mardi 19 avril 2011

L'inflation chinoise va bientôt partir à la conquête du monde

Le Monde - Economie, mardi, 19 avril 2011, p. 15

La surchauffe de l'économie chinoise pourrait sous peu avoir de graves conséquences pour le monde entier. D'après les chiffres officiels publiés le 14 avril, la hausse de l'indice des prix à la consommation s'est emballée au premier trimestre, à 5,4 %, pour une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 9,7 %.

L'augmentation des salaires et de l'inflation en Chine pourrait en conséquence déclencher un mouvement inflationniste d'envergure mondiale.

Jusqu'à présent, la Chine avait aidé les pays occidentaux à maintenir leur taux d'inflation à un faible niveau. Sa main-d'oeuvre abondante et bon marché, ainsi que l'étroit contrôle exercé sur le yuan ont permis à Pékin d'exporter ses produits à des prix très bas, beaucoup trop bas de l'avis de ses concurrents. Depuis 2000, aux Etats-Unis, la progression du prix moyen des articles en provenance des pays industrialisés atteint 31 %, contre 2,7 % seulement dans le cas des produits chinois.

Grâce à quoi les pays occidentaux ont maintenu leurs taux à des niveaux proches de zéro car, en dépit d'une véritable frénésie de consommation, l'inflation est restée sous contrôle. L'accroissement des réserves de change chinoises et l'achat de dette occidentale par Pékin ont créé les conditions d'un crédit... abondant et bon marché. Deuxième cadeau empoisonné.

L'accélération de l'inflation en Chine est train de changer la donne. Selon l'agence de presse officielle Chine nouvelle, pas moins de douze municipalités et provinces ont réévalué le salaire minimum cette année, à hauteur de 20 % pour la moitié d'entre elles. L'inflation atteint aujourd'hui des proportions endémiques. Petit exemple tiré de la vie quotidienne : dans la riche province de Guangzhou (sud), les habitants se plaignent de l'augmentation du tarif des coupes de cheveux, en hausse de 50 % selon la presse locale.

Pare-feu

L'envolée des prix et des salaires va se répercuter sur les exportations, ce qui alimentera les pressions inflationnistes des partenaires commerciaux de la Chine. Et ce n'est pas la réponse, prévisible, de Pékin, pour juguler l'inflation - relâcher son contrôle sur sa devise pour la laisser s'apprécier - qui va arranger les choses. Le yuan a pu gagner 4,5 % par rapport au dollar depuis juin 2010, mais il est clair que cela ne suffira ni à atténuer l'impact de la flambée des prix de l'énergie et des matières premières ni à freiner l'émission monétaire liée à l'accroissement des réserves de devises étrangères.

L'appréciation du yuan à un rythme plus rapide serait du goût des concurrents de l'empire du Milieu, mais risque de doper l'inflation dans les pays occidentaux en renchérissant les importations chinoises. L'Occident risque fort de perdre le pare-feu anti-inflation fourni pendant longtemps par la Chine, avec comme conséquences possibles le relèvement des taux et l'accélération de l'inflation.

Ralentissement de la croissance, durcissement du crédit, les emprunteurs ne vont pas être à la fête. Et parmi eux, des gouvernements occidentaux déjà aux abois.

Sur Breakingviews.com

Ian Campbell

(Traduction de Béatrice Laroche)

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