Grand succès pour la collection d'art chinois contemporain de l'industriel belge Guy Ullens.
Nous achetons un tableau par jour. La collection contient plus de 1.500 oeuvres. Nous sommes deux à peine à être en compétition dans ce domaine immense qu'est l'art chinois contemporain. Dans la vie, j'ai appris qu'on pouvait être premier ou deuxième, mais rien d'autre. Sinon on ne compte pas. »
C'était en 2005. Guy Ullens, industriel belge de l'agroalimentaire, racontait aux « Echos » sa passion et ses ambitions colossales dans le domaine de la collection d'art chinois contemporain. Elle est née d'un souvenir d'enfance, lorsque son père lui contait ses voyages en Chine. Puis, en novembre 2007, Guy Ullens a ouvert un centre d'art dans un bâtiment réhabilité par Jean-Michel Wilmotte, consacré à la création actuelle à Pékin. Mais, depuis plusieurs mois, le monde de l'art bruissait du désir du collectionneur de vendre le pléthorique ensemble amassé depuis de nombreuses années. Début 2009, il aurait proposé près de 2.000 pièces pour 100 millions d'euros à des partenaires privés chinois, en vain.
Poussées spéculatives
Le 3 avril dernier à Hong Kong, Sotheby's cédait 105 oeuvres de la collection Ullens avec une estimation de 9,3 millions d'euros. Elles ont toutes été vendues sans exception pour un produit total de 38,8 millions d'euros. Un succès exceptionnel pour des tableaux qui correspondent, semble-t-il, à la demande actuelle des amateurs. L'experte de Sotheby's, Evelyn Lin, parle de « qualité » dans l'art contemporain chinois pour des oeuvres historiques de la fin des années 1980 et du début des années 1990 et ajoute que « depuis trois ans environ le marché est beaucoup plus sélectif ». Ces années-là sont celles où un groupe relativement restreint d'artistes sortent des sentiers battus de la peinture officielle pour s'exprimer sur la société chinoise en plein bouleversement. L'oeuvre la plus chère de la vente est signée Zhang Xiaogang (né en 1958), qui a exposé dès 1994 en France à la Galerie de France, de Catherine Thieck. Le 3 avril, un monumental triptyque qu'il a peint en 1988 et qui tient du récit surréaliste a été adjugé pour 7,1 millions d'euros, le record pour une oeuvre contemporaine chinoise. Mais Zhang Xiaogang est connu pour sa série plus récente de portraits de personnages, souvent inexpressifs, marqués par des imperfections, des taches ou des lignes de couleurs symbolisant une réalité flétrie par le temps ou les faits. Depuis plusieurs années déjà, l'artiste est soumis à des poussées spéculatives, et Catherine Thieck racontait qu'une toile du même, qu'elle avait vendu en 2003 pour 40.000 euros, avait été adjugée en 2006 à 2,3 millions de dollars à Hongkong.
Plusieurs jours après la vente Ullens, Sotheby's ne donnait toujours pas la nationalité des acheteurs, mais il semblerait que les dix oeuvres les plus chères de cette opération aient été acquises par un fonds d'investissement américain.
Une foire à Hong Kong
Le galeriste franco-chinois installé à Pékin Xin Dong Cheng remarque que les véritables collectionneurs chinois sont en nombre limité : « Il existe un manque d'éducation vis-à-vis de la création actuelle qui fait que les Chinois achètent peu en galerie la production récente. Les enchères, en revanche, procurent des oeuvres plus anciennes, considérées comme établies, et ce public aime l'excitation et l'ambiance propres aux enchères. » En outre, l'Etat a récemment bloqué le marché de l'immobilier, et, pour certains, les oeuvres historiques de la collection Ullens pouvaient constituer un excellent investissement de substitution. Une question reste pendante : que va faire Guy Ullens de la masse des oeuvres restantes de sa collection ?
Le 26 mai se tiendra à Hong Kong la foire d'art contemporain. Des rumeurs prêtent à la Foire de Bâle la tentation de racheter ce Salon qui pourrait devenir un lieu stratégique du négoce de l'art. La banque de données Artprice estimait récemment que la Chine - Hong Kong compris -représentait 33 % du produit total des ventes mondiales aux enchères dans le domaine des tableaux. Reste que, en Chine, la valeur accordée aux données chiffrées n'a rien à voir avec celle des pays occidentaux.
JUDITH BENHAMOU-HUET
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