mercredi 30 mars 2011

Le cuivre et ses fieffés joueurs chinois - Alain Faujas

Le Monde - Economie, lundi, 28 mars 2011, p. 14

En se hissant à Londres au niveau record de 10 160 dollars la tonne à trois mois, le 14 février, le cuivre avait suscité un enthousiasme démesuré. Certains le voyaient à 13 000 dollars à la fin de l'année. Le champion a calé. Vendredi 25 mars, il s'échangeait à Londres à 9 715 dollars, bien que les statistiques du Groupe international d'étude du cuivre (ICSG), publiées deux jours plus tôt, aient révélé un déficit de 300 000 tonnes en 2010, la consommation ayant progressé de 7 % en un an et la production de 4,2 % seulement.

Pourquoi les investisseurs n'ont-ils pas sauté sur l'opportunité d'une telle fragilité annonciatrice de ruée sur le métal rouge ? « Les statistiques en provenance des Etats-Unis, deuxième consommateur mondial, sont médiocres », souligne Li Rong, analyste en chef chez Great Wall Futures, interrogé par Bloomberg à Shanghaï. Les ventes de logements neufs y sont au fond du trou et, avec elles, les fils électriques et les tuyaux de cuivre que l'immobilier requiert.

Ajoutez que se profilent un peu partout dans le monde des hausses de taux d'intérêt pour éviter la reprise de l'inflation. Et qui dit hausse de taux dit prêts immobiliers plus chers, donc ventes d'appartements plus difficiles et donc moins de cuivre à placer, etc.

Une fois de plus, c'est la Chine qui est à l'origine de ces mystérieux zigzags. Premier consommateur mondial, qui dévore 40 % de la production de 19 millions de tonnes, elle est aussi la patrie de fieffés joueurs. Selon le Financial Times du 23 mars, nombre de sociétés n'ayant souvent aucun rapport avec le cuivre ont utilisé des lettres de crédit à court terme pour importer du métal qu'elles revendaient aussitôt pour dégager du cash destiné à d'autres investissements et pour contourner le resserrement du crédit mis en oeuvre par Pékin. Cette manipulation à grande échelle a eu pour effet de faire bondir les stocks chinois de cuivre de 300 000 tonnes en décembre 2010 à 600 000 tonnes aujourd'hui.

Sceptiques spéculateurs

Un certain nombre d'opérateurs s'étant brûlé les doigts à ce petit jeu, il semble que les bateaux aient cessé d'alimenter l'empire du Milieu au profit de ses voisins et que pas mal de cuivre ait été réexporté dare-dare, vers la Corée du Sud par exemple.

N'empêche, le doute demeure sur la fiabilité du cuivre. Les spéculateurs sceptiques (« bears » ou ours somnolents) jugent que la purge ne fait que commencer et que les prix sont encore beaucoup trop élevés, alors que se profile à l'horizon un nouveau tour de vis sur les prêts en Chine.

Les spéculateurs optimistes (« bulls » ou taureaux furieux) tablent, eux, sur une baisse de la production mondiale face à une demande « solide », selon l'ICSG, et sur l'irrépressible fièvre immobilière de la Chine. Faites vos jeux !

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