vendredi 4 mars 2011

A Pékin, une grand-messe politique sous haute tension - Gabriel Grésillon


Les Echos, no. 20883 - International, vendredi, 4 mars 2011, p. 7

La réunion annuelle de l'Assemblée nationale populaire, qui s'ouvre demain, doit être l'occasion de détailler le nouveau plan quinquennal. Mais elle intervient dans un contexte de nette crispation politique, à cause des événements du monde arabe.

Et maintenant, le bonheur. Après avoir fait de « l'harmonie » le mot-clef de sa politique, le pouvoir chinois s'apprête à changer de slogan. La grande réunion annuelle des « représentants du peuple » chinois, dont le moment fort sera demain le discours du Premier ministre, Wen Jiabao, devrait être l'occasion de donner les grandes lignes des politiques à venir. Mais deux éléments vont rendre ce millésime particulièrement intéressant. Le premier tient au fait que les détails du douzième plan quinquennal, couvrant la période allant de 2011 à 2015, vont être dévoilés. Le second est le contexte inédit de tension dans lequel se déroulent ces événements. Bousculé par les révolutions du monde arabe, Pékin déploie une énergie inédite pour empêcher toute contagion de ce vent de rébellion.

Effort massif de surveillance

Tout le monde est mobilisé. D'après nos informations, consigne a été donnée aux journalistes de la presse officielle chinoise d'inonder l'Internet étranger de messages anonymes visant à combattre l'image d'une Chine en proie au doute. A Pékin, plus de 500.000 volontaires de tous âges, souvent reconnaissables à leur brassard rouge, participent à un effort massif de surveillance. De mystérieux internautes basés à l'étranger tentent actuellement de systématiser, dans les grandes villes chinoises, des rassemblements hebdomadaires de protestataires. La police est donc postée à tous les carrefours. Plus d'une centaine de personnes considérées comme dangereuses - avocats, militants divers -ont été mises à l'écart, certains journalistes étrangers subissent des pressions ou des menaces de retrait de visa. On découvre à cette occasion la puissance des forces de l'ordre chinoises, dont le budget, en constante augmentation ces dernières années, rivalise aujourd'hui avec celui de l'armée.

Mais Pékin ne se contente pas du volet répressif pour garantir le bon déroulement des festivités politiques. Les autorités ont également entrepris une opération séduction auprès de la population. Le slogan de la société harmonieuse ayant tendance à être détourné - se faire « harmoniser » signifie être censuré sur le Web chinois -, l'objectif est aujourd'hui le bonheur. De façon très surprenante, le « China Daily » a d'ailleurs révélé, hier, que seuls 6 % des Chinois se déclarent heureux, leurs griefs étant le plus souvent liés au coût de la vie. Les territoires, où les dirigeants soignent leur carrière appliquent à la lettre la consigne. Celui de la province industrielle du Guangdong a promis de bâtir un « Guangdong heureux » pour les cinq années à venir, tandis que Bo Xilai, star montante du parti en charge de la région autonome de Chongqing, s'est engagé à faire de son territoire le plus heureux de Chine continentale en 2015, via notamment un doublement des revenus ruraux.

« Moins d'importance au PIB »

Derrière les grands mots, c'est bien, une fois de plus, la question du rééquilibrage de la croissance qui est posée. Pékin devrait multiplier, au cours des prochains jours, les annonces de réformes sociales et environnementales. Une refonte de l'impôt sur le revenu va être dévoilée, afin d'épargner les foyers les moins aisés. Des mesures en faveur des campagnes sont attendues. Hu Xingdou, économiste à l'Université de technologies de Pékin, attend même « un texte visant à accorder, dans l'évaluation des performances des fonctionnaires locaux, moins d'importance au PIB, et plus aux critères sociaux ».

Mais une question se pose : celle de la capacité du pouvoir à concrétiser ses promesses. On se souvient que le onzième plan quinquennal devait déjà être l'occasion de créer une société moins inégalitaire, via une croissance économique plus qualitative. L'objectif d'une hausse moyenne du PIB de 7,5 % par an ayant été pulvérisé - la réalité a excédé les 10 % -, que penser de celui, récemment annoncé par Wen Jiabao, de 7 % fixé pour les cinq prochaines années ?

Gabriel Grésillon

PHOTO - A military delegate from the Chinese People's Liberation Army (PLA) leaves the Great Hall of the People after a meeting during the annual session of China's parliament, the National People's Congress, in Beijing March 4, 2011. China said on Friday that its official military budget for 2011 will rise 12.7 percent over last year, returning to the double-digit rises that have stoked regional disquiet about Beijing's expanding strength.

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1 commentaires:

Anonyme a dit…

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