Le journaliste américain Bob Woodward montre comment l'ancien pacifiste est devenu, une fois à la Maison-Blanche, un chef militaire crédible.
Les Guerre d'Obama, de Bob Woodward, Denoël, 522 p., 23,50 €.
Barack Obama a-t-il l'étoffe d'un président en guerre ? Deux ans et demi après son entrée dans le Bureau ovale, et alors que les "obamo-sceptiques" donnent de la voix, c'est l'interrogation qui saisit des partenaires de l'Amérique. Une interrogation amplifiée depuis que Nicolas Sarkozy et David Cameron, le Premier ministre britannique, ont grillé la politesse à la Maison-Blanche sur le dossier libyen. En fait, rassurez-vous, et lisez les Guerres d'Obama... Si le nouveau livre de l'enquêteur Bob Woodward, l'homme qui a jadis révélé le Watergate avec son collègue Carl Bernstein, est d'importance, c'est qu'il souligne et démontre, avec éloquence, deux choses : 1) que, de tous ceux qui planent sur le mandat d'Obama, le péril qui concerne l'Afghanistan est l'un des plus pressants dans l'esprit du président ; 2) qu'Obama, depuis son élection, s'est mué méthodiquement en chef de guerre, sur ce théâtre d'opérations centre-asiatique comme sur d'autres.
Woodward ne parle pas à la légère. Fort d'un accès aux documents les mieux gardés et de ses conversations avec les 100 principaux acteurs de la politique étrangère des Etats-Unis, il a conçu son ouvrage comme un thriller : le thriller d'une conversion, par étapes, au réalisme guerrier d'un président démocrate qui "n'avait jamais servi dans l'armée [et] ne connaissait presque rien à la chose militaire". Tout commence le 6 novembre 2008, deux jours après son élection. A Chicago, Obama tient une réunion avec le directeur national du renseignement, Mike McConnell. La gravité de la situation constitue une révélation pour lui : "Il y avait 161 000 soldats américains en Irak et 38 000 en Afghanistan." La première menace ne provenait toutefois pas des zones de guerre, "mais du Pakistan, dont l'arsenal nucléaire était fort d'une centaine d'armes". Une autre découverte attendait Obama : celle de l'existence d'une armée clandestine, entretenue par la CIA au Pakistan. Et l'auteur de narrer, après cette prise de conscience inaugurale, le qui-vive du 44e président américain, ses efforts pour convaincre Hillary Clinton de venir travailler à ses côtés, son exaspération croissante, aussi, face au retard accumulé dans le nation building afghan, ou encore la guerre froide prolongée entre la Maison-Blanche et le Pentagone.
Juillet 2010 : Woodward s'immisce, pendant un quart d'heure, dans le Bureau ovale pour un entretien privé : deux mois après l'attentat raté de Times Square, c'est l'occasion de mesurer l'obsession présidentielle de la menace terroriste. Et de rapporter sa confidence : "J'ai dit très tôt, du temps où j'étais sénateur [...] que nous sommes capables d'encaisser le choc d'un attentat terroriste." Devant la stupeur de son interlocuteur, le président précise : "Nous ferons tout notre possible pour l'éviter, mais voyez ce qui s'est passé avec le 11 septembre [...]. Eh bien, nous avons encaissé le coup et nous sommes devenus plus forts. Nous vivons dans un pays fort, puissant, et notre peuple possède une capacité de résilience incroyable." Obama, lors du même entretien, livre sa vision du Pakistan et de sa lutte antiterroriste : "Il a développé sa coopération dans ce domaine, ce qui a obligé Al-Qaida à se terrer de façon non négligeable au cours des dix-huit derniers mois." Sont-ce là les réflexions d'un pacifiste irrepenti ?
Les Guerre d'Obama, de Bob Woodward, Denoël, 522 p., 23,50 €.
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