lundi 16 mai 2011

INTERVIEW - M. Lee n'exclut pas " de nouvelles tensions avec la Corée du Nord "


Le Monde - Contre-enquête France, mardi 17 mai 2011, p. 10

Au terme d'une visite officielle en Europe, le président sud-coréen, Lee Myung-bak, a rencontré, lors de son séjour parisien, du 12 au 14 mai, les autorités françaises et des chefs d'entreprise.

Votre proximité avec les Etats-unis ne constitue-t-elle pas un frein à la réunification avec la Corée du Nord ?

Non, les Etats-Unis sont un allié historique depuis la guerre de Corée. Cette relation n'est pas un obstacle à la paix avec Pyongyang, elle limite, au contraire, les risques de guerre. C'est une protection qui se maintiendra tant que la menace nucléaire existera chez notre voisin du Nord.

Vous renforcez vos défenses côtières depuis les récentes attaques nord-coréennes. Craigniez-vous la guerre ?

Les provocations de la Corée du Nord ne sont pas nouvelles. Mais nous avons décidé d'adopter un ton plus ferme pour faire comprendre qu'elles n'ont eu aucun effet et qu'on ne les acceptera plus. On ne peut pas exclure qu'une nouvelle provocation conduise à de fortes tensions militaires.

Le silence de l'Europe sur l'univers concentrationnaire nord-coréen vous choque-t-il ?

Je crois que, pour ne pas limiter les chances de dialogue avec la Corée du Nord, nous devons éviter de mettre en avant la question des droits de l'homme. Mais l'Europe et la France ont un rôle important à jouer dans ce domaine.

Le processus de changement dynastique en cours en Corée du Nord peut changer ce régime ?

Même pour nous, il est dur de prédire les évolutions de ce pays très fermé. Nous essayons de convaincre la Corée du Nord d'abandonner son programme nucléaire si elle veut le dialogue. Nous tentons aussi d'expliquer que le choix du développement économique entraînera le pays dans un processus d'ouverture, comme cela s'est produit en Chine et au Vietnam. Pékin pense d'ailleurs qu'il est de son intérêt que ce dialogue réussisse.

Après les réformes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, la Corée est-elle à sa juste place dans la gouvernance mondiale ?

La Corée n'étant pas impliquée dans des conflits d'intérêts, elle occupe une place très favorable dans le concert international. Il fallait adapter les institutions à l'émergence considérable de certains pays, mais il était très difficile d'y parvenir car les intérêts sont très différents entre les pays pauvres et les pays riches, entre l'Union européenne et les Etats-Unis, entre la Chine et les pays développés. Nous avons pourtant obtenu à Séoul une réforme considérable du FMI et une amélioration de la gouvernance mondiale.

Quelles conclusions avez-vous tiré du séisme japonais ?

Cela nous a donné l'occasion de réfléchir à notre sécurité nucléaire et de renforcer la coopération internationale en la matière. La Corée est proche du Japon et nous avons pris en considération cet accident pour renforcer nos normes de sécurité. Heureusement, la Corée n'est pas située au centre de la zone sismique.

La catastrophe japonaise peut-elle conduire à une révision de votre politique énergétique ?

La Corée est 100 % dépendante en matière énergétique. Pour diversifier ses sources d'énergie et faire face au réchauffement climatique, il n'y aura pas de changement dans notre politique nucléaire. Si la part des énergies renouvelables, éolien ou solaire, croît dans l'avenir, celle de l'énergie nucléaire sera moins importante. En attendant, je ne crois pas possible de réduire la part du nucléaire.

En France, la Corée est accusée d'avoir vendu, au rabais, des réacteurs nucléaires dans le Golfe, au détriment de la sécurité ?

Il ne faut pas sous-estimer les Emirats arabes unis. Ce n'est pas le prix qui a compté. Il faut évaluer une centrale nucléaire sur la base de son efficacité. Dans ce domaine, il n'y pas une compétition entre les pays, mais entre des entreprises. Je ne crois pas que le sentiment que vous indiquiez soit très répandu en France.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a qualifié nos centrales de premières au monde en matière d'efficacité et de sécurité. Car la Corée a beaucoup changé. Nous sommes désormais dans les premiers rangs en matière de technologie de haute qualité, comme les chantiers navals, l'automobile ou les composants électroniques.

Qu'attendez-vous de la présidence française du G20 ?

J'espère que la priorité donnée à l'enjeu du développement sera respectée. La Corée est passée de l'état de bénéficiaire d'une aide à celui de pays donateur. Il nous faut aider les pays africains à trouver les moyens de se développer de façon autonome. Je souhaite qu'au sommet du G20, à Cannes, nos discussions débouchent sur un renforcement de la sécurité alimentaire et énergétique des pays en développement.

La Corée continuera-t-elle à acheter des terres en Afrique ?

Nous dépendons de l'étranger pour 73 % de notre alimentation. C'est pour cela que nous comptons sur des prêts de terre faits à l'étranger par des entreprises privées pour y cultiver du maïs ou du blé.

Propos recueillis par Alain Faujas, Jacques Follorou et Gilles Paris

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