Le Figaro, no. 20783 - Le Figaro Économie, samedi 28 mai 2011, p. 24
L'accord économique passé avec Pékin a six mois d'existence. Des deux côtés du détroit, chefs d'entreprise et politiques s'en félicitent.
Les panneaux flambant neufs brillent au terminal 2 de l'aéroport Taoyuan, à Taïpeh. Air China, China Eastern, toutes les grandes compagnies aériennes de Chine continentale sont représentées. Chen Yu-shun, de l'Office d'information du gouvernement, s'en amuse, mais ne cache pas sa fierté.
Ratifié en juin 2010, l'accord économique entré en vigueur le 1er janvier entre la Chine et Taïwan, baptisé « Cross-strait economic cooperation framework agreement » (ECFA), aura bientôt 6 mois d'existence. La Chine ne reconnaît toujours pas Taïwan comme un Etat indépendant et la traite comme une province, mais il a fait tomber de nombreuses barrières douanières. L'île en attend une augmentation de 5 % de ses exportations vers le continent et 13,8 milliards de dollars de Taïwan (336,6 millions d'euros) de retombées économiques. Désormais, 370 vols par semaine sont assurés au-dessus du détroit. Taïpeh voudrait les voir passer à 500. Et le président taïwanais Ma Ying-jeou a promis la création d'une agence gouvernementale chargée de développer les échanges avec la Chine.
Depuis décembre 2010 les entreprises du continent ont, de leur côté, réalisé une centaine d'investissements à Taïwan, pour 131,8 millions de dollars de Taïwan (3,2 millions d'euros). L'île autorise maintenant la délocalisation en Chine des activités de haute technologie, comme les écrans LCD, ce qu'elle interdisait. Elle permet aux investisseurs chinois de prendre des participations dans ses fabricants d'écrans et de semi-conducteurs à hauteur de 10 % du capital.
Différence politique
« Les investissements taïwanais en Chine ont commencé dans les années 1980 en partant du delta de la rivière des Perles et du Yang Tsé. À présent ils remontent vers le nord », rappelle Fritz Jang, secrétaire général de l'Association nationale pour l'industrie et le commerce. Aujourd'hui la Chine et Hongkong représentent plus de 40 % des ventes de Taïwan à l'étranger. L'île y a investi 200 milliards de dollars américains et 800 000 Taïwanais y vivent à l'année.
Au siège d'Air China, ouvert en 2009, le patron, Zhang Yun, a 37 ans. Il a fait ses études à l'université de Pékin et se sent comme un poisson dans l'eau à Taïwan. La compagnie réalise la moitié de son chiffre d'affaires entre la Chine et Taïwan avec des hommes d'affaires. Sur la trentaine d'employés qui y travaillent, 7 sont du continent. « S'il y a une différence entre nous quand on parle de politique, il n'y en a pas quand on travaille. Non seulement nous nous ressemblons tous, mais encore on est tous des Chinois », insiste-t-il.
Cependant, la directrice générale du plan au ministère de l'Économie, Cheryl Tseng, reconnaît que les hausses de salaires en Chine rendent les affaires plus difficiles : « Au début, l'écart était de 1 à 10, aujourd'hui il n'est plus que du tiers. » De même, Chao Chien-Min, ministre adjoint du conseil chargé des affaires avec la Chine continentale juge que Taïwan ne doit pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et commencer à se tourner vers l'Inde. L'accord passé avec Pékin peut l'aider à le faire. La Chine ne voulait pas du terme de libre-échange, qui aurait implicitement conféré à Taïwan un statut d'État indépendant, ce qu'elle refuse. « L'île, qui voit se multiplier les accords de libre-échange en Asie, craint de se retrouver isolée », souligne Roy Chun Lee, chercheur à l'institut Chung-Hua. Surtout, « alors que la Chine s'ancre de plus en plus dans l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), cet accord-cadre est psychologiquement très important », insiste Olivier Rousselet, vice-président de la chambre de commerce européenne à Taïpeh et patron de BNP-Paribas sur place.
Négocier avec l'Europe
Le gouvernement en profite pour entamer des négociations avec Singapour, les Philippines et même l'Europe. « Ce sera difficile, concède Chang Chun-fu, directeur général adjoint du ministère du Commerce extérieur et des Affaires économiques. Mais la Corée du Sud a signé, et c'est un vrai concurrent pour Taïwan. »
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