La Chine fournit la deuxième communauté étudiante étrangère du pays.
«J'avais regardé sur Internet : Paris-VI a une bonne réputation, notamment dans mon domaine, la géophysique. En plus, les études sont gratuites. Et puis, j'adore la France, le pays du romantisme» : trois bonnes raisons qui ont poussé Chen, 23 ans, à demander en 2009 une bourse Erasmus Mundus pour venir un an à l'université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC, Paris-VI). Arrivé en septembre 2010, cet étudiant de l'université de technologie de Tianjin-V de Pékin suit un master 2 de géophysique appliquée.
A Paris, Chen est ravi de cette expérience qui, dit-il, «marquera sa vie». L'UPMC l'a aidé à trouver une chambre universitaire qu'il loue 300 euros par mois avec l'aide au logement. Sa bourse mensuelle de 1 000 euros lui suffit pour vivre. Les cours l'intéressent. Il envisage même de poursuivre en doctorat. Mais il a juste un petit problème : anglophone, il parle très peu le français. Or la moitié de ses cours est en anglais et l'autre en français. «J'ai eu la réponse pour ma bourse en juillet 2010, explique-t-il, cela ne me laissait que deux mois pour apprendre la langue. Heureusement, les profs sont sympas et je leur pose des questions par mail. En plus, nous sommes trois Chinois dans mon master et nous nous entraidons.»
Chen fait partie des 574 Chinois inscrits cette année à l'UPMC, un chiffre qui a presque triplé depuis 2004 (ils étaient 203). Pour venir, lui n'a pas eu, comme beaucoup de ses compatriotes, à passer par des agences chinoises, chères et pas toujours honnêtes, qui vendent des «packages» - billet d'avion, visa, préparation aux tests de français et pré-inscription dans une fac. Aidé par ses professeurs, Chen n'a eu qu'à remplir un dossier.
Les étudiants chinois sont devenus un must dans le supérieur. Estimé à 29 000, leur nombre a doublé en dix ans en France, qui ne représente toutefois que le neuvième pays d'accueil. Ils forment la deuxième communauté étudiante étrangère, après les Marocains (31 500) mais devant les Algériens (21 800). Chaque école, université, développe sa stratégie pour les attirer.
Mais ce boum s'est fait un peu trop vite. Certains étudiants chinois, rêvant d'aller passer un an en France et d'en revenir avec un diplôme qui ferait monter leur cote sur le marché du travail, ont utilisé tous les moyens disponibles pour arriver à leurs fins. De leur côté, les établissements français n'ont pas toujours été très regardants. Et au nom de l'amitié franco-chinoise, la délivrance de visas étudiants à Pékin a été plutôt lâche. Résultat : on a vu débarquer des jeunes ne parlant pas un traître mot de français, inscrits en troisième année de licence sans pouvoir fournir aucun diplôme, dans des disciplines dont ils semblaient tout ignorer.
Fraudes. Le scandale le plus retentissant a éclaboussé l'université de Toulon. En février 2009, on découvre que depuis des années, des étudiants chinois achetaient leurs diplômes. Une filière qui aurait des relais au sein même de l'établissement. Depuis, le président de l'université a été mis en examen pour «corruption passive». En décembre 2009, Grenoble-II a porté plainte pour «escroquerie» : des étudiants chinois se sont présentés pour une formation qui n'existe plus, après avoir payé 5 000 euros à un intermédiaire. En juillet 2010, c'est au tour de Paris-XIII de porter plainte pour fraudes à l'inscription. Une cinquantaine d'étudiants chinois sont alors radiés.
A la suite de ces scandales, les inspections générales de l'Enseignement supérieur et des Affaires étrangères ont été chargées d'une enquête. Bien que terminée, elle n'est toujours pas publiée. Le chef de la diplomatie doit en prendre connaissance, explique-t-on sur la Montagne-Sainte-Geneviève (Michèle Alliot-Marie n'en ayant pas eu le temps et Alain Juppé ayant d'autres soucis en tête).
Cadre. En juillet, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, avait déjà fait ses recommandations. Pour éviter les dérapages, avait-elle déclaré, il faut favoriser les «mobilités encadrées» - dans le cadre de partenariats - au détriment des candidatures individuelles (80% des cas), et privilégier les inscriptions en master et en doctorat, qui représentent un tiers du total actuellement. Parties plus tôt, avec plus de moyens, les écoles ont davantage balisé le terrain. Beaucoup ont des représentants sur place pour mieux sélectionner au départ. La longue marche des Chinois ne fait que commencer : en visite à Paris en novembre, le président Hu Jintao a souhaité que la France accueille 50 000 étudiants dans cinq ans.
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