Les Echos, no. 20930 - Industrie, mercredi 11 mai 2011, p. 21
Les salaires chinois augmentant, le pays perd un peu de son attrait pour les investisseurs étrangers, souligne une étude que vient de réaliser le Boston Consulting Group. Cette hausse des coûts fait naître des espoirs de réindustrialisation aux Etats-Unis.
Les exportations chinoises ont atteint en avril un montant record de 156 milliards de dollars, permettant de dégager un excédent commercial de 11,4 milliards de dollars. Mais la domination du premier exportateur mondial pourrait s'amenuiser ces prochaines années. Au fur et à mesure que le coût du travail y augmente, la Chine risque de perdre peu à peu de sa compétitivité comme atelier du monde. Cette évolution devrait profiter à d'autres pays asiatiques ou encore au Mexique qui produit à bas coût. Mais pas seulement.
Une étude du Boston Consulting Group (BCG) publiée cette semaine évoque en effet la possibilité d'une renaissance de l'industrie américaine d'ici à 2015. Les grandes entreprises américaines rapatrieraient une partie de leur production réalisée en Chine sur le sol américain. L'une des raisons avancées est que la productivité américaine est meilleure. Au fur et à mesure que le différentiel sur le coût du travail s'amenuise, il y a donc moins d'incitations à délocaliser la production.
Les salaires chinois devraient en effet progresser de 17 % par an d'ici à 2015 (contre 3 % pour les Etats-Unis) alors que la productivité chinoise ne s'améliorera que de 8,5 % par an durant la même période. « Les salaires en Chine vont croître plus vite que la productivité, le yuan s'apprécie graduellement et il se trouve que certaines industries sont très efficaces et performantes aux Etats-Unis, observe Hal Sirkin, l'auteur de l'étude. Il n'y a qu'à voir l'automobile dans le sud du pays. Certains constructeurs coréens ou japonais qui fabriquent dans l'Alabama ou la Virginie pensent même maintenant exporter des voitures vers l'Europe depuis les Etats-Unis. »
Selon Hal Sirkin, le coût d'un salarié chinois (pondéré en fonction du niveau de productivité) ne représente aujourd'hui que 31 % de celui d'un Américain. Mais l'écart va se resserrer : en 2015, le coût chinois devrait être équivalent à 44 % du coût américain. Et même à 69 % dans la région du delta du fleuve Yangsé (Shanghai, Jiangsu, Zheijang).
Avec seulement 30 % de différence, produire sur le territoire américain peut redevenir intéressant, car l'industriel est plus proche de son client, dépense moins pour le transport... et n'est pas confronté aux mêmes difficultés culturelles. « La chaîne d'approvisionnement est considérablement réduite, la communication est beaucoup plus facile et il n'y a plus les problèmes de propriété intellectuelle », relève le consultant.
Selon le BCG, le mouvement serait déjà amorcé. Caterpillar a ainsi rapatrié sa production d'excavateurs de Chine vers de nouvelles usines dans l'Arkansas, au Texas et dans l'Illinois. Après avoir conclu un accord avec les syndicats sur un taux horaire à 14 dollars de l'heure, Ford a ramené 2.000 emplois aux Etats-Unis. De son côté, NCR a créé 870 emplois en Georgie pour fabriquer des distributeurs automatiques de billets.
Les Etats-Unis ne seront pas les seuls à profiter de cette nouvelle donne, prédit le BCG. Le Mexique en bénéficiera aussi. Ses salaires bas, sa proximité géographique et culturelle, font que les industriels américains comme Flextronics commencent à le préférer à la Chine. Le Canada devrait aussi tirer avantage d'une réindustrialisation des Etats-Unis. Enfin, certains pays asiatiques comme le Vietnam, la Thaïlande, le Cambodge et l'Indonésie qui disposent d'infrastructures et de supports logistiques pourront capter certains investissements au détriment de la Chine.
En revanche, l'Europe va probablement rester à la traîne. La compétitivité française, en particulier, risque de se détériorer encore. « Les effets de ce que nous voyons aux Etats-Unis seront retardés en Europe, car la population est moins mobile et les systèmes sociaux plus lourds », affirme Hal Sirkin.
Virginie Robert
Une production qui résiste
L'an passé, la production manufacturière aux Etats-Unis a représenté 11,7 % du PIB. « On a l'impression que les Etats-Unis ne fabriquent plus rien, or ils ont multiplié leur production par 2,5 en quarante ans, alors même que la force de travail diminuait de 23 % », constate Hal Sirkin, du BCG. Cette résistance tient en partie à l'action des pouvoirs publics. Réductions d'impôts, prêts à taux préférentiel, bourses, primes, les différents Etats rivalisent d'initiatives pour attirer les industriels chez eux.
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