Alors que Pékin mène actuellement un grand audit de ses centrales, la France s'attend à ce que la Chine rehausse ses exigences en matière de sûreté.
Et si le retour en grâce des questions de sûreté dans le monde de l'énergie nucléaire bénéficiait à la France ? C'est l'idée que défend Nicolas Sarkozy. Celui-ci n'a pas oublié comment les Sud-Coréens avaient raflé le marché d'Abu Dhabi en proposant un réacteur moins cher mais également moins exigeants que l'EPR français en termes de sûreté. Cet espoir pour la filière française de l'atome peut sembler paradoxal, quelques semaines seulement après l'un des plus graves accidents de l'histoire du secteur. Il repose essentiellement sur un pays : la Chine, plus grand marché au monde avec 40 % des réacteurs actuellement en construction sur la planète. Paris fait le pari que Pékin ne renoncera pas à cette source d'énergie et que la technologie française est la plus à même de répondre aux attentes chinoises.
Pour l'instant, Pékin effectue un audit de ses centrales. Mais la France veut croire qu'une fois cette expertise menée à terme, la Chine optera pour des projets en ligne avec les nouvelles exigences de sûreté qu'elle se sera fixées. L'espoir de Paris est donc que cela donne toutes leurs chances aux réacteurs dits de « troisième génération », censés mieux résister à un accident. Donc soit l'EPR français, soit l'AP1000 de Westinghouse. Si Pékin a officiellement donné sa préférence, en 2006, à l'AP1000, Paris espère qu'il n'y a là rien de définitif, et qu'il s'agissait d'abord, pour Pékin, à l'époque, de ne pas se retrouver pieds et poings liés à l'égard de la technologie française. Preuve en est que les autorités chinoises ont tout de même donné leur aval pour la construction de deux EPR dans le sud du pays, à titre dérogatoire. Surtout, l'AP1000 est, pour l'heure, un concept aux technologies certes innovantes, mais sa concrétisation semble appelée à prendre du temps, à l'image des nombreux retards et surcoûts qu'ont connus les chantiers européens de l'EPR.
Fenêtre de tir
Il y a donc, avant que l'AP1000 ne soit pleinement fonctionnel, et avant que les industriels chinois ne soient en mesure de développer leur propre réacteur de troisième génération, une fenêtre de tir dont l'industrie française espère bénéficier. C'est tout le sens de la proposition de l'Elysée d'établir un partenariat global entre la France et la Chine afin de concevoir ensemble un réacteur destiné à l'export. « L'idée d'exporter ne trompe personne : il s'agit d'abord de construire ensemble pour le marché chinois, car c'est ici que se joue l'avenir de cette industrie, explique un bon connaisseur du sujet. Le but serait de fabriquer un réacteur de troisième génération issu du retour d'expérience de l'EPR construit en Chine. »
Pour ce spécialiste, Paris a donc trouvé un moyen, en parlant d'exportation, de ne pas avoir l'air de forcer la main à la Chine, qui a officiellement opté pour l'AP1000. Cela n'empêche pas Pékin d'accepter l'idée « à la chinoise » en laissant actuellement se développer les contacts entre EDF et CGNPC, l'électricien de la province du Guangdong. Le but étant de construire, à partir de cet embryon, un consortium industriel rassemblant tous les grands acteurs de l'atome des deux pays. Toute la question est de savoir combien de temps il faudra pour établir une structure opérationnelle, au-delà des querelles de chapelle. « Le train va bientôt partir, il faut se dépêcher de monter dedans », prévient un Français.
GABRIEL GRESILLON
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