Entre 20 000 et 30 000 Chinois auraient séjourné dans les cinq préfectures japonaises touchées par le tsunami. Leur évacuation a eu lieu à partir du 15 mars : des vols supplémentaires ont été affrétés par les compagnies chinoises et des navires sont partis de la province du Shandong vers la côte orientale de l'archipel nippon. Une seule victime chinoise a, pour l'instant, été comptabilisée.
Décrits dans les médias chinois et japonais comme des " étudiants stagiaires ", ces Chinois sont en réalité, pour la plupart, des ouvriers. Dans les petites villes touchées par le tsunami, ils travaillaient en général dans le secteur de la transformation des produits de la pêche, dans le cadre de contrats de deux ou trois ans négociés par des agences de recrutement chinoises.
L'envoi de " stagiaires " au Japon est devenu le " principal canal d'exportation de main-d'oeuvre " de la province du Shaanxi, notait, vendredi 18 mars, China News Service, la deuxième agence de presse chinoise, qui rapportait que 2 090 de ces expatriés avaient pu être contactés au tout début de la catastrophe. Trois ouvrières qui manquaient à l'appel ont été localisées le 16 mars.
Quarante de ces " stagiaires ", des femmes âgées de 20 à 30 ans dépêchées par le Centre d'échange international de Rizhao, ont d'abord été porté disparues dans la préfecture d'Iwate, selon le site du Quotidien du peuple. Treize d'entre elles ont assez vite été retrouvées. Elles travaillaient dans trois exploitations piscicoles. Une employée du centre a confirmé, vendredi, que toutes les stagiaires étaient saines et sauves mais a refusé de donner des informations sur leur contrat.
Le programme nippon d'embauche de " stagiaires étrangers " n'a pas vraiment bonne presse. Au Japon, le Réseau des avocats pour les stagiaires étrangers, une organisation non gouvernementale, dénonce l'exploitation de cette main-d'oeuvre étrangère sous couvert de coopération technique : " Le but est soi-disant d'apporter une contribution internationale, au moyen d'un transfert de technologie directement auprès d'une personne venant d'un pays en développement ", avait déjà déclaré en 2010, la secrétaire générale de cette association, Rira Abiko. " Mais en réalité, on fait venir des ouvriers sans qualification et à bas salaire pour les exploiter ", avait-elle dit.
Trafic d'êtres humains
Mme Abiko assimile ce programme à un trafic d'êtres humains. Environ 80 % des " stagiaires étrangers " recrutés en 2009, souvent dans des PME de l'agroalimentaire ou de la métallurgie, étaient chinois. Selon l'association, 35 stagiaires étrangers, chinois pour la plupart, seraient morts d'épuisement au travail en 2009, et 27 en 2010, mais un seul cas a pour l'instant été reconnu par les tribunaux nippons, en 2010.
En Chine, l'envoi de travailleurs à l'étranger est un véritable business. Interrogée, une employée du Qingdao Syndicate International Economic & Technical Cooperation, dans le Shandong, affirme que son organisation ne recrute pour le Japon que des personnes disposant d'un permis de résidence rural, car elles sont considérées comme plus endurantes. " On a besoin d'hommes de moins de 30 ans pour le secteur de la pêche ", explique-t-elle.
La commission à payer à l'agence - les cautions ont été supprimées - est de 3 500 euros, le salaire étant de 550 euros par mois la première année, puis 700 l'année suivante. Dans le Henan, la Puyang International Economic & Technical Cooperation propose tous les types d'emplois pour le Japon : " Il n'y a pas besoin de maîtriser une technique, sauf pour un soudeur ou une couturière. Il suffit d'être allé au collège, de n'avoir ni maladies contagieuses ni tatouages. Les Japonais veulent des gens de moins de 30 ans. On ne sait pas pourquoi, mais on aimerait bien envoyer plus de monde ", explique une employée.
La dureté des conditions de travail au Japon est connue en Chine, mais elle est toute relative, eu égard à celles qui prévalent dans les usines chinoises. Depuis le tsunami, les Chinois se sont émus de l'abnégation d'un patron japonais : après le séisme, Mitsuru Sato, de Sato Fisheries, à Onagawa-cho, une ville de la préfecture de Miyagi, a emmené ses vingt " stagiaires " chinois en sécurité dans un temple. Il est ensuite retourné s'occuper de sa famille. Mais le tsunami a déferlé sur la ville. Les travailleurs chinois l'ont vu grimper sur un toit avant d'être emporté par les flots. Ni lui ni ses proches n'ont été retrouvés.
Brice Pedroletti
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