peuple japonais, fait rare, est relayée jusque dans les éditoriaux du Quotidien du peuple, la voix du PC.
La solidarité le dispute toutefois à l'inquiétude. La catastrophe de Fukushima pose en Chine comme ailleurs la question de la sécurité nucléaire. Sauf qu'ici elle prend une proportion particulière. Le pays compte actuellement 13 réacteurs nucléaires. Mais 34 autres projets ont reçu un feu vert et 26 sont en cours de construction. Avec 40% des centrales en chantier dans le monde, la Chine est le principal moteur du second souffle de l'énergie nucléaire.
Or beaucoup de questions émergent aujourd'hui: le pays est certes plus vaste que le Japon, mais il n'en est pas moins frappé par de violents et réguliers séismes. La sécurité des constructions semble maximale car la Chine bénéficie des dernières normes fournies par les grands constructeurs internationaux, France en tête. Mais la corruption endémique ne risque-t-elle pas de fragiliser les procédures de surveillance? Un récent scandale dans la construction des trains à grande vitesse peut le faire craindre. Après avoir affirmé que l'accident nucléaire nippon ne changeait rien à son programme, le gouvernement chinois a annoncé mercredi que 28 projets de centrale sont suspendus pour une révision des normes de sécurité.
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