Son atelier et son domicile ont été perquisitionnés. Ses assistants et sa femme ont été interrogés
L'artiste chinois Ai Weiwei, 53 ans, a été empêché, dimanche matin 3 avril, à Pékin d'embarquer dans un avion pour Hongkong puis Taïwan, où il se rendait pour une exposition, selon l'un de ses assistants, qui en a informé des journalistes étrangers.
Il n'avait toujours pas donné de nouvelles vingt-quatre heures après avoir été emmené par des officiers de l'immigration à l'aéroport de Pékin. Pendant ce temps, son studio à Caochangdi, un village d'artistes et de galeries à l'est de Pékin, a été perquisitionné toute la journée de dimanche, par des dizaines de policiers munis de mandats, ont rapporté ses assistants.
Huit de ses collaborateurs, ainsi que sa femme, Lu Qing, ont été interrogés et une grande partie du matériel informatique du studio a été confisquée, ce qui signalerait une opération de police élaborée, et approuvée par la haute hiérarchie de la sécurité publique. Les dimanches sont devenus une date sensible en Chine depuis l'organisation, mi-février, de « promenades dominicales » en faveur d'une « révolution du jasmin », à la tunisienne, en Chine.
Toujours d'après les assistants de l'artiste, divers services administratifs étaient venus à trois reprises dans la semaine vérifier la conformité des normes incendies du studio, ou bien les permis de travail de ses employés étrangers, une tactique classique de la police pour gêner le travail d'organisations sensibles. Le studio d'Ai Weiwei produit des travaux à fort contenu social qui dérangent les autorités, autour d'événements ou de personnalités qui suscitent la polémique.
Il avait lancé, en 2009, une enquête citoyenne sur des écoles mal construites du Sichuan, glanant des milliers de témoignages et du matériel multimédia qui avait fait grand bruit. Il s'était aussi activement engagé pour défendre l'activiste du Sichuan Tan Zuoren, qui dénonçait également le scandale des écoles, mais s'était rapidement fait arrêter. L'avocat du militant avait alors prévu de faire venir Ai Weiwei à la barre lors du procès de M. Tan, mais la police avait tout simplement empêché l'artiste et les autres témoins de sortir de leur chambre d'hôtel à Chengdu.
Malgré sa célébrité en Chine - il est le fils du poète Ai Qing et il a participé au design du stade olympique, le Nids d'oiseau -, Ai Weiwei a perdu, ses deux dernières années, en raison des consignes de la censure, sa visibilité dans les médias chinois. Son blog sur le portail Sina - il faisait partie, à l'origine, des célébrités invitées par le géant de l'Internet chinois - a été bloqué puis supprimé.
En revanche, il est très actif sur Twitter, bloqué en Chine, mais accessible grâce à des techniques de contournement de la censure. Il y est devenu pour les jeunes générations de Chinois, une figure emblématique de la contestation. On l'y surnomme « Ai Weilai » ou « Celui qui aime l'avenir ».
Ces derniers mois, l'artiste a plusieurs fois été interrogé par la police ou bloqué dans sa résidence de Caochangdi. Il avait déjà été empêché, le 10 décembre 2010, de s'envoler pour l'étranger avant la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo. Il le faisait alors savoir haut et fort - par Twitter.
Cette fois, l'ampleur des moyens déployés par la police pourrait signifier que l'artiste s'expose à des poursuites bien plus graves que par le passé, où les actions entreprises contre Ai Weiwei relevaient essentiellement de l'intimidation. Un nouveau degré serait alors franchi dans ce qui apparaît comme une vaste campagne préemptive destinée à contrer tout mouvement de contestation en Chine. Des dizaines de militants et d'avocats de premier rang ont déjà été soit arrêtés soit sont portés disparus ces dernières semaines.
Brice Pedroletti
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1 commentaires:
La Chine est décidément un pays à part. Combien de temps le gouvernement chinois va-t-il pouvoir enfermer tous ceux en désaccord avec lui ? Compte-t-il enfermer le reste du monde aussi ?
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