Les Echos, no. 20923 - International, lundi 2 mai 2011, p. 10Et si les autorités de Pékin s'étaient laissé convaincre de la nécessité d'avoir une monnaie plus forte ? Cette hypothèse apparaît de plus en plus crédible, si l'on en juge par l'accélération de la hausse du yuan. Celui-ci a franchi une barrière symbolique, vendredi, en descendant sous les 6,50 yuans pour 1 dollar, une première en dix-sept ans. Depuis juin 2010, date à laquelle les autorités ont cessé de l'arrimer strictement au dollar, la « monnaie du peuple » a connu une appréciation de 5 % face au billet vert. Et la hausse est de plus en plus rapide. L'appréciation a été de 0,9 % sur le seul mois d'avril, « un rythme trois fois supérieur à celui constaté en mars », note Dariusz Kowalczyk, économiste chez Crédit Agricole CIB à Hong Kong.
Pour la plupart des économistes, il est difficile de ne pas faire le lien entre cette poussée du yuan et celle de l'inflation dans l'empire du Milieu. Après avoir multiplié les mesures pour limiter l'activité de crédit -sept hausses des réserves obligatoires et quatre relèvements des taux d'intérêt depuis l'automne dernier -les autorités chinoises « n'ont plus beaucoup de marge en la matière », juge Dariusz Kowalczyk, qui rappelle que les taux d'intérêt sont presque revenus à leur niveau d'avant la crise financière. De ce fait, Pékin semble aujourd'hui se résoudre à utiliser l'arme du taux de change, qui permet de réduire le coût des importations libellées en dollars. Une action qui est d'autant plus envisageable actuellement que le billet vert est à la baisse et que le yuan peut donc s'apprécier face à celui-ci tout en continuant de se déprécier par rapport à l'essentiel des autres devises...
Même s'il est difficile de mesurer l'impact du coût des importations sur l'inflation en Chine, il ne fait pas de doute que les industriels chinois ont pris de plein fouet, depuis quelques mois, l'envolée des matières premières. Au premier trimestre, le pays a ainsi connu, pour la première fois depuis sept ans, un déficit commercial directement lié à la hausse du coût de ses importations. D'où cette situation paradoxale : c'est au moment où Pékin cesse d'enchaîner les excédents commerciaux qu'il se résout à laisser s'apprécier sa devise...
Stratégie politique
Mais cette explication de la hausse du yuan par l'inflation ne convainc pas tout le monde. Pour l'économiste Ken Peng, chez Citigroup, il faut relativiser la menace inflationniste : « Les cours des matières premières ne sont plus tous à la hausse, les prix alimentaires vont s'assagir », estime-t-il. Il pense que ce sont les arrière-pensées politiques qui guident Pékin dans son pilotage du taux de change. Alors que le vice-Premier ministre chinois, Wang Qishan, doit se rendre à Washington dans huit jours, Pékin cherche à faire preuve de bonne volonté vis-à-vis des Etats-Unis. Le même scénario s'était déroulé en janvier, avant la visite du président chinois, Hu Jintao, à Washington. Et en septembre 2010 également, une rencontre entre Barack Obama et le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, avait eu les mêmes conséquences sur le taux de change...
Gabriel Grésillon
PHOTO - A visitor looks at crafted embroidery works based on old Chinese Yuan (Renminbi) bank notes, as part of the "Spring and Autumn" collection by Chinese artists Shao Yinong & Muchen, on exhibit at the Singapore Art Museum during the Singapore Biennale, March 28, 2011. The Singapore Biennale runs from March 13 until May 15.
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