L'Express, no. 3120 - ÉCONOMIE INTERVIEW, mercredi, 20 avril 2011, p. 81
Myret Zaki, journaliste au magazine suisse Bilan, dévoile, dans un livre provocateur, La fin du dollar : Comment le billet vert est devenu la plus grande bulle spéculative de l'histoire, les failles de la première économie mondiale et de sa monnaie.
Pourquoi êtes-vous aussi inquiète de la situation du dollar ?
Le billet vert est devenu, en une décennie, la plus grande bulle spéculative de l'Histoire. Bernard Madoff lui-même - un expert - a dit que l'Etat américain était une gigantesque pyramide de Ponzi. Le système repose sur un recours extensif à la planche à billets : la banque centrale, la Fed, déverse sans limites des milliards de dollars pour doper l'économie américaine. Résultat : les chiffres de croissance et d'inflation ne correspondent plus du tout à la réalité sous-jacente. Il faudra bien que cela cesse à un moment, et alors, cela risque de faire très mal. Par ailleurs, la Fed a récupéré à son bilan beaucoup d'actifs toxiques en provenance des banques en difficulté. C'est une autre bombe à retardement, au sujet de laquelle le Fonds monétaire international a tiré la sonnette d'alarme : il a dit que le bilan de la Fed ressemblait désormais à celui d'un hedge fund. Enfin, il y a le problème du surendettement massif des Etats et des municipalités américaines. C'est le cas par exemple de la Californie, qui est au bord de la faillite. Or il s'agit de l'équivalent de la septième économie de la planète. En comparaison, la Grèce, avec ses 2 % du PIB européen, représente bien peu de chose !
Vous faites aussi le lien entre les problèmes du dollar et la crise dans la zone euro...
Oui. Cela a été une aubaine incroyable pour les Etats-Unis. En 2008, l'euro montait en puissance par rapport au dollar, et beaucoup de pays détenteurs de billets verts avaient commencé à diversifier leurs actifs. Jusqu'à la crise européenne, qui a, de nouveau, fait apparaître le dollar comme une valeur refuge. N'oublions pas - sans tomber dans la théorie du complot - que cette crise a également été alimentée par des hedge funds américains. Mais, à présent que le pire de la crise en Europe semble derrière nous, l'Amérique est à nouveau au centre des inquiétudes.
Que peut-il se passer ?
Le règne du dollar touche inéluctablement à sa fin. A terme, il y a deux possibilités : la première, c'est une sortie intelligente et ordonnée du système monétaire fondé sur cette devise. Compte tenu de l'ampleur des dénégations en la matière, ce n'est pas le scénario le plus probable. L'autre issue, c'est que l'on attende une crise déclenchée par la défiance vis-à-vis du dollar : dans ce cas-là, on entre à nouveau dans l'inconnu.
Que deviendrait un système monétaire international dont le dollar ne serait plus le pivot ?
Cela a longtemps été le cas, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est possible que l'on revienne à un système multipolaire, dominé cette fois par le yuan. Les Chinois ont d'ailleurs dit explicitement qu'ils l'avaient programmé pour en faire la nouvelle monnaie de réserve. Et ils sont aujourd'hui clairement en position de force, avec plus de 3 000 milliards de dollars de réserves de change détenus par la Banque centrale. On dit parfois qu'il y a une interdépendance entre Chinois et Américains. Mais c'est une supercherie que de mettre sur le même plan les difficultés d'un débiteur et celles de son créancier. Ce dernier est à l'évidence dans une situation beaucoup plus favorable.
Propos recueillis par Benjamin Masse-Stamberger
La fin du dollar : Comment le billet vert est devenu la plus grande bulle spéculative de l'histoire
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