C'est le printemps des scandales alimentaires en Chine : dernier en date, des petits pains (mantou) à la vapeur vendus dans les supermarchés à Shanghai, et dont le fabricant avait altéré la composition : de la teinture jaune avait été ajoutée pour que les petits pains aient la couleur du maïs, et toutes sortes de composants chimiques n'étaient pas indiqués sur le paquet.
Enfin, une grande partie des 300 000 mantou livrés depuis janvier avaient été recyclés dans de nouveaux emballages alors que leur date d'expiration était dépassée. C'est un programme de la télévision qui a révélé le subterfuge.
Quelques jours auparavant, un cas de lait frais empoisonné dans la province du Gansu, qui a provoqué la mort de trois enfants et en a rendu malade 36 autres, a d'abord ravivé la psychose de la contamination à la mélamine. L'enquête de la police a révélé qu'un couple de fermiers s'était vengé de son voisin en introduisant du nitrite dans sa production laitière.
Fin mars, du porc au clenbutérol, un additif à usage vétérinaire, aussi utilisé par les culturistes, a de nouveau été découvert, cette fois dans les produits d'une marque qui appartient au premier producteur de porc chinois, le groupe Shanghui. Des centaines de personnes étaient déjà tombées malades après avoir mangé du porc contenant du clenbutérol à Shanghai en 2006, puis dans la province du Guangdong en 2009.
Ces scandales exaspèrent les consommateurs chinois, qui se considèrent déjà pénalisés par l'inflation. Les internautes et la presse mettent en doute l'efficacité des mesures prises par les autorités. " Les failles de la supervision, auxquelles s'ajoute une culture d'entreprise qui privilégie le profit à court terme sur la réputation à long terme, sont la cause de ces scandales récurrents du secteur alimentaire. Ne pas pouvoir apporter de solution immédiate n'est pas une réponse acceptable. Le problème de la sûreté alimentaire a érodé la confiance du public dans le gouvernement ", tance un éditorial du quotidien Global Times du 13 avril.
Conscientes de la grogne populaire, les autorités chinoises font montre de diligence : Han Zheng, le maire de Shanghai, a promis de traquer les coupables dans l'affaire des mantou. Une quinzaine de fonctionnaires, dont des inspecteurs chargés des contrôles vétérinaires, font l'objet d'enquête dans le Henan et le Jiangsu, où a été identifiée la viande de porc toxique.
Dans l'industrie du lait, le traumatisme de la contamination à la mélamine (six nouveau-nés ont péri, mais 300 000 enfants ont été affectés) avait conduit le gouvernement à mettre en place une base de données nationale des producteurs de lait et un système de certification. En outre, tout achat de mélamine est désormais répertorié.
Début avril, une tournée d'inspection des autorités sanitaires a révélé que 45 % des producteurs de lait n'avaient pas pu obtenir de licence car ils ne possédaient pas l'équipement nécessaire pour contrôler la présence de mélamine et de résidus d'antibiotiques dans leur production. Ces producteurs ne représenteraient toutefois que 5 % de l'industrie laitière chinoise, selon la presse.
D'autres obstacles ont empêché la Chine de tirer toutes les leçons du scandale de la mélamine. Pour retentissant qu'il fut, celui-ci a fini par être étouffé : les parents d'enfants qui se sont retrouvés avec des calculs rénaux n'ont pas pu intenter de procès - les tribunaux les ont rejetés, et les avocats ont été intimidés. Forcés d'accepter le système de compensations mis en place par le gouvernement, ils dénoncent aujourd'hui sa rigidité. Et beaucoup se plaignent de ne pouvoir se faire rembourser les frais médicaux. " Souvent, il est difficile de prouver qu'une maladie est la conséquence des calculs rénaux, dit un avocat qui s'était mobilisé pour aider les parents en 2008. En outre, les hôpitaux proposent de moins en moins d'examens gratuits, et ce sont très souvent les familles qui doivent payer. "
En novembre 2010, Zhao Lianhai, le père d'un enfant contaminé qui avait représenté les parents dans les négociations avec le gouvernement, et créé un site Internet pour les informer, a été condamné à deux ans et demi de prison pour trouble à l'ordre public, puis libéré pour raison médicale. Il est sorti de son silence le 5 avril. Dans une vidéo diffusée sur Youtube, il parle de cas d'enfants dont l'état se serait détérioré, mais qui font face à l'indifférence des gouvernements locaux et des départements concernés.
Brice Pedroletti
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