vendredi 15 avril 2011

La Chine décide de réduire la vitesse de ses TGV - Renaud Honore

Les Echos, no. 20913 - Services, vendredi, 15 avril 2011, p. 26

Le gouvernement chinois va limiter la vitesse de ses TGV à 300 km/h, contre 350 km/h auparavant. C'est un coup d'arrêt pour le TGV chinois, alors que la France s'interroge sur la vitesse à adopter pour son train vedette dans la compétition internationale.

Une page s'est bel et bien tournée, hier, dans le monde du train à grande vitesse chinois : celle de la démesure. Le nouveau ministre des Chemins de fer, Sheng Guangzu, a en effet annoncé que les TGV chinois limiteraient leur vitesse à 300 kilomètres/heure à partir du mois de juillet, contre des vitesses allant parfois jusqu' à 350 kilomètres/heure aujourd'hui. Par la même occasion, Sheng Guangzu a annoncé, dans une interview accordée au « Quotidien du peuple », que la politique tarifaire allait être revue afin de proposer des billets moins chers, correspondant à des trains marquant plus d'arrêts.

Retour à la rationalité

Ce que l'on pressentait depuis le limogeage, en février, du précédent ministre chinois des Chemins de fer, Liu Zhijun, se confirme donc. Si la raison principale de la mise à l'écart de ce dernier était bien un scandale de corruption - il aurait touché l'équivalent de 84 millions d'euros de pots-de-vin -, l'ensemble de sa politique est également critiqué. Celui-ci a mené, tambour battant, un programme de développement de la grande vitesse qui permet à la Chine de disposer du premier réseau mondial, avec plus de 8.000 kilomètres de lignes.

Mais il l'a fait manifestement de façon excessive. D'une part, le matériel roulant est poussé à des vitesses trop élevées, avec un vieillissement prématuré à la clef. D'autre part, les investissements ont été démesurés, la dette du ministère des Chemins de fer étant de 125 milliards d'euros. Mais les TGV chinois ne rencontrent pas le succès massif prévu, compte tenu des prix pratiqués, inaccessibles pour le gros de la population. Sheng Guangzu a donc décidé de remettre de la rationalité dans le système, en faisant rouler ses trains moins vite, mais probablement moins vides, et plus longtemps.

Cette décision chinoise ne devrait pas passer inaperçue en France. Depuis quelques mois, les acteurs de la filière ferroviaire débattent en place publique pour savoir s'il faut pousser le TGV hexagonal jusqu'au 350 kilomètres/heure, alors que sa vitesse maximale est comprise entre 300 et 320 kilomètres/heure (sur la LGV Est seulement). Le problème avait été évoqué la semaine dernière en marge des festivités pour les trente ans du train vedette. « Si on veut continuer d'exporter le TGV dans le monde, il va falloir se poser la question de savoir s'il doit passer les 350 kilomètres/heure », avait souligné Guillaume Pepy, président de la SNCF, ajoutant : « Pour ma part, j'ai plutôt une réponse qui est "oui". » La vitesse est un argument commercial important, surtout quand on détient, comme Alstom et la SNCF, le record mondial (574,8 kilomètres/heure).

Cette obsession pour le coup d'accélérateur est loin d'etre partagée par RFF, le propriétaire des rails. Début décembre, Jean-Marc Delion, directeur général délégué en charge du développement, avait souligné que « 300 kilomètres/heure est plutôt le standard international ». Surtout, le dirigeant mettait en avant les conséquences inquiétantes de l'instauration du 320 kilomètres/heure pour le TGV Est, parlant de « déformations de voies et surcoûts d'entretien ».

GABRIEL GRESILLON (à PéKIN) ET RENAUD HONORE

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