Fragments d'un concours haineux
L'amour abat bien des frontières... mais pas à Noisy-le-Sec, où les petits caïds lynchent un "amoureux clandestin".
"Ils lui ont fait la loi" : ainsi s'exprimait une ado de la cité du Bois-Perrier à Rosny-sous-Bois (93) au lendemain du lynchage d'un jeune de 19 ans sous un tunnel menant au RER, à Noisy-le-Sec. Tout un programme qui en dit long sur la façon dont ces jeunes, pour la plupart issus de l'immigration africaine, considèrent la loi, celle qui est votée au Parlement et mise en oeuvre au quotidien par les magistrats. Au terme de leur "code pénal " personnel, la victime, Aroun Thiam, méritait de se faire éclater foie et rate, et de se faire malaxer le cerveau à coups de pompes. Son crime : filer le parfait amour avec une fille de 16 ans avec laquelle il a grandi, alors qu'il vient d'un autre quartier, situé du côté de Sartrouville, bien au-delà de la frontière invisible qui entoure leur territoire. Un crime de lèse-cage d'escalier.
Cette fille, considéraient-ils apparemment, n'aurait jamais dû convoler avec un "étranger". Cette fille leur appartenait, en quelque sorte, au même titre que le bac à sable de leur enfance, l'arrêt de bus, le terrain vague désaffecté, le banc ou le hall de leur immeuble. Hypermachisme de petits mâles dominants tellement sûrs de leur fait qu'ils y sont allés en meute, une dizaine. Ils ont guetté l'amoureux et l'ont filé jusqu'à la station de RER, ce samedi soir vers 20 heures. Sans prendre la peine de se masquer, sans égard pour les caméras de vidéosurveillance installées alentour, comme s'ils étaient sûrs de leur bon droit, eux qui n'ont jamais eu sérieusement affaire à la police, ils l'ont déchiré sous les yeux terrorisés de la fille. Un déchaînement de violence que l'on ne peut dire "gratuite", car pour eux elle était totalement justifiée. Légitime, même.
"Des chiens sur un chat", a dit un témoin, cité par la télévision. Aux dernières nouvelles, la plupart des participants à ce raid punitif ont été identifiés et interpellés, tandis que l'"intrus" était entre la vie et la mort. Pas sûrs qu'ils comprennent un jour que leur "loi", ces codes qui régissent leur vie quotidienne depuis leur plus tendre enfance, où le coup de boule prime sur la discussion, n'est pas reconnue à l'extérieur, au-delà de cette ligne de démarcation invisible qui sépare leur quartier de la République. Leur vie est pleine de ces bagarres dont ils ont souvent oublié le mobile. Cette fois, au moins, ils savaient pourquoi ils partaient à la baston. Pas le moindre romantisme shakespearien derrière cette montée d'adrénaline ; juste un élan barbare.
Les familles feront-elles la paix chez le maire, comme le souhaite l'élu (UMP) ? Sa fenêtre de tir, si l'on ose dire, devrait être étroite.
© 2011 Marianne. Tous droits réservés.
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